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Le Requiem de Brahms par Vladimir Jurowski et son orchestre berlinois

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Berlin. Philharmonie. 3-XI-2019. Heinrich Schütz (1585-1672) : Wie lieblich sind deine Wohnungen SWV 29, Die mit Tränen säen SWV 378 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Un requiem allemand. Maria Bengtsson, soprano ; Matthias Goerne, baryton ; Cantus Domus ; Chor des Jungen Ensembles Berlin ; Rundfunk-Sinfonieorchester Berlin ; direction : Ralf Sochaczewsky (Schütz), Vladimir Jurowski (Brahms)

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Le chœur manque de variété sonore, mais Jurowski fait de son Requiem allemand une fête orchestrale.

Jurowski
Si le concert s'ouvre par deux pièces de Schütz, ce n'est pas seulement pour donner au concert une durée acceptable : non seulement Brahms a lui-même dirigé des œuvres chorales de Schütz, mais les textes bibliques des deux œuvres choisies se retrouvent dans le Requiem allemand. Le Schütz qu'on entend ici n'est pas celui des baroqueux ; la voix n'est certes jamais un instrument d'époque, mais les effectifs présents pour ce concert imposent une forme de rigidité au discours musical et émotionnel. La rhétorique baroque des passions est ici presque indiscernable, mais à défaut d'entendre Schütz comme l'ont entendu les paroissiens du XVIIe siècle, on peut sans doute ici l'écouter tel que Brahms chef de chœur a pu l'interpréter au XIXe siècle : l'expérience est intéressante plus pour la culture musicale de Brahms que pour la compréhension de Schütz.

Pour cette première partie, c'est le chef de l'un des chœurs présents à ce concert qui assure la direction. n'arrive qu'ensuite, sans entracte, pour diriger l'œuvre maîtresse du concert. On ne peut pas ici ne pas dissocier l'orchestre et le chœur. C'est un vieux problème berlinois : les associations chorales ne manquent pas, mais, à part le vénérable chœur de chambre de la RIAS, les chœurs symphoniques de haut niveau manquent. Les quelque 150 choristes sur scène sont une belle illustration de la vigueur de la culture chorale en Allemagne, mais le nombre ne fait pas toujours la force dans ce contexte. La comparaison avec le chœur de la Radio Bavaroise il y a peu sous la direction de Bernard Haitink est forcément un peu cruelle : en matière d'homogénéité sonore, de capacité à varier le son, d'expressivité, ces ensembles semi-professionnels sont très loin du compte et donnent l'impression d'un paquebot lent à la manœuvre. C'est d'autant plus regrettable que la partie orchestrale, elle, est de bout en bout proprement admirable, dès les pulsations inquiètes des cordes graves au début de la pièce. Les solistes sont encore une autre affaire : manque à la fois de justesse et d'expressivité, mais , ce soir, est en bien meilleure voix que souvent, et il parvient à extérioriser les émotions qu'il semble si souvent garder en lui-même.

Les choix de Jurowski sont plus nettement dramatiques que ceux d'un Haitink plus préoccupé de l'au-delà : il y a presque une violence dans la célèbre apostrophe « Mort, où est ton aiguillon » du sixième mouvement, et la profession de foi qui suit conserve quelque chose d'un défi à la mort. Des émotions fortes, certainement, mais pas de violence gratuite : l'art de Jurowski est un art de la nuance, dans le soin qu'il prend des couleurs instrumentales comme de la dynamique, qui prend le temps de faire valoir chaque tournure émotionnelle et chaque inflexion expressive, mais ne perd jamais l'ampleur de la conception d'ensemble.

Crédits photographiques : Kai Bienert

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