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Première intégrale Bruckner marquante du Philharmonique de Vienne par Thielemann

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Anton Bruckner (1824-1896) : Symphonies n° 1 à n° 9 ; Symphonies en fa mineur et en ré mineur “Nullte”. Orchestre philharmonique de Vienne, direction : Christian Thielemann. 11 CD Sony Classical. Enregistrés au Musikverein de Vienne (symphonies n° 1, n° 2, n° 3, n° 5, n° 6, n° 8, symphonies en fa mineur et “Nullte”) entre avril 2019 et mai 2022 et au Grosses Festspielhaus de Salzbourg (symphonies n° 4, n° 7 et n° 9) entre août 2020 et juillet 2022. Notice de présentation en anglais et en allemand. Durée totale : 11 heures 22 minutes

 

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L'intégrale viennoise de ouvre magistralement les commémorations du bicentenaire de la naissance de Bruckner, compositeur dont l'importance de l'œuvre n'a cessé de croître au fil des décennies. Des centaines d'enregistrements témoignent de la richesse d'un cycle dans lequel le chef allemand se révèle, aujourd'hui, comme l'un des interprètes privilégiés. 

A 64 ans, Thielemann a gravé une série d'enregistrements brucknériens dont plusieurs jalons de la présente intégrale Vienne sont déjà parus. Par ailleurs, le cycle complet est disponible en DVD. A cette somme viennoise, il faut ajouter les lectures avec la Staatskapelle de Dresde, les philharmoniques de Berlin et de Munich ainsi que le Deutsche Oper de Berlin. Au total, il existe à ce jour, deux versions des symphonies n° 1, 3 et 6, cinq pour la Symphonie n° 9, six pour les symphonies n° 4 et 5, sept pour la Symphonie n° 7 et, enfin, pas moins de neuf moutures de la Symphonie n° 8 !

En réécoutant divers enregistrements de Thielemann, du début des années 2000 aux dernières captations de 2022, on constate une évolution notable de ses interprétations que l'on pourrait définir aujourd'hui, comme étant plus souples et, paradoxalement, plus fouillées. Dans sa manière de faire respirer les pupitres, Thielemann, avec Vienne, donne l'impression de se libérer d'une pâte épaisse sans renoncer à la monumentalité et, plus encore, à l'extrême précision de la polyphonie. Le résultat n'est plus seulement ce que Celibidache décrivait comme « l'expression de la sensation de la beauté, mais elle est aussi la conséquence d'une vérité : la nature divine de l'homme ».

Si la phalange viennoise “rayonne” avec une telle énergie, c'est avant tout au service d'une dimension spirituelle sans laquelle cette musique ne peut vivre, une dimension spirituelle aussi diversement révélée sous les baguettes de Giulini, Celibidache, Jochum ou Wand. Chez Thielemann, cette dernière est magnifiée dans les mouvements lents des symphonies n° 4 à 8. Cette approche si homogène de l'univers brucknérien minore aussi les influences d'une écriture reconnaissable dès la première Symphonie en fa mineur de 1863. En effet, les premier opus baignent encore dans le romantisme de la première moitié du XIXᵉ siècle, celui des Schubert, Mendelssohn, Weber, Schumann et pourquoi pas de Berlioz, dans la Symphonie n° 1, par exemple. Sous la baguette de Thielemann, il sont déjà guidés sur les voies des partitions tardives, soumises à l'harmonie wagnérienne (ce qui ne retire en rien du génie propre de Bruckner, maître dans l'art de la modulation).

Les timbres du Philharmonique de Vienne sont un atout majeur pour une telle intégrale : la transparence des violons, le galbe fruité des bois, l'impression de chorégraphier les scherzos, sur un feu de joie inspiré par les rythmes populaires des campagnes autrichiennes, tout cela est remarquable. Ajoutons la touche lumineuse des cuivres – cors sublimes ! – dans les symphonies n° 4, 5 et 7. A eux seuls, ils procurent cette lumière “dorée”, liant scènes pastorales et élégance aristocratique. Thielemann profite de la virtuosité d'une telle phalange (finale de la Symphonie n° 8) et sait obtenir les pianissimi les plus délicats, mais aussi des forte jamais cassants, ce qui ne fut pas le cas dans ses gravures berlinoises (symphonies n° 4, 7 et 8).

Le choix des versions est des plus logiques : Nowak (n° “00”, fa mineur, 1, 3, 5, 6, 9), Haas (n° 4, 7, 8) et Carragan (n° 2). Enfin, Thielemann n'a pas cédé à la tentation de graver le finale reconstitué de la Symphonie n° 9. Il s'en explique, estimant qu'il respecte les travaux entrepris concernant le dernier mouvement demeuré inachevé. Pour autant, il préfère rester dans le mystère des dernières mesures de l'adagio, affirmant, peut-on lui donner tort ? – « aimer que beaucoup de choses ne puissent être résolues… ».

Au fil de cette écoute, l'auditeur est pris par un sentiment de grandeur, de clarté et de douceur mêlées où l'on sent poindre un désir de profonde spiritualité, que Thielemann modère autant qu'il le peut. Son interprétation s'inscrit dans l'histoire des chefs qui gravèrent tant de symphonies avec le Philharmonique de Vienne : Giulini, Haitink, Abbado, Muti, Bernstein, Mehta, Sawallisch, Stein, Harnoncourt, Karajan, Böhm, Knappertsbusch, Schuricht, Szell, Jochum, Walter, Solti, Furtwängler… Une intégrale marquante.

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