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L’enlèvement au sérail de Mozart : la version française à Versailles

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Versailles. Opéra royal. 22-V-2024. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : L’enlèvement au sérail, Opéra en 3 actes sur un livret de Johann Gottlieb Stephanie (traduction française de Pierre-Louis Moline). Mise en scène : Michel Fau ; Scénographie : Antoine Fontaine ; Costumes : David Belugou ; Lumières : Joël Fabing. Florie Valiquette (Constance) ; Mathias Vidal (Belmonte) ; Nicolas Brooymans (Osmin) ; Gwendoline Blondeel (Blonde) ; Enguerrand de Hys (Pédrille) ; Michel Fau (Selim). Chœur et orchestre de l’Opéra royal : Gaétan Jarry

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L'opéra royal de Versailles propose une version française très rare de L'Enlèvement au sérail de Mozart dans une mise en scène de et avec .

Cet Enlèvement au sérail de Mozart semble inaugurer une série de versions françaises des œuvres du génie de Salzbourg puisque la saison prochaine affichera également une Flûte enchantée dans la langue de Molière. C'est suffisamment rare pour susciter la curiosité. Curiosité toutefois peu étanchée par un programme qui ne mentionne rien de cette version et des circonstances de sa commande, à part le fait qu'on la doit au dramaturge français du XVIIIᵉ siècle, Pierre-Louis Moline.

Peu importe le flacon du moment qu'on ait l'ivresse ! En faisant appel à l'opéra se taillait un succès garanti tant l'esthétique du metteur en scène semble convenir au public le plus large. Décors (ah les merveilleuses toiles peintes d') et costumes (évocations habiles des porcelaines orientalisantes de Meissen ou des vernis martin qui décorait les meubles de Versailles) sont comme toujours magnifiques dans cette évocation d'un Orient fantasmé et le metteur en scène ne recule (à raison) devant aucun cliché, allant même jusqu'à enfourcher un tapis volant pour le final. C'est très beau, consensuel, efficace à défaut d'être toujours hilarant car pour une fois la direction du metteur en scène nous semble bien peu fantasque ou démesurée. Il y a évidemment comme toujours de belles idées comme ces décors modulables qui « emprisonnent » les héros ou bien encore le jeu d'ombres chinoises à la fin de l'acte II, mais tout cela reste un peu statique ou attendu et on a connu plus en verve, y compris dans son interprétation étonnamment sage de Selim. Ces quelques réserves n'entament toutefois en rien la qualité du spectacle qui semble avoir conquis le public.

Elles s'arrêteront d'ailleurs là car on passe en outre une bien charmante soirée à écouter l'orchestre de l'opéra royal dirigé par qui lui aussi joue à fond la carte de l'orientalisme, mettant en avant les cymbales et grands tambours à la manière des fanfares de janissaires. Comme à chaque fois, ce qui frappe c'est l'énergie déployée, l'attention portée au rythme et aux respirations. C'est prenant, énergique, sans délaisser l'élégance. Bref, c'est efficace et réjouissant et l'on se délecte à écouter ces sonorités orientalisantes.

Le spectacle est ensuite porté par des chanteurs habitués de l'institution, parfaitement à leur place dans ces personnages stéréotypés d'Européens face au méchant pacha qui se révèlera finalement plus noble qu'on ne le pensait.

(Blonde) et sont indéniablement le duo à la verve comique la plus affutée. Le timbre très blanc et un peu nasal du ténor est reconnaissable entre mille et il est celui qui est le plus à l'aise sur scène pour défendre son personnage un peu joueur et couard. Il montre en outre une grande vaillance dans son grand air « en affaire comme en guerre » drôlissime. Blonde est du même acabit. Elle domine la scène avec son personnage d'occidentale fière et provocatrice qu'elle aborde avec un timbre lumineux, des aigus insolents et des couleurs bienvenues. Du très beau chant, plein d'aplomb et de panache.

L'Osmin de semble plus victime qu'effrayant malgré un timbre sombre et un chant plein d'impétuosité et de précision. Il n'en n'est que plus séduisant dans ce décalage, et ses disputes avec Blonde sont particulièrement réussies.

est un habitué de cette scène et de ce répertoire. Bien aidé par l'acoustique remarquable de l'opéra, il impressionne par sa projection et par des aigus puissants. Toutefois, il manquerait un soupçon de rondeur et de modulation pour dessiner un personnage moins effacé ou monolithique face à la Constance impériale et fouillée de  dont on ne cesse de découvrir les qualités au fil des spectacles. Voix pulpeuse aussi à l'aise dans les aigus stratosphériques que dans le medium velouté et les graves corsés, sachant parfaitement moduler sa voix et ses effets, elle ne fait naturellement qu'une bouchée du « Martern aller Arten » (traduit en « J'ai su te déplaire »). Ses autres airs plus mélancoliques la montrent tragédienne dans l'âme et son personnage est peut-être celui qui est le mieux dessiné, le plus impérieux ce soir par une présence altière et une noblesse naturelle qui nous laisse définitivement dire que cette artiste est à suivre.

Crédit photographique : © Pascal Le Mée

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Versailles. Opéra royal. 22-V-2024. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : L’enlèvement au sérail, Opéra en 3 actes sur un livret de Johann Gottlieb Stephanie (traduction française de Pierre-Louis Moline). Mise en scène : Michel Fau ; Scénographie : Antoine Fontaine ; Costumes : David Belugou ; Lumières : Joël Fabing. Florie Valiquette (Constance) ; Mathias Vidal (Belmonte) ; Nicolas Brooymans (Osmin) ; Gwendoline Blondeel (Blonde) ; Enguerrand de Hys (Pédrille) ; Michel Fau (Selim). Chœur et orchestre de l’Opéra royal : Gaétan Jarry

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