Intéressante confrontation entre Charles Castronovo et Ştefan Pop, deux artistes que tout oppose, et qui apportent, chacun à leur manière, un intéressant éclairage des héros d'opéra du jeune Verdi.
Il fallait oser, l'année où toute la planète célèbre le centenaire de la disparition de Puccini, consacrer un récital entier à Verdi. Voilà qui est chose faite, par deux valeureux ténors pas forcément connus du grand public. Le premier, l'Américain Charles Castronovo, est depuis près d'un quart de siècle un familier du Met de New York, où il a surtout chanté Mozart, Donizetti, quelques jeunes Verdi (Rigoletto, Traviata), ainsi que les rôles de demi-caractère de l'opéra français. Son physique ténébreux, son engagement scénique, sa prononciation soignée aux voyelles toujours très ouvertes ainsi que les couleurs légèrement barytonantes de sa voix en font un artiste recherché. Cela dit, ce n'est pas vraiment dans un récital entièrement consacré à Verdi qu'on l'attendait.
Le second, le Roumain Ştefan Pop, a émergé sur les scènes internationales ces dernières années. Même si pour le moment il se cantonne encore à des rôles plutôt lyriques, forcément à raison étant donné le jeune âge d'un artiste pas encore quadragénaire, le métal de sa voix permet d'envisager pour les années à venir des prises de rôle qui resteront vraisemblablement inaccessibles pour Castronovo. Manrico, Radamès et Otello, sans doute des futurs rôles pour le Roumain, ne seront sans doute jamais dans les cordes de l'Américain. Comment départager les deux louables entreprises ?
On notera tout d'abord un certain nombre de pages communes, notamment parmi les opéras de jeunesse de Verdi – I Lombardi alla prima crociata (1843), I due Foscari (1844), Macbeth (1847), Luisa Miller (1849) – et l'on ne saurait que s'en réjouir. Également sur les deux albums les grands airs de Don Carlo/Don Carlos – en français chez l'un, en italien chez l'autre – et de Ballo in maschera. Si Ştefan Pop nous gratifie des inévitables Rigoletto et Traviata, Castronovo nous régale d'autres pages plus rares du jeune Verdi, extraites de Jérusalem (1847) et de Il corsaro (1848).
Sur le plan purement vocal, la nature de l'instrument de Pop en fait certainement un ténor verdien plus naturel que Castronovo, et l'on ne peut qu'admirer la conduite de la ligne et les belles couleurs ténorisantes d'un instrument qui se déploie avec une étonnante facilité, qui pourrait sur certaines notes évoquer le souvenir du grand Pavarotti. On ne peut cependant pas passer sous silence la monochromie, voire la monotonie, qui s'empare d'un chant qui manque singulièrement de caractérisation. Sur le plan de l'expression, on trouve bien davantage de variété et d'émotions chez l'Américain, qui parvient à donner de chacun de ses personnages un portrait psychologique réussi et abouti, faisant de chacun des héros qu'il aborde un personnage déchiré et torturé, en proie aux affres de la douleur et de la passion. Le sous-titre de l'album « Noble renegades » atteste d'ailleurs l'existence d'un véritable projet artistique au sein duquel on s'étonne, vu la thématique retenue, de ne pas voir des extraits d'Ernani. On trouvera la réponse dans la pochette, puisqu'on y apprend qu'un projet d'intégrale est en cours…
Autre raison de préférer le récital de Charles Castronovo, même s'il est convenu que la voix est moins typiquement celle d'un ténor verdien, la présence d'un chœur qui donne dynamisme et vitalité aux airs retenus sur le programme. Belle prestation orchestrale sur les deux albums, celle de l'Orchestre Philharmonique de Marseille sous la direction de Lawrence Foster pour Pop, celle de l'Orchestre Symphonique de Kaunas en Lituanie, dirigé par Constantine Orbelian, pour Castronovo.
Intéressante comparaison entre la contribution d'un jeune artiste au seuil d'une brillante carrière, et celle d'un chanteur mûri par l'expérience de la scène qui se lance aujourd'hui dans des défis qui auraient été impensables il y a quelques lustres.
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