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Un impérial Mitridate Eupatore à l’Auditorium du Louvre

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Paris. Auditorium du Louvre. 16-XI-2023. Alessandro Scarlatti (1660-1725) : Mitridate Eupatore, opera seria en cinq actes. Version de concert. Avec Paul-Antoine Bénos-Djian, Mitridate ; Vivica Genaux, Stratonica ; Julia Lezhneva, Laodice ; Anthea Pichanick, Antigono ; Sophie Rennert, Nicomede ; Victor Sicard, Farnace. Orchestre Les Accents, direction musicale : Thibault Noally

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Créé en 1707 au Théâtre San Giovanni Crisostomo de Venise (actuellement nommé Théâtre Malibran), alors le plus grand théâtre de la Sérénissime, l'opéra seria d' Mitridate Eupatore connut un échec puis un oubli certain jusqu'à la reprise moderne en 1995 par Thomas Hengelbrock et en 2017 à Beaune sous la direction de .

Le chef et violoniste remet cette partition à l'ouvrage dans un auditorium à l'acoustique sèche. L'intimité de cette expérience permet de s'imprégner de la grande richesse mélodique du compositeur napolitain, de son intelligence dans la concision des airs da capo et la fermeté des récitatifs. Il ne faut pas chercher la vraisemblance historique ou bien narrative de l'ouvrage, tant les rebondissements et les changements d'émotions abondent. Mais la finesse psychologique des inflexions musicales permettent de rendre de façon fine et avisée les affects des personnages. L'écriture n'est assurément pas aussi virtuose que chez Haendel, tant au sens des pyrotechnies vocales, que dans un lyrisme étiré à l'infini. C'est plutôt un art de l'équilibre assez subtil dans la composition qu'il est donné d'entendre dans une partition rare et qui réserve des moments de grande beauté.

Une des problématiques des versions de concert, pour des œuvres rarement jouées, est la préparation des chanteurs qui doivent apprendre une composition pléthorique, difficile  avec une narration imposante. On oscille alors entre les erreurs d'impréparation (faux départs et erreurs dans les coordinations entre les pupitres) ou bien l'angoisse de la faute qui impose le support constant de la partition, privant le spectateur du regard du chanteur et de son émotion expressive.

Toutefois, pour défendre ces portées, il faut saluer le travail des chanteurs engagés dans cette aventure, et en tout premier lieu . Le contre-ténor n'a pas la voix blanche et pauvre souvent associée à cette tessiture, ni l'aspect angélique souvent recherché. Il est absolument crédible et guère dérangeant d'avoir un homme à l'ambitus aussi aigu quand la voix revêt des couleurs si viriles et des inflexions aussi franches.
, dans le rôle de Stratonica, femme cruelle et ne sacrifiant rien sur l'autel de son désir, est pleinement exaltée dans des vocalises ébouriffantes qui lui permettent d'explorer un registre grave plus étendu qu' à l'accoutumée, malgré un timbre un rien plus revêche que d'ordinaire. Julia Lezheva est fabuleuse sur l'ensemble de sa tessiture, maîtrisée de bout en bout avec une facilité dans l'articulation des vocalises et un souffle lui permettant de tenir la longueur de phrases assassines. L'engagement dramatique lui permet de délivrer des accents pleins de compassion.

Faisant déjà partie de l'aventure en 2017 à Beaune, et (qui chantait alors le rôle-titre) abordent leur rôle avec une certaine prudence, tout en offrant une présence scénique particulièrement attachante quand bien même leurs parties respectives ne sont pas dotés des mêmes qualités musicales que les premiers rôles.

Il reste nombre d'opéras à découvrir d' ; avec des versions de concert telles que celle-ci, rendant pleinement justice à cette musique, il est plus que temps que les programmateurs osent explorer tout un pan de cette musique oubliée, quand elle est si bien défendue.

Crédits photographiques : Paul-Antoine-Bénos-Djian © Edouard Brane © RibaltaLuce Studio

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Paris. Auditorium du Louvre. 16-XI-2023. Alessandro Scarlatti (1660-1725) : Mitridate Eupatore, opera seria en cinq actes. Version de concert. Avec Paul-Antoine Bénos-Djian, Mitridate ; Vivica Genaux, Stratonica ; Julia Lezhneva, Laodice ; Anthea Pichanick, Antigono ; Sophie Rennert, Nicomede ; Victor Sicard, Farnace. Orchestre Les Accents, direction musicale : Thibault Noally

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