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Lukas Geniušas fête Rachmaninov à Cortot

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Paris. Salle Cortot. 06-XII-2023. Franz Schubert (1797-1828) : Quatre Impromptus op.90, D.899. Menuet D.600. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Sonate no.1 en ré mineur, op.28 ; 1ère version. Lukas Geniušas, piano.

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Avec l'inédite version liminaire de la Sonate n°1, fête dans la belle Salle Cortot le 150ème anniversaire de la naissance de Sergueï Rachmaninov, lors d'un concert où il joue en première partie des pièces de Schubert, dans lesquelles on l'entend plus rarement.

Deuxième Prix des Concours Chopin 2010 (devant Trifonov) et Tchaïkovski 2015 (derrière Masleev), est parmi les plus grands pianistes actuels pour Rachmaninov. Nous avions pu profiter de son jeu cet été en duo avec Anna Geniushene à la Roque d'Anthéron, ou en fin d'année dernière à Toulouse dans un splendide Concerto pour piano n°3.

À Paris cette saison, il entre dans la plus petite et plus sobre Salle Cortot pour un récital plus intime, dans lequel il revient à la version initiale de la Sonate n°1 op.28 de , inédite jusqu'à ce qu'il ne la ressorte tout récemment des archives du Conservatoire de Moscou. Enregistrée pour une parution début octobre chez Alpha, l'œuvre (d'une centaine de mesures de plus que dans la version interprétée jusqu'à présent) est ce soir précédée d'une première partie entièrement consacrée à Schubert.

Avec les Quatre Impromptus D.899, Geniušas rappelle par son toucher l'approche de certains pianistes soviétiques lorsqu'il s'agissait d'aborder ce répertoire romantique allemand. Mais le début de l'Allegro molto moderato séduit par son intériorité et la fine luminosité pour mettre en valeur les octaves de sol, avec une main gauche totalement fluide pour développer ses propres accords. D'une grande facilité, l'Allegro en mi bémol majeur est ensuite livré en plein vol, tournoyant et s'envolant avec ses triolets, bien que l'on sente ici un pianiste qui n'est pas encore totalement dans son élément, et qui appose son son sans toujours le faire correspondre à la mélancolie du compositeur, par exemple en se montrant un peu abrupte à la coda. L'Andante met en exergue cette même approche, comme si Geniušas jouait un compositeur du Nord, toujours avec une grande intériorité, toujours marquée par son visage quasi inexpressif, loin du rendu extrêmement touchant du clavier, mais un peu en décalage avec le matériau. Par ses sonorités fluides parfaitement retranscrites, l'Allegretto offre une superbe conclusion en remettant en exergue la célérité et la pureté du toucher. Court interlude juste avant la pause, le Menuet D.600 du même Schubert ressort idéalement par la distance encore très fine qu'y met , extrêmement concentré pour maintenir un rythme mesuré, parfaitement cadencé par la main gauche.

De retour sur scène après l'entracte, il peut entrer dans la grande Sonate n°1 de Rachmaninov qu'il vient d'enregistrer sur le piano du compositeur en Suisse, abordée à Paris sur un Steinway & Sons D dans l'acoustique assez idéale d'Auguste Perret. Composée à Dresde en 1907 et 1908, l'œuvre mal-aimée n'a pas été créée par Rachmaninov, qui a préféré en laisser la première à Constantin Igoumnov, également responsable des nombreuses coupes et retouches validée ensuite par le compositeur. Depuis, jamais la partition originale n'avait été reprise et c'est dans cette version inédite que nous l'entendons pour la première fois en France ce soir.

Totalement libéré, Geniušas développe dès le premier motif toutes les merveilles d'une œuvre injustement mise de côté par rapport à la Sonate n°2. Pendant plus de quarante minutes, il en traite toutes les fractures et toutes les contradictions, sans les habituels grands élans du compositeur, mais avec de nombreux passages poignants, souvent par des motifs de seulement deux ou quatre notes. Dans cette version, la réexposition de l'Allegro moderato change complètement, plus longue et moins évidente dans l'alternance des cellules thématiques, sans que cette édition ne semble incertaine, surtout lorsqu'elle est abordée avec la maîtrise d'un tel pianiste. Posé grâce à une intégrité qui présente plus de rondeur que sous un Luganski, le Lento est développé avec la même justesse et la même ferveur, toujours contenu dans son émotion. Le finale, qui débute enfin avec un grand élan alla Rachmaninov, est également extrêmement bien maîtrisé par Geniušas, dont le toucher percussif et parfaitement agile s'accorde non seulement à développer le thème, mais aussi, juste après, aux jeux autour du Dies Irae, puis aux déluges d'arpèges.

Achevée sous de chaleureux d'applaudissements, l'œuvre laisse la place à quatre bis sans aucun rapport avec elle, de la valse Alt Wien de Godowsky à une Étude n°5 opus 10 de Chopin un peu sur les pointes, en passant par une pièce de l'ami de la famille Desyatnikov, pour revenir par une boucle à une valse de Schubert.

Crédits photographiques : © Patrice Moracchini

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Paris. Salle Cortot. 06-XII-2023. Franz Schubert (1797-1828) : Quatre Impromptus op.90, D.899. Menuet D.600. Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Sonate no.1 en ré mineur, op.28 ; 1ère version. Lukas Geniušas, piano.

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