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Barenboim à Berlin, terne anniversaire

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Berlin. Philharmonie. 18-VI-2014. Charles Ives (1874-1954) : The Unanswered Question ; Richard Strauss (1864-1949) : Métamorphoses ; Johannes Brahms (1833-1897) : Concerto pour piano n° 1, op. 15. Daniel Barenboim, piano ; Orchestre Philharmonique de Berlin ; direction : Simon Rattle

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Les cordes d'abord : la première partie de ce concert hors abonnement enchaîne sans pause ni applaudissement une pièce majeure de l'œuvre hors norme de et la dernière grande œuvre, « pour 23 cordes solistes », de .

Ives n'utilise certes pas que des cordes – à la question lancinante du trompettiste répondent quatre flûtes, mais c'est la beauté saisissante du tapis de cordes qui marque dans cette œuvre écrite dès 1906/1908 (et révisée en 1935), par un compositeur hors des circuits de la modernité et pourtant si constamment novateur. Entendre cette œuvre dans la Philharmonie de Berlin, avec les musiciens répartis un peu partout dans la salle est une expérience totale – dommage seulement que cette musique tendant au silence soit aussi perturbée par les toux, qui contrairement à la croyance de beaucoup de mélomanes français ne sont pas toujours plus discrètes à Berlin qu'à Paris.

Métamorphoses, c'est naturellement tout autre chose, une fin de cycle plus qu'autre chose ; la dense polyphonie post-romantique, qui résume toute la carrière de Strauss tout en occupant une très singulière place dans son œuvre, est bien de nature à stimuler un pareil orchestre, qui joue avec une grande concentration et des couleurs plutôt sombres cette élégie expressive. Rattle n'en souligne ni la modernité, ni la variété, mais cette absence de parti-pris n'est pas si nuisible quand il s'agit de faire briller l'orchestre qu'il sert en même temps qu'il le dirige.

La pièce maîtresse de la soirée, à tout point de vue, vient seulement après l'entracte : le premier concerto de Brahms est d'autant plus attendu qu'il s'agit du cinquantième anniversaire des débuts de à la Philharmonie de Berlin (à l'époque, c'était le premier concerto de Bartók, sous la direction d'un jeune chef appelé Pierre Boulez). Barenboim, directeur musical de la Staatsoper de Berlin depuis 1992 avec une emprise institutionnelle comparable seulement à celle de Gergiev au Mariinsky, est une figure incontournable à Berlin, et cela seul suffit à expliquer les ovations debout qui saluent la fin du concert, par ailleurs diffusé sur Internet et même au cinéma.

Et pourtant. Ce n'est pas un secret : surchargé d'engagements de par le monde, le chef-pianiste ne prépare pas toujours ses concerts avec l'investissement que l'attente suscitée justifierait, et il y a toujours un risque à aller l'entendre en concert. Las, ce concert présente Barenboim sous son plus mauvais jour : pas de problèmes de mémoire cette fois, mais des doigts raides qui empêchent le pianiste de déployer même la plus sommaire interprétation personnelle. Ce ne sont pas tant les fausses notes qui gênent (il y en eut) que le manque de nuances : une bonne partie du concerto est simplement martelé staccato, les passages qui demandent le plus décidément du legato restent anguleux quand ils ne disparaissent pas sous un orchestre pourtant soigneusement tenu par Rattle.

Ce dernier se met pleinement au service du pianiste, avec l'aide d'un orchestre qui suit avec son professionnalisme habituel les indications du chef, qui construit avec soin l'itinéraire dramatique du concerto. Mais le travail du son, qui n'a jamais été son point fort, est ici d'autant plus négligé qu'il ne trouve naturellement pas de répondant chez le soliste ; certains passages du troisième mouvement tendent à tourner à la confusion, tant le défi est grand pour le chef dans de telles conditions. Le bis accordé par Barenboim, son habituel nocturne de Chopin, fait preuve d'une maîtrise un peu plus grande de ses moyens pianistiques, mais l'intensité expressive n'est pas vraiment au rendez-vous.

Crédit photographique: Monika Ritterhaus/Berliner Philharmoniker

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