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Laisser les sons tels qu’ils sont, avec Alvin Lucier

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Alvin Lucier (1931-2021), entretiens avec Matthieu Saladin : Le même et le différent. Éditions MF. 216 pages. Février 2023. 14 euros

 
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Matthieu Saladin est en dialogue avec dans ce livre-hommage consacré au compositeur américain peu connu en France et disparu en décembre 2021. Une introduction à l'œuvre de Lucier précède les entretiens proprement dits réalisés en 2013.

« Il s'agit de laisser les choses se faire », confiait , personnalité moins médiatique que son aîné John Cage mais marchant sur les brisées du « doux anarchiste », sans embrasser, semble-t-il, les idées de la philosophie zen bouddhique dont il ne dit mot. Lucier s'intéressait spécifiquement aux phénomènes acoustiques naturels, à l'étude des battements entre deux fréquences, à l'infra-mince, prônant, comme Cage, la non-intervention, le retrait du sujet au profit de l'écoute : « […] dès que votre main intervient, vous altérez le naturel ». Aussi se définissait-il comme « un guide des phénomènes acoustiques », se concentrant sur la résonance et la propagation des sons dans l'espace : « Je veux rendre le battement spatial et non pas seulement rythmique », disait-il encore. On s'étonne de ne pas voir apparaître, dans l'essai introductif de Matthieu Saladin (adepte de l'écriture inclusive), le nom d'Éliane Radigue (née en 1932) qui, comme Lucier qu'elle a rencontré à New-York, a scruté, examiné avec minutie l'activité vibratoire des ondes sonores. Comme elle, d'ailleurs, convoque l'électricité, les oscillateurs à ondes sinusoïdales et le feedback électroacoustique dans une première étape de son travail avant de se tourner vers les instrumentistes et d'écrire pour eux.

Au cours des entretiens, le compositeur revient sur son parcours, toujours en marge de « l'establishment musical » des Etats-Unis, ses rencontres (Fluxus, Feldman, etc.), ses collaborations et sa carrière d'enseignant, à Brandeis d'abord en tant que chef de chœur puis à l'université de Wesleyan où il intervient au sein du département de composition. Interrogé sur la question de la notation musicale (une chose dont il se méfie), le compositeur évoque ses « partitions en prose », partition-texte (voire protocole) donnant des instructions sur la manière de réaliser la pièce. Il est minimaliste, parce que le contenu musical est réduit, et expérimental; car, la plupart du temps, il ne sait pas exactement ce qui va se passer. Avec trois copains, Robert Ashley, David Behrman et Gordon Mumma, il fonde en 1966, Sonic Arts Union, un des premiers groupes de live electronic music mettant l'accent sur la musique jouée en direct ; mais chez Lucier, l'interprétation est plus une question d'écoute attentive que de production sonore. « L'idée dans mon travail est que l'expérience de percevoir la pièce est l'expérience d'être conscient de soi-même en train de la percevoir » : une manière de « s'écouter écouter », qui situe l'originalité de la pensée sonore de Lucier.

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