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Rentrée joyeuse pour Klaus Mäkelä et l’Orchestre de Paris

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Paris. Philharmonie de Paris. 07-IX-2023. Igor Stravinski (1882-1971) : Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux, version 1947. Sergeï Prokofiev (1891-1953) : Concerto pour piano n°1 en ré bémol majeur, op.10. Bertrand Chamayou, piano. Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : Les Cloches, poème symphonique, op.35. Olga Peretyatko, soprano ; Pavel Petrov, ténor ; Alexey Markov, baryton. Chœur de l’Orchestre de Paris (Chef de Chœur : Richard Wilberforce). Musiikkitalon Kuoro (Cheffe de Chœur : Eleriin Müüripeal). Orchestre de Paris, direction musicale : Klaus Mäkelä

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Dans un programme russe constitué d'ouvrages de Stravinski, Prokofiev et Rachmaninov, s'attèle à faire ressortir des sonorités effusives de sa formation parisienne, accompagnée du piano de en première partie.

Un an plus tôt, ouvrait la saison avec l' en se confrontant aux grands ballets de Stravinski, L'Oiseau de Feu et Le Sacre du Printemps, ce dernier abordé avec une direction encore trop peu mature pour faire ressortir autre chose qu'une lecture purement symphonique. Enregistré sans doute un peu trop vite pour Decca, les œuvres semblaient avoir déjà mûries cet été à Aix-en-Provence, où elles étaient jouées en compagnie du troisième grand ballet du maître, repris cette rentrée à la Philharmonie de Paris.

Sans la projection de la vidéo de Bertrand Mandico vue à Aix, impossible à présenter à Paris à cause d'un problème technique, Mäkelä introduit donc le programme par Petrouchka où l'on  retrouve immédiatement ce qui fait la marque du chef : un orchestre en fusion, empli de sonorités chaudes, aux couleurs maintenant plus internationales que françaises. Très souriant et avec d'amples mouvements, le chef finlandais fait grossir les contrebasses et donne du corps à son orchestre dès l'Introduction du ballet, choisi sans risque dans la version 1947. Mais de cette effusion ne ressortent que lumières et splendeurs symphoniques pures où il est impossible de deviner l'orgue de barbarie ou les marionnettes du Premier Tableau, ni encore moins la fête de mardi gras et la mort de Petrouchka au Quatrième. Certes enflammé, l' frappe à vide dans les attaques s'exaltant dans une petite harmonie étincelante et des cuivres flamboyants.

À cette interprétation s'ajoute toutefois une jolie curiosité : limité ensuite à un concerto d'une quinzaine de minutes, s'est inséré dans le groupe dès le ballet, où il tient la partie piano du Steinway perpendiculaire à la scène devant le chef. Alors, en plus d'illuminer la superbe trompette solo, d'enrober les cordes graves ou de faire exploser les percussions toujours forte, le ballet trouve quelques instants magiques au piano, dans la chambre de Petrouchka notamment, où à défaut d'être sombre, le moment met en exergue un superbe échange entre le soliste et la petite harmonie.

De retour devant le Steinway replacé parallele à la scène devant l'orchestre, entre par son doigté agile et coloré dans le Concerto n° 1 de Prokofiev, écrit à un an d'intervalle du ballet et de l'œuvre conclusive du programme, intégralement russe. Mais pour entrer dans cette partition, le pianiste doit d'abord écouter l'orchestre, encore très chaud, livrer une interprétation qui dans le premier thème évoque une musique hollywoodienne, comme si l'on écoutait une partition de Korngold, plutôt que celle d'un compositeur russe à l'esprit très provocateur. Magnifié à la cadence et à l'Andante assai par le soliste, l'ouvrage reste là encore sur des sphères surtout orchestrales qui rappellent que, bien qu'étant déjà l'une des battues les plus impeccables du circuit, Mäkelä ne raconte pas encore grand-chose dans les partitions et qu'à défaut d'un discours discursif, il propose aujourd'hui une lecture simplifiée en survol de partitions qu'il approche toutes de la même façon.


Encore plus flagrantes, ces impressions ressortent de la dernière pièce qui ne parvient jamais à toucher. Car si la masse peut impressionner dans Petrouchka, Les Cloches de Rachmaninov nécessitent beaucoup plus de maturité. Choisie pour ce que Svetlanov savait être son ultime concert – à Londres quelques mois avant sa mort -, l'œuvre devait apparaître à l' en 2016 pour ce qui aurait été le dernier concert de Rozhdestvensky avec la formation. Annulé en dernière minute par un caprice du chef,  la pièce avait été remise à 2018 avec Noseda, dont une partie de l'apprentissage s'est faite en Russie. Reprise aujourd'hui, cette fausse symphonie plutôt cantate, écrite de la main d'un artiste déjà en difficulté avec son pays, n'offre que de la joie et du solaire, là où le texte d'Edgar Alan Poe traduit en russe évoque pourtant tous les âges de la vie, et parle dès la troisième partie du « tocsin qui sonne », puis en quatrième du « glas si lent […], son d'une douleur cruelle ».

Au pays merveilleux de Mäkelä, tout reste cependant beau et joyeux, comme le chant des trois solistes, lyrique avec le ténor , lumineux avec la soprano , et surtout bien trop allant avec le baryton . Loin de marquer, cette interprétation fait ressortir encore et toujours de l'éclat et du scintillant, à l'instar des chœurs, mélange de ceux de l'Orchestre de Paris et du , dont la vision de l'enfer et des hurlements en troisième partie s'accorde plus à une danse fervente, sans ombre ni douleur. Après tout, le fait de tout rendre beau peut être une vision, qui semble convenir à beaucoup si l'on en croit les applaudissements nourris du public. Mais pour nous, le seul moment réellement émouvant aura été la sobre et chantante Alouette de Glinka, transcrite pour le piano par Balakirev et offerte en bis par Chamayou, en fin de première partie.

Crédits photographiques : © Philharmonie de Paris et © Sophie Le Roux

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Paris. Philharmonie de Paris. 07-IX-2023. Igor Stravinski (1882-1971) : Petrouchka, scènes burlesques en quatre tableaux, version 1947. Sergeï Prokofiev (1891-1953) : Concerto pour piano n°1 en ré bémol majeur, op.10. Bertrand Chamayou, piano. Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : Les Cloches, poème symphonique, op.35. Olga Peretyatko, soprano ; Pavel Petrov, ténor ; Alexey Markov, baryton. Chœur de l’Orchestre de Paris (Chef de Chœur : Richard Wilberforce). Musiikkitalon Kuoro (Cheffe de Chœur : Eleriin Müüripeal). Orchestre de Paris, direction musicale : Klaus Mäkelä

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