Pénélope à Munich : de langueur tissée
Il arrive parfois que certaines œuvres tombées dans l'oubli sont finalement de petits bijoux dont la mémoire s'est perdue avec les décennies. Cette Pénélope de Fauré exhumée à Munich n'est pas réhaussée par la mise en scène d'Andrea Breth.

La composition musicale de cet opéra n'a pas la caractérisation impressionniste de Fauré et se cherche, sans éclat, des inspirations lyriques où l'originalité fait défaut et où l'absence de mélodie n'est pas réellement compensée par une orchestration attrayante, malgré des fulgurances antiquisantes ou orientalisantes. Par ailleurs, le livret est trop gentiment construit avec une versification molle et sans héroïsme, un statisme et une lenteur d'action qui entravent l'intérêt qu'on pourrait avoir pour ce mythe revisité. Quelques idées exploitées semblent n'avoir pas été amenées à leur épanouissement (tel le début de l'acte deux par exemple) et les personnages se révèlent finalement monolithiques et conversant dans un bavardage verbeux.
La mise en scène d'Andrea Breth est trop riche pour illustrer ce qu'elle souhaite développer. En effet, trop de symboles, trop de références et trop d'idées foisonnent et l'on perd complètement le chemin emprunté par le metteur en scène. La technique dramaturgique est pourtant fabuleuse et particulièrement esthétique, avec un diorama de Pénélope tissant sa toile, plongée dans l'attente interminable du retour d'Ulysse, dans des tons d'une neutralité confondante, avec des beiges et des gris faisant pensant à des catalogues de meubles chics. Le temps s'étire dans un ennui inexorable, à la recherche de clefs de compréhension (pourquoi Ulysse est-il démultiplié en plusieurs acteurs, de même que Pénélope ?) qui ne sont jamais fournies. Des images chocs, tels les hommes suspendus à des crocs de boucher, viennent en contrepoint d'une esthétique de magazine chic en papier glacé. Le très grand travail d'acteur est perceptible bien sûr, mais qui trop embrasse mal étreint, et le propos se perd dans une vaine réflexivité. Entre ces deux extrêmes allant d'une relative pauvreté d'inspiration à une myriade d'idées de la dramaturgie, l'esprit se repose sur l'écoute musicale, et du beau son il y a.

Victoria Karkacheva en Pénélope a une voix profonde et chaude. C'est absolument charmant et cela vient compléter les harmoniques de l'orchestre. Mais cela aurait été mieux si l'on avait pu comprendre un mot du texte : sans être puriste à comparer toutes les nuances d'ouverture des voyelles que le français réserve, on ne comprend strictement rien. On se console sur la beauté de l'instrument. A contrario, Brandon Jovanovich a travaillé son texte et l'on comprend les intentions du personnage. La voix est usée, ce qui toutefois peut convenir au rôle d'Ulysse qui rentre en son royaume après tant d'années d'épreuves. La nourrice est interprétée par Rinat Shaham, impressionnante dans ses imprécations et ses menaces. Il faut nécessairement être un peu chauvin en écoutant Loïc Félix (Antinoüs) qui, mis à côté de tant d'approximations langagières, ne fait que mettre en lumière le fossé qui le sépare de ses collègues sur ce travail si spécifique (et si difficile !) de l'articulation dans l'opéra.
Face à tant de flou, l'orchestre dirigé par Susanna Mälkki est finalement ce qui offre le plus de satisfaction avec une tenue rythmique efficace, une exploitation des qualités des pupitres à leur avantage, quand bien même les emportements restent contrôlés.
Une œuvre à entendre pour la curiosité de la découverte, mais qui ne s'inscrira manifestement pas dans le répertoire courant, et dont le décalage avec une production trop cérébrale n'en fait malheureusement apercevoir que les insuffisances.
Crédits photographiques : V.Karkacheva © Bernd Uhlig
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