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Bizet et Berlioz à l’auditorium : 2 B comme Bravo ! Bravo !

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Nombreux sont les auditeurs à s'être déplacés pour écouter le concert offert par à la tête de son ensemble Brugge. À l'affiche, deux symphonies de grands maîtres français du XIXe siècle : la Symphonie en do majeur de Bizet et la Fantastique de Berlioz.

Choisir ces deux œuvres est un choix judicieux puisqu'il permet de bénéficier d'un panorama varié, les esthétiques étant complètement différentes. En effet, l'œuvre de Bizet s'inscrit parfaitement dans la continuité des symphonies classiques, tant par sa macroforme en quatre mouvements que par les structures internes à chaque partie, les constructions thématiques bien carrées, l'évolution tonale… Tout ce qui ressort parfaitement dans la version d' Brugge grâce à une lisibilité parfaite des lignes et un grand équilibre entre les instruments.

Ces qualités se retrouvent également dans leur version de la Fantastique de Berlioz (1830) œuvre qui, elle, rompt radicalement avec la tradition. En effet, elle est empreinte d'éléments autobiographiques, Berlioz étant amoureux d'Harriet Smithson qui incarne à l'époque Ophélie à l'Odéon. Donc ce phénomène implique une première rupture avec la symphonie classique : La Fantastique a un programme. De ce fait, l'évolution narrative se fonde sur un support dramatique écrit par Berlioz lui-même et qui doit être distribué à l'auditoire (Le programme contenait effectivement ce texte). Un jeune homme, épris d'une jeune fille, la voit sans cesse, même lorsque les circonstances changent. Musicalement, un thème traduit cette obsession que Berlioz nomme «idée fixe». Elle revient dans chaque mouvement, changeant évidemment d'atmosphère selon le contexte. Là encore, l'interprétation d' Brugge souligne ces récurrences différentes en donnant des caractères différents : rêveuse et passionnée pour la première apparition, dansante lors du «bal»… jusqu'à une présentation d'un «air de danse ignoble, trivial et grotesque ;» (Berlioz) avec des appoggiatures appuyées et un tempo pas très rapide dans le dernier mouvement, l'impressionnant «Songe d'une nuit de sabbat». Une deuxième rupture avec la symphonie classique est à noter : l'œuvre de Berlioz se compose de cinq mouvements et non de quatre. De plus, le compositeur associe les instruments de manière particulière, peu conventionnelle. Il connaissait en effet très bien l'art de l'orchestration, qu'il théorisera en 1843 dans son Grand traité. En témoignent par exemple dans le dernier mouvement les différentes entrées successives du Dies Irae (jour de colère, séquence médiévale) après des coups de cloches – confiés ici à deux pianoforte – d'abord dans le grave aux tubas et bassons puis une octave au-dessus aux trombones et cors… Ou encore l'utilisation des archets col legno (sur le bois) qui évoquent l'idée d'os qui s'entrechoquent.

Car c'est vraiment une affaire de sonorités, de couleurs sonores qui a soulevé l'enthousiasme du public de l'auditorium. En effet, déjà dans l'œuvre de Bizet, le son feutré des cordes, la rondeur des bois, la clarté des cuivres enchantaient l'oreille. Lorsque les percussions – exceptions faites des timbales déjà présentes en première partie – deux harpes et d'autres vents viennent s'ajouter dans la Fantastique, les couleurs orchestrales varient encore davantage et les crescendos sont encore plus impressionnants. Cependant, Jan van Immerseel ne force jamais le son, tant dans l'intensité que dans l'articulation. Tout est pensé et pesé. Jusqu'à la disposition des instruments, avec les cordes aiguës et une partie des contrebasses à gauche, qui trouvent leur miroir déformant à droite avec les violoncelles et l'autre partie des contrebasses. Une disposition qui favorise la stéréophonie et offre au spectateur une couleur sonore, une lisibilité de la partition indéniables pour son plus grand plaisir. Le succès est au rendez-vous même si le chef refuse de jouer un quelconque bis, laissant avec raison le spectateur sur l'émotion berliozienne intense. Un grand moment !

Crédit photographique : © Alex Vanhee

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