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Quatuors à Paris, la Biennale et au-delà

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Paris. Cité de la Musique, Salle des concerts. 18-I-2024. Biennale de quatuors à cordes. Béla Bartók (1881-1945) : Quatuor à cordes n° 1 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor à cordes n° 12 op. 127. Quatuor Belcea.
Cité de la Musique, Salle des concerts. 20-I-2024. Bedřich Smetana (1824-1884) : Quatuor n° 1 « De ma vie » ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Quatuor n° 2 op. 68 ; Johannes Brahms : Quatuor n° 3 op. 67. Jerusalem Quartet.
Cité de la Musique, Salle des concerts. 21-I-2024. Joseph Haydn (1732-1809) : Quatuor à cordes op. 76 n° 2 « Les Quintes » ; Claude Debussy (1862-1918) : Quatuor à cordes ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor n° 14, op. 131. Hagen-Quartett.

Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 21-I-2024. Dimitri Chostakovitch : Quatuor n° 4 ; Ludwig van Beethoven : Quatuor op. 131. Quatuor Hanson.

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Le jeune convainc au TCE, plus que les piliers de la à la Villette.

La Biennale de quatuors n'en finit pas de rétrécir, le dernier week-end de cette édition en est le témoin : deux concerts le dimanche, un seul le samedi, alors qu'on pouvait camper des journées entières à la Cité de la musique il n'y a pas si longtemps. Et le moins n'est pas forcément le mieux, comme le programme de cette édition le montre. Les salles sont pleines, le public enthousiaste et presque toujours attentif : pourquoi la direction de la Philharmonie de Paris refuse-t-elle de répondre à cet enthousiasme ?

Une bonne partie du programme de cette biennale consiste qui plus est à prendre les mêmes et à recommencer : outre les Casals déjà commentés, on a ainsi pu entendre en trois jours les Belcea, les Jerusalem, et comme toujours les Hagen le dimanche après-midi : ensembles certes majeurs, mais qui ne suffisent pas à exprimer la richesse de la scène actuelle. Fort heureusement, le Théâtre des Champs-Élysées permettait de compléter ce panorama en accueillant le dimanche matin le – on ne dira jamais assez le rôle essentiel de la série de concerts organisés par Jeanine Roze pour compenser la faiblesse de l'offre parisienne en matière de musique de chambre à très haut niveau. Avec Chostakovitch et Beethoven, ils faisaient un écho involontaire aux programmes qu'on a pu entendre à la Villette, où les deux compositeurs étaient très présents.

On a ainsi pu entendre deux fois à quelques heures de distance le Quatuor op. 131 de Beethoven : on ne sera pas surpris que la longue fréquentation de la partition par le qui l'a enregistré il y a un quart de siècle donne à leur interprétation une profondeur, une intériorité sans égales, au prix d'une justesse parfois incertaine. Fondé en 2013 par quatre étudiants du CNSM, le offre quant à lui une interprétation un peu plus convenue, mais qui marque par sa maîtrise et sa cohérence sonore : ses membres auront certainement l'occasion d'approfondir leur relation avec l'œuvre, mais le sérieux et la probité de leur approche sont une bien meilleure base pour cela qu'une trop grande volonté de briller ; le travail des couleurs et de la dynamique offre déjà à ce stade beaucoup à admirer.

Le plus intrigant des concerts que nous avons vu dans cette biennale est sans aucun doute celui du , qui unit sans entracte le Premier Quatuor de Bartók et l'opus 127 de Beethoven. On n'est pas vraiment surpris de voir l'ensemble, sous la direction toujours impérieuse de Corina Belcea, choisir une vision nocturne, fuyante, du quatuor de Bartók, qui en gomme les accents post-romantiques et en gomme les angles. On l'est beaucoup plus de voir les musiciens adopter la même perspective pour le Beethoven qui suit, qui ne permet pas à l'auditeur de rester dans le confort d'une écoute familière : les tempi rapides sont une chose, mais la prolongation à un siècle de distance de cette esthétique ondoyante est une expérience singulière. C'est tout le contraire d'une interprétation de référence, mais il est bon que des musiciens d'un pareil niveau explorent des pistes plus audacieuses, plus accidentées, qui sont après tout la justification du concert comme lieu de découverte musicale.

Chez Chostakovitch, ce sont les premiers quatuors qui sont à l'honneur : outre le Troisième par les Modigliani, on a pu entendre le Second quatuor par les Jerusalem et le Quatrième qui ouvrait le concert des Hanson au Théâtre des Champs-Élysées. Ces derniers font montre ici de la même hauteur de vue que chez Beethoven : leur interprétation ne tire pas vraiment profit des inspirations populaires de Chostakovitch, mais on n'en sent que mieux sa dette aux classiques viennois, sans fadeur ni alanguissements.

Le , avec le Quatuor n° 2 de Chostakovitch , offre lui aussi une vision qui reste éloignée de tout excès expressif, sans pour autant fuir les aspects plus dramatiques de l'œuvre : un peu plus d'urgence et de ruptures n'auraient pas fait de mal, mais la qualité sonore unique de l'ensemble reste ici encore un objet d'admiration.

Aux côtés de Beethoven, les Hagen ont placé un de leurs compositeurs de cœur, mais aussi le quatuor de Debussy auquel on les associe beaucoup moins. Leur enregistrement de l'opus 20 de Haydn est un des sommets de toute la discographie haydnienne, et le Haydn du jour – « Les Quintes », op. 76 n° 2 – confirme leur profonde compréhension profonde de ce répertoire, sans pour autant atteindre le même niveau de luxe instrumental. Le quatuor de Debussy ne devient pas non plus une révélation sous leurs archets, mais ils y créent une atmosphère saisissante qui montre que cette musique leur est moins étrangère qu'on pourrait le croire – ils l'ont du reste également enregistré, il y a trente ans.

Le , lui, fait voisiner Chostakovitch avec Smetana et Brahms : c'est toujours très beau, très sérieux, avec une cohésion sonore comme peu d'ensembles en obtiennent aujourd'hui. Avouons-le cependant : d'autres concerts de ces musiciens d'exception (lors de la Biennale 2020 par exemple) nous ont fait plus vibrer que celui-ci, sans autre explication que la part de hasard propre à l'exercice par nature éphémère du concert.

Crédits photographiques : photo 1 © Jerusalem Quartet ; photo 2 © Quatuor Hanson

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Paris. Cité de la Musique, Salle des concerts. 18-I-2024. Biennale de quatuors à cordes. Béla Bartók (1881-1945) : Quatuor à cordes n° 1 ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Quatuor à cordes n° 12 op. 127. Quatuor Belcea.
Cité de la Musique, Salle des concerts. 20-I-2024. Bedřich Smetana (1824-1884) : Quatuor n° 1 « De ma vie » ; Dmitri Chostakovitch (1906-1975) : Quatuor n° 2 op. 68 ; Johannes Brahms : Quatuor n° 3 op. 67. Jerusalem Quartet.
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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 21-I-2024. Dimitri Chostakovitch : Quatuor n° 4 ; Ludwig van Beethoven : Quatuor op. 131. Quatuor Hanson.

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