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Franz Liszt (1811-1886) : Harmonies poétiques et religieuses (extraits) ; Via Crucis. Accentus. Brigitte Engerer, piano. Laurence Equilbey, direction. 1 CD Naïve V 5061. Enregistré en avril 2006 à la Cité internationale des Congrès de Nantes-Métropole. Fascicule (en français, anglais, allemand) de Gérard Condé. Durée : 89’87.

 
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Forte, Marcato, sobriété, éloquence, dialogue entre le Christ et les autres protagonistes. Voilà en quelques mots le Via Crucis de enregistré par à la tête d' et au piano. De prime abord la partition semble ne pas mettre en valeur l'immense potentiel technique que l'on connaît à ce chœur remarquable, mais c'est précisément dans l'intensité donnée à la sobriété que ce potentiel se déploie dans un équilibre parfait avec la pianiste, tenant chacun leur rôle dans ce drame que Liszt a voulu dépouillé, renforçant ainsi l'implication de l'auditeur, acteur à sa façon de la Passion du Christ. Compositeur résolument engagé dans le répertoire catholique, dont il se sent la vocation de cultiver l'insondable infini du champ musical, Liszt place son œuvre musicale religieuse au cœur de sa propre vie. « Le nom de cette fête [l'exaltation de la sainte Croix] dit l'ardent et mystérieux sentiment qui a transpercé d'un stigmate sacré ma vie entière. Oui, Jésus crucifié, la folie de la Croix, c'était là ma vocation véritable » [Testament de 1860]. Incontestablement c'est là que se trouve l'interprétation fondamentale de cette pièce de 1879. S'il reprend quelques thèmes grégoriens, Liszt fait sien ce chemin de Croix.

Si l'écriture est sobre, elle n'en est pas neutre pour autant. Ce Via Crucis est l'expression la plus achevée de sa compréhension et de son appréhension personnelle de la Passion du Christ. Il n'y a pas de doute, nous sommes en plein romantisme. La répartition des thèmes campe le décor avec sobriété, assigne à chacun son rôle, celui que Liszt, dans son interprétation spirituelle du mystère, impose à chaque protagoniste. Le Christ imperturbable s'avance sobrement mais avec force et conviction. Sa présence, sous les accents toujours très marqués, en font, au-delà des vicissitudes et des clameurs, le centre et la référence indéracinable de l'action. Quelle que soit la teneur des mouvements qui l'entourent, il ressurgit des profondeurs du trouble sur le même rythme grave et pondéré. Autour de Lui, Pilate se révèle sobre au milieu d'une foule qui s'emballe, une foule tendue que l'on sent crispée. La partition, en véritables volutes de gothique flamboyant, semble vouloir emporter le Christ dans sa frénésie, il disparaît au loin, mais reste présent et finalement il est toujours là quand la foule s'essouffle, laissant le piano romantique célébrer la rencontre amoureuse du Fils et de sa mère, après le fortissimo de la première chute. Chute pourtant sans drame, presque légère que rend aérienne. Le temps semble s'arrêter. Le Christ repartira-t-il et le monde avec lui ? Mais lentement, sereinement la marche reprend. Les pas de Jésus sont toujours perceptibles, entourés de ceux de Simon de Cyrène.

Une interprétation magistrale de légèreté et de vie, une douce évocation qui force l'auditeur à devenir spectateur de cette longue marche inexorable, très sobre, résignée, sans emphase ni désespoir jusqu'à la mort en croix, grave mais extraordinairement teintée d'espérance. Le Christ est mort et pourtant sous les doigts de on a l'impression que tout continue, repris par ce rien moins que sublime Salut de la Croix, de l'ensemble du Chœur. Salut révérencieux, salut insistant qui reprend une dynamique mordante. La Croix est victorieuse, mais la victoire est sobre, laissant au piano le soin d'élever à l'accord final, cet accord tant de foi suspendu au cours de l'œuvre. Accord posé non dans la mort sur la Croix, mais dans l'espérance contenue ; dans ce Salut exprimé par le chœur avec une si vive intensité, une si éloquente sobriété que l'on pourrait y entendre Liszt nous redire « L'avenir du monde est dans ce passé et la sagesse dernière dans la folie de la Croix. »

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Franz Liszt (1811-1886) : Harmonies poétiques et religieuses (extraits) ; Via Crucis. Accentus. Brigitte Engerer, piano. Laurence Equilbey, direction. 1 CD Naïve V 5061. Enregistré en avril 2006 à la Cité internationale des Congrès de Nantes-Métropole. Fascicule (en français, anglais, allemand) de Gérard Condé. Durée : 89’87.

 
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