La magistrale lecture de deux quatuors de Brahms par Krystian Zimerman et ses comparses

Écartant pour cet album le fameux opus 25 et ses accents tziganes, Krystian Zimerman et comparses habituels nous offrent une gravure exemplaire et hautement inspirée des deuxième et troisième quatuors avec piano de Brahms.

Les musiciens le savent : c'est souvent dans les toute premières mesures d'une exécution que se dessine la réussite ou non de l'interprétation à venir. Il suffit d'entendre l'accord initial du Quatuor n°3 en ut mineur opus 60 sous les doigts de Krystian Zimerman pour deviner la splendeur de ce qui va suivre : un son plein, riche, au fond du clavier, rempli de mystère et de poésie annonciateur de la magnifique lecture de l'œuvre qui va suivre. Le pianiste polonais reconnaît d'ailleurs que c'est l'amour qu'il porte à cet opus 60 qui l'a poussé à enregistrer ce CD. Plus intérieur, plus concentré aussi que les deux premiers avec leurs exubérants finals tziganes, il atteint sous les doigts du maître et de ses comparses, notamment la violoniste et l'altiste qui figurent parmi ses partenaires habituels, une intériorité et un recueillement que ne rompt pas un scherzo bourru et rugueux.

Plus difficile par ses dimensions très expansives (cinquante minutes) le Quatuor en la majeur opus 26 s'épanche cependant avec un lyrisme généreux mais toujours maîtrisé qui fait passer les longueurs de la partition. À nouveau, c'est Zimerman qui mène le quatuor, dominant les cordes, particulièrement dans un final où elles restent en retrait du clavier. Néanmoins c'est l'une des lectures les plus satisfaisantes et équilibrées dont nous disposions récemment, plus immédiatement touchante que la légendaire version de Stern-Ax-Laredo et Ma (Sony) demeurée hors norme par son expansivité.

Reste qu'on n'attend désormais qu'une chose, que Krystian Zimerman et ses amis nous donnent le formidable opus 25, le plus brillant des trois. Ils nous le doivent.