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Disparition du compositeur et chef d’orchestre Péter Eötvös

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L'homme était chaleureux et accueillant ; le musicien immense : compositeur, chef d'orchestre et pédagogue, dévoué à la musique avec autant de naturel que de passion, avec autant de métier que de générosité. s'est éteint ce dimanche 24 mars à l'âge de 80 ans des suites d'une longue maladie.

nait en 1944 dans une petite ville de Transylvanie, initié tout jeune à la vie d'artiste grâce à sa mère qui l'emmène au théâtre et à l'opéra. Il étudie le piano et commence très tôt à composer avec, pour modèle, Béla Bartók et Zoltan Kodaly. Son langage musical restera toujours étroitement lié à ses racines hongroises. Il est admis à l'Académie Franz Liszt de Budapest à 14 ans où il consolide sa formation. Il signe ses premières musiques de film et travaille dans les théâtres comme répétiteur, une activité de terrain qui forge son métier de musicien ; avant d'obtenir une bourse d'étude pour l'étranger. De 1966 à 68, il est à Cologne, suivant les cours de composition de Bernd Alois Zimmermann à la Hochschule für Musik tout en collaborant avec Karlheinz Stockhausen dont il devient le copiste. Ces deux figures de l'avant-garde allemande totalement opposées sur le plan esthétique (et qui se détestaient) allaient marquer à jamais son esprit. Il fréquente le studio de musique électronique de la Radio de Cologne en tant qu'ingénieur du son, une période d'apprentissage intense qui le familiarise avec les nouvelles technologies. Il restera proche de Stockhausen, l'assistant dans ses grands projets. Ainsi passe-t-il avec lui six mois à Osaka, découvrant la culture d'un pays auquel il s'attache puis dirige Donnerstag aus Licht, le premier opéra du cycle créé à Milan. Eötvös accompagnera Stockhausen jusqu'à la mort de ce dernier.

En 1978, il est repéré par Pierre Boulez qui lui demande d'assurer le concert inaugural de l'Ircam et le recrute dans la foulée pour diriger l'Ensemble Intercontemporain, un poste qu'il occupe de 1979 à 1991. Actif sur tous les fronts, saura ménager avec une égale constance son métier de chef d'orchestre et de compositeur.

Il a déjà commencé sa carrière de compositeur d'opéra avec Harakiri en 1973 et Radamès (1975-1997), deux ouvrages scéniques de chambre qui précèdent la composition de Trois sœurs adaptée de la pièce de Tchekhov pour l'Opéra de Lyon (1997-1998). Encensé par le public et la critique, Trois sœurs connaît un succès planétaire puisque l'on compte à ce jour une vingtaine de productions différentes : « Je suis un compositeur d'opéras à succès », aimait-il à dire avec un œil malicieux. Dramaturge dans l'âme, il écrit douze opéras dont les livrets sont le plus souvent le fait de son épouse Mari Mezei. À côté de Trois sœurs, citons As I crossed a bridge of dreams (qu'il nomme Klangtheater) en 1998-99, Angels in America (2002-2004), Lady Sarashina (2007) ainsi que Sleepless, sur un livret de Mari Mezei d'après Jon Fosse, créé à Berlin en 2021 et Valuschka donné en création mondiale dans sa version en allemand à Ratisbonne en février dernier, après sa création en hongrois à l'Opéra de Budapest en décembre 2023.

Instrumentales et vocales, ses autres œuvres couvrent tous les genres de la création musicale, de l'orchestre aux solos, de l'instrumental à la musique électronique, des musiques de scène pour le théâtre à la musique de film. Le genre concertant y est particulièrement représenté, Eötvös écrivant un dernier concerto pour piano créé à Budapest en 2021, pour fêter le centenaire du pianiste hongrois (lire l'entretien qu'il nous avait accordé à cette occasion).

Retenu à Budapest en raison de son état de santé, Péter Eötvös n'avait pu diriger les concerts anniversaire de ses 80 ans prévus à la Philharmonie de Paris et à Radio France. S'affichait notamment sa pièce pour orchestre de chambre commandée par l'EIC en 1986, Chinese opera, un des joyaux orchestraux du maître mis au répertoire de l'Ensemble. C'est en 1985, à l'occasion du soixantième anniversaire de Pierre Boulez, qu'il compose Steine (« Pierres »), une partition à visée pédagogique écrite « afin d'exercer et d'aiguiser l'ouïe des musiciens et de perfectionner leur capacité de réaction, dans un contexte polyphonique, au sein de divers ensembles instrumentaux. Le chef d'orchestre s'avère aussi interprète ».

Toujours soucieux de pédagogie, le maître hongrois inaugure en 2004, à Budapest, la Péter Eötvös Contemporary Music Fondation, une académie accueillant chaque année un chef et un compositeur en résidence afin de favoriser les contacts, avec les compositeurs si l'on est chef, et réciproquement, et de s'ouvrir à toutes les musiques.

Crédits photographiques : Peter Eötvös © Szilvia Csibi

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