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Valuschka, un nouvel opéra de Peter Eötvös à Ratisbonne

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Ratisbonne. Theater. 6-II-2024. Peter Eötvös (né en 1944) : Valuschka, Une tragicomédie, opéra grotesque sur un livret de Kinga Keszthelyi et Mari Mezei d’après La mélancolie de la résistance de László Krasznahorkai. Mise en scène et costumes : Sebastian Ritschel ; décor : Kristopher Kempf. Avec Gabriel Kähler (Hagelmayer/Narrateur), Benedikt Eder (János Valuschka), Theodora Varga (Mme Pflaum), Kirsten Labonte (Tünde), Svitlana Slyvia (Paysanne), Roger Krebs (Le professeur), Hany Abdelzaher (Directeur du cirque)… Philharmonisches Orchester Regensburg, direction : Stefan Veselka

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L'opéra de Peter Eötvös donné en création mondiale dans sa version en allemand, se presse un peu trop pour parvenir au niveau de ses ambitions, mais le spectacle proposé au Théâtre de Ratisbonne est d'une belle force musicale et scénique.


Au cœur du Sleepless, le précédent opéra de Peter Eötvös, il y avait un immense saumon ; au cœur de sa toute dernière création, il y a une baleine. Dans les deux cas, Eötvös a écrit une musique efficace, dramatique sans excès, et accessible. Créé en hongrois à l'Opéra de Budapest en décembre dernier, Valuschka arrive au théâtre de Ratisbonne, en Bavière, sous forme d'une seconde création mondiale, celle de la version allemande pour laquelle Eötvös a revu l'intégralité des parties vocales pour mieux s'accommoder au mouvement naturel de la langue. Avec Sleepless, il adaptait le taciturne Jon Fosse en prenant le temps de laisser vivre l'histoire et les personnages ; cette fois, pour la langue foisonnante de László Krasznahorkai, les quatre cents pages de La Mélancolie de la résistance n'ont droit qu'à quatre-vingt-dix minutes (contre un quart d'heure de plus dans la version hongroise), et c'est certainement trop court.

Eötvös et ses librettistes ont choisi de suivre à la lettre les différents chapitres du roman, ce qui réduit chaque épisode à une courte vignette, alors qu'un traitement plus radical, moins linéaire, aurait sans doute mieux fait ressortir l'essentiel – on pourrait se passer de la longue scène initiale dans le train, alors que rien ne permet dans l'opéra de donner un contour au personnage du professeur, et même pour faire ressentir l'atmosphère d'imminente apocalypse que décrit Krasznahorkai dans une petite ville qui n'est autre que sa ville natale, Gyula. Le titre semble indiquer une intention de concentrer l'attention sur la figure du jeune et naïf postier János Valuschka, qui fait le lien entre les autres personnages jusqu'à y sacrifier sa raison : son obsession pour la fameuse baleine empaillée que d'inquiétants forains font entrer dans la ville comme un cheval de Troie. La musique d'Eötvös se retrouve à courir après la narration : ce qui se passe à l'orchestre, souvent dominé par les vents (notamment la clarinette basse qui accompagne Valuschka), est souvent évocateur, mais la multiplicité des personnages et la vitesse de la narration font qu'il est difficile d'y accorder l'attention qu'il mérite. Les parties vocales, souvent plus ou moins proche de la langue parlée, ont beaucoup à dire, et Eötvös ne nie pas avoir voulu créer un intermédiaire entre « théâtre en prose et opéra en tant que théâtre ».

Au moins cette première production allemande, dans la charmante salle du Théâtre de Ratisbonne, donne-t-elle une bonne idée de l'œuvre. Mise en scène par l'intendant du théâtre et dirigée par son directeur musical Stefan Veselka, la soirée rend justice à l'œuvre, avec des décors inventifs, qui frappent l'imagination sans prendre le pas sur la musique. Dans la mesure où la partition le leur permet, les chanteurs, visiblement bien préparés, parviennent à donner un grand relief à leurs personnages, à commencer par Kirsten Labonte dans le rôle de l'ambitieuse Tünde, qui tire profit du chaos pour imposer un ordre nouveau à son avantage ; issue de la troupe maison, la distribution illustre le haut niveau musical qui, contrairement à ce qu'on croit souvent en France, est souvent atteint par les théâtres allemands même en dehors des capitales des Länder.

Crédits photographiques : © Marie Liebig

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