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Le Comte Ory à Munich fait découvrir deux interprètes prometteurs

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Munich. Cuvilliés-Theater. 19-IV-2015. Gioachino Rossini (1792-1868) : Le Comte Ory, opéra en deux actes sur un livret d’Eugène Scribe et Charles-Gaspard Delestre-Poirson. Mise en scène : Marcus H. Rosenmüller. Décors : Doerthe Komnick. Costumes : Sophia Dreyer. Avec : Elsa Benoit (La comtesse) ; Rachael Wilson (Ragonde) ; Matthew Grills (Le comte Ory) ; John Carpenter (Raimbaud) ; Leonard Bernad (Le Gouverneur) ; Marzia Marzo (Isolier) ; Maria Pitsch (Alice). Chœurs supplémentaires de l’Opéra de Bavière (préparés par Sören Eckhoff) ; Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière ; direction : Oksana Lyniv.

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Pour les jeunes chanteurs de son studio lyrique, l'Opéra de Bavière monte Le Comte Ory dans une mise en scène qui ne les aide pas toujours.

Photo Wilfried HöslChaque année, l'Opéra de Bavière présente les membres de son studio lyrique dans un opéra complet, qui leur permet d'aborder des premiers rôles dans le cadre intime d'un théâtre baroque situé à trois pas de sa maison principale. C'est sur le Comte Ory que le choix s'est porté cette année, et le moins qu'on puisse dire est que c'est fort courageux : non seulement il faut oser confronter ces jeunes chanteurs à des rôles d'une virtuosité peu commune, mais la diction française est un défi qui met en péril bien des collègues plus expérimentés.

Sur ce dernier point, il faut bien le dire, le résultat n'est pas totalement satisfaisant, si bien qu'on doit bien parfois recourir aux surtitres allemands pour reconstituer ce qui est dit. Vocalement, heureusement, les choses vont beaucoup mieux, avec un seul point noir en la personne du Gouverneur, caverneux et confus. Marzia Marzo est un Isolier agréable, handicapé par la diction, parfaitement naturel sur scène, dont on aimerait seulement une interprétation un peu plus variée. La Comtesse d', seule francophone de la distribution, marque les esprits dans son air du premier acte : il y manque sans doute un peu de puissance (mais l'acoustique du théâtre, impuissante à mettre en harmonie ce qui vient de la scène et ce qui vient de la fosse) ; cependant, une telle virtuosité jointe à une pareille musicalité jamais prise en faute forcent l'admiration. La progression habilement maîtrisée de l'air, le souffle, la précision des vocalises ne sont plus ceux d'une débutante. Le reste du rôle, honorablement mené, est moins marquant – mais nous verrons pourquoi un peu plus tard. Son partenaire a une partition naturellement plus lourde encore, et il s'en sort lui aussi avec les plus grands honneurs. On peut peut-être lui reprocher de chanter le rôle sans beaucoup de variété dans la couleur, la dynamique et l'expression, mais les notes sont toutes là, la diction est correcte, le timbre raisonnablement lumineux : même en admettant que la dimension réduite de la salle joue en sa faveur, combien de chanteurs dans le grand circuit international peuvent se mesurer à lui ?

Il y a quelques années, c'était à La Cenerentola que les prédécesseurs de Benoit, Grill et alii s'étaient frottés, et ils avaient été admirablement soutenus en cela par le travail scénique avec un des plus grands metteurs en scène européens,  ; cette fois, c'est un cinéaste bavarois novice à l'opéra qui est à l'œuvre. L'illusion que les cinéastes puissent apporter un regard neuf sur les œuvres du répertoire est une vieille idée et, si elle n'a presque jamais marché (il y a Hanecke, bien sûr), ça n'empêche jamais d'essayer. Cette fois, c'est bien avec des défauts de cinéaste que Rosenmüller vient au théâtre : un décor aussi chargé, au cinéma, c'est possible parce qu'au fil des plans on n'en voit jamais que des fragments ; au théâtre, cette surcharge écrase l'action, écrase les personnages, que le gros plan ne vient pas sauver. C'est assez regrettable, parce que son interprétation de l'œuvre n'est pas sans intérêt, parce que la transposition un peu banale dans l'Amérique des années 1950 ne fonctionne pas mal, mais l'absence de prise en compte du regard du spectateur gâche tout. Il y a également un problème en matière de direction d'acteurs, qui là encore est une faute de novice : il va de soi que les jeunes chanteurs, solistes comme chœur, ont de l'énergie à revendre et n'ont pas peur de payer de leur personne, mais c'est bien le travail du metteur en scène que la canaliser, cette énergie, pour éviter qu'elle ne dégénère en vaine agitation.

Cette agitation est d'autant plus gênante qu'elle a des conséquences pour la musique : à trop se concentrer sur le jeu, les chanteurs en viennent à oublier un peu qu'ils chantent pour un public ; c'est moins vrai pour , qui fait parfois fi de l'agitation générale pour s'occuper de son chant, mais Marzia Marzo et plus encore y perdent beaucoup de leur impact dans les ensembles qui font l'essentiel du second acte. Défaut de débutants, bien sûr, auquel l'expérience remédiera sans peine.

Dans la fosse, les musiciens de l'orchestre de l'Opéra qui n'ont pas eu la chance de partir en tournée avec Kirill Petrenko et le programme franco-bavarois chroniqué ici sont placés sous la direction de l'assistante de Kirill Petrenko, qui défend la partition avec beaucoup d'énergie et avec toute l'attention exigée par les jeunes chanteurs. On sort du spectacle certes pas entièrement convaincu par ce qu'on a vu, mais en espérant que d'autres chances seront données à et bien au-delà du cadre protégé d'un studio lyrique.

Crédit photographique : © Wilfried Hösl

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Munich. Cuvilliés-Theater. 19-IV-2015. Gioachino Rossini (1792-1868) : Le Comte Ory, opéra en deux actes sur un livret d’Eugène Scribe et Charles-Gaspard Delestre-Poirson. Mise en scène : Marcus H. Rosenmüller. Décors : Doerthe Komnick. Costumes : Sophia Dreyer. Avec : Elsa Benoit (La comtesse) ; Rachael Wilson (Ragonde) ; Matthew Grills (Le comte Ory) ; John Carpenter (Raimbaud) ; Leonard Bernad (Le Gouverneur) ; Marzia Marzo (Isolier) ; Maria Pitsch (Alice). Chœurs supplémentaires de l’Opéra de Bavière (préparés par Sören Eckhoff) ; Orchestre de l’Opéra d’État de Bavière ; direction : Oksana Lyniv.

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