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L’infini scelsien par Pierre-Albert Castanet

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Giacinto Scelsi, les horizons immémoriaux. Pierre-Albert Castanet. Éditions Michel de Maule. 464 pages. Mars 2023. 34€

 
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Musicologue mais aussi compositeur et interprète, Pierre-Albert Castanet s'intéresse à depuis les années 1980 et a contribué, du vivant du compositeur, à la découverte de sa musique. Sondant en profondeur l'univers et le mystère de l'artiste romain, il livre dans ce volume foisonnant le travail d'une vie, couvrant un vaste domaine de réflexions sur la personnalité protéiforme du maestro italien.

Scelsi vivait en reclus à Rome avant que (qui préface l'ouvrage), alors pensionnaire à la Villa Médicis au début des années 70 et sur le point de fonder L'Itinéraire, ne le découvre et le fasse jouer sur la scène française. « Il aimait recevoir dans son petit appartement de la via San Teodoro (aujourd'hui siège de la fondation Isabella Scelsi) dont les fenêtres donnent sur le Forum », se souvient Murail. Le pionnier du mouvement spectral voit, dans les opus du maestro ultramontain, plus que des œuvres musicales : des expériences de perception, une nouvelle approche radicale et profondément différente d'écouter le son. Il range l'auteur d'Anahit parmi les vrais révolutionnaires, ceux qui ont modifié notre rapport au son. Les chefs d'œuvre scelsiens devront attendre un quart de siècle avant d'éclore au grand jour !

On sait que l'artiste, d'ascendance noble (il était Comte d'Ayala Valva) avait interdit la publication de photo de sa personne, préférant signer avec un rond, souligné d'un trait (ou pas), symbole du soleil se levant ou se couchant. Si l'ouvrage truffé d'exemples musicaux contient également des documents parfois inédits, une seule photo du comte italien, précieuse et attachante, s'affiche juste après la préface.

Esprit connecté avec les instances supérieures – « comme Stockhausen, il se croit un intermédiaire informé par le souffle divin » – l'aristocrate romain est pour Castanet ce « maître érudit », un sage tout à la fois philosophe, poète et musicien. Ainsi l'auteur aborde-t-il « le cas Scelsi » selon les trois catégories envisagées successivement, du philosophe, du poète et du musicien.

Aussi prolixe qu'érudite (les notes de bas de page se comptent par centaines), avec une hauteur de vue qui sidère et un cheminement quasi rhizomatique de la réflexion, l'étude s'occupe de philosophie mais aussi de spiritualité, de psychanalyse, d'ontologie, de rituel, etc. « … Scelsi a banni la pulsation académique au profit d'un temps dilaté qui respire ou transpire à son aise, parfaitement en rapport avec le caractère infini de la méditation philosophique et la propriété illimitée de l'aura yoguiste du son » (p.62), nous dit l'auteur, citant à l'appui les œuvres du maestro dont il détaille volontiers les composantes de l'écriture : Tre canti sacri, l'Om mantrique, Canti del Capricorno, Sauh sont autant de partitions faisant référence à la pensée bouddhiste ou aux divinités hindoues.

Il est question de temporalité, d'intériorité, de rythme et d'énergie dévique dans le deuxième chapitre où des extraits de poèmes (Le Retour, Le Poids net, La Conscience aiguë, etc) de ce « mage du son », ami d'Henri Michaux, sont mis en exergue. Le troisième chapitre – Le musicien – mène plus avant les « pérégrinations volontairement vagabondes » de l'auteur, avec une richesse terminologique qui émerveille et un goût non dissimulé pour l'énumération. Laissant pour un temps le domaine purement scelsien, on savoure ses développements virtuoses sur la lumière (p.281) et ses dérivations passionnantes sur le binôme continu-discontinu (p.288). Sur un plan plus technique, l'auteur détaille les quatre mouvements de Pfaht, l'œuvre la plus brève de Scelsi pour orchestre, orgue et chœur, cible la partition d'Ixor pour clarinette (ou tout autre instrument à anche simple ou double), une pièce qu'il a lui-même créée à la clarinette basse (Ixor IV) en 1987 et revient plus d'une fois sur Anahit pour violon et orchestre (une des plus belles pièces ) et sur l'œuvre phare du compositeur ultramontain, les Quattro Pezzi (su una nota sola) de 1959 où s'incarne l'identité profonde de la pensée scelsienne.

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