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Dutilleux, œuvres pour piano par Jean-Pierre Armengaud

Le 24 janvier 2022 par Patrice Imbaud

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Henri Dutilleux (1916-2013) : Sonate pour piano ; Le Loup ; Trois Préludes. Jean-Pierre Armengaud, piano. 1 CD Grand Piano. Enregistré le 10 janvier 2021, le 18 octobre 2020 et le 30 août 2020 à Malakoff. Notice : anglais-français. Durée : 70:13

Grand Piano

Ce nouvel enregistrement de Jean-Pierre Armengaud tire son double intérêt de la proximité de longue date entre le compositeur et l'interprète, ainsi que de son programme incluant la Sonate pour piano, les Trois Préludes et la musique de ballet Le Loup dans sa version pour piano, enregistrée ici en première mondiale.

Première œuvre répertoriée au catalogue du compositeur français, la Sonate pour piano (1944-1948) peut être considérée comme une sorte de lien entre tradition et modernité : fidèle à la tradition par son architecture mais d'un modernisme consommé par son écriture conforme aux explorations sonores de son temps. Une œuvre au langage dense se déployant dans un cadre formel particulier pour réaliser une véritable « sonate dans la sonate » avec ses quatre variations du Final. Entamé sur des accents presque jazzy, le premier mouvement haletant foisonne de timbres, de variations rythmiques, de métamorphoses et d'échappements à la tonalité ; le deuxième comme suspendu égrène ses notes envoûtantes sur une mélodie à l'inquiétude contenue ; d'une ampleur orchestrale, le troisième mouvement comprend quatre variations où le thème du Choral est l'objet de nombreuses métamorphoses portant sur le rythme, la texture, l'articulation et le timbre, comme autant d'occasion pour Jean-Pierre Armengaud de faire valoir sa virtuosité sans faille et sons sens aigu de la construction.

On connait l'inclination d'Henri Dutilleux pour la musique « pure » et la défiance qu'il entretenait vis-à-vis de la musique de « circonstance » dont la musique de scène. Le Loup lui fut commandé par Roland Petit et les Ballets de Paris sur un argument de Jean Anouilh et Georges Neveux. Sa création, le 17 mars 1953 au Théâtre de l'Empire, fut unanimement saluée et suivie d'une diffusion internationale, notamment à New-York en 1954, année au cours de laquelle le compositeur écrivit une version pour piano débarrassée de tout le « brouhaha » orchestral et scénique, comme une sorte d'aspiration à l'épure qu'il dédia à son épouse Geneviève Joy. Cette nouvelle mouture faillit bien être retirée de son catalogue, très peu jouée en concert, et grâce soit rendue au pianiste Jean-Pierre Armengaud de nous la restituer sur cet enregistrement en première mondiale. Peut-être, dans cette forme sans support chorégraphique ni orchestration, serait-il vain de s'attacher trop étroitement à un schéma narratif, mais sans doute faut-il se laisser aller à la sorcellerie de cette musique constamment sur le fil entre force et émotion, entre mystère et clarté, douceur et gravité dont Jean-Pierre Armengaud nous livre ici une lecture d'une éclatante ardeur.

Les Trois Préludes, dont Jean-Pierre Armengaud assura la création dans de nombreux pays de par le monde, constituent le dernier volet de ce triptyque. Une œuvre morcelée dans le temps qui retrace la synthèse de la plupart des gestes du piano contemporain débarrassé de toute posture académique. Le premier (1973) « D'ombre et de silence » presque impressionniste, le deuxième (1977) « Sur le même accord » fait la part belle à la magie des timbres, tandis que le troisième (1988) « Le jeu des contraires » se livre à un savant jeu d'écriture. Trois facettes bien différentes que le pianiste français aborde dans une pyrotechnie pianistique faite de couleurs, de résonances, d'entrecroisements, d'effets sonores et d'humour, comme un vibrant hommage au compositeur.

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