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Le Philharmonique de Berlin publie une intégrale exceptionnelle de Bruckner par huit chefs

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Anton Bruckner (1824-1896) : Les neuf symphonies. Orchestre philharmonique de Berlin, direction : Seiji Ozawa (n° 1), Paavo Järvi (n° 2), Herbert Blomstedt (n° 3), Bernard Haitink (n° 4 et 5), Mariss Jansons (n° 6), Christian Thielemann (n° 7), Zubin Mehta (n° 8), Simon Rattle (n° 9). 9 CD + 1 disque Pure Audio Blu-ray + 3 disques Blu-ray Vidéo. Enregistrés de janvier 2009 à mai 2019 à Berlin, Philharmonie. Notice bilingue (anglais, allemand). Durée totale : 9:55:46 pour les CD et le disque Pure Audio Blu-ray ; 10 heures 39 minutes pour les disques Blu-ray Vidéo

 

Les Clefs d'or

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Aujourd'hui paraît sous l'étiquette de l' un coffret Bruckner somptueux appelé à faire date, réunissant huit chefs captés ces dix dernières années.

bruckner_aufgeklapptC'est Arthur Nikisch qui, en tant que chef de l' de 1895 à sa mort en 1922, initia la grande tradition brucknérienne de cette formation, très vite devenue avec son rival viennois puis avec le Concertgebouw l'une des trois phalanges majeures pour l'exécution des symphonies de Bruckner. Elève du maître de Saint Florian, Nikisch avait créé triomphalement la Symphonie n° 7 en 1884 et fut le premier à exécuter à Leipzig les neuf symphonies en une seule saison. Après lui, son disciple Furtwängler poursuivit sa défense du compositeur autrichien dont il laisse quelques enregistrements visionnaires et dont le style imprègne ses propres œuvres symphoniques. Karajan laissa à son tour plusieurs gravures, dont une intégrale des neuf symphonies d'une splendeur sonore intimidante. Et si Abbado puis Rattle ont montré moins d'affinités avec Bruckner, l'orchestre a poursuivi avec ses chefs invités la tradition de Nikisch.

Réunir les neuf symphonies par un même orchestre et des chefs différents n'est pas une idée neuve ; au temps du microsillon, les Viennois avaient enregistré le même cycle sous des baguettes illustres mais variées pour Decca (Abbado, Stein, Boehm, Maazel, Solti et Mehta), plus récemment l'Orchestre de la Radio bavaroise a repris l'idée dans un coffret d'hommage à ses chefs titulaires ou invités (Maazel, Jansons, Haitink, Blomstedt).

Mais l'intérêt de ce volumineux coffret est double : d'une côté, il réunit huit chefs parmi les plus grands d'aujourd'hui dans des interprétations inédites, de l'autre côté il double les 9 CD d'un Pure Audio Blu-ray et surtout de trois disques Blu-ray vidéo qui permettent de voir les concerts tous captés dans la salle de la philharmonie. Si la captation est d'un total classicisme, elle permet d'admirer et de détailler plusieurs points essentiels. D'une part la concentration de l'orchestre est impressionnante, et les nombreux gros plans sur les principaux solistes mis en valeur (notamment , Andreas Ottensammer ou Stephan Dohr) permettent d'apprécier leur perfection technique absolue, d'autre part les chefs invités sont passionnants à suivre ; tous d'une lisibilité de battue stupéfiante, dirigeant le plus souvent sans partition (Blomstedt la pose sur son pupitre mais ne l'ouvre pas…), ils emmènent l'orchestre là où ils veulent aller sans effet de manche ni esbroufe mais avec une maestria transcendante.

Le seul à se situer un peu en retrait est dans la Symphonie n° 2 car sa direction trop neutre ne semble enthousiasmer ni l'orchestre ni les auditeurs ; de plus il opte pour la version de 1877, abrégée et moins belle que celle de 1872 (mais on lui sait gré de rendre au cor l'admirable phrase finale du mouvement lent). Au passage, il est le seul avec Rattle à renoncer à l'habit pour ce qui s'avère un choix vestimentaire malencontreux.

Mais sinon, quelle découverte que la Symphonie n° 1 par un qui a trop peu dirigé Bruckner, mais dont la battue très claire sublime le dynamisme frénétique de la partition dans sa version originale de Linz. Quelle émotion devant assis, sans baguette, modelant l'immense Symphonie n° 3 dans sa rare rédaction originelle de 1873 en quelques gestes et surtout à travers l'intensité d'un regard empreint d'une malicieuse bienveillance.

Quelle autorité dans les n° 4 et particulièrement n° 5 de qui gravit ces Himalayas sonores d'un pas ferme (et sans recourir au doublage des cuivres dans la n° 5). Quel équilibre dans la Symphonie n° 6 de récemment décédé, d'une lisibilité éblouissante.

Quel sommet surtout dans la n° 7 de Thielemann, sa plus belle exécution au disque, aux crescendos construits avec une perfection exceptionnelle ! L'incroyable concentration de cette exécution et son émotion dans l'Adagio font vraiment douter de la pertinence du choix des Berlinois qui applaudissent à tout rompre le chef lors des saluts quand ils ont écarté sa candidature à la succession de Rattle.

Par comparaison, la Symphonie n° 8 de , bien que culminant dans un splendide Adagio n'atteint pas les mêmes sommets, le chef n'ayant jamais retrouvé l'état de grâce de sa 9° viennoise (en 1965 !). Enfin la Symphonie n° 9 de , qu'on pourra juger trop distanciée lorsqu'on garde le souvenir des visions d'outre-tombe de Furtwängler ou Jochum avec le même orchestre, mais aussi de Giulini à Vienne et Celibidache à Munich, vaut néanmoins par l'exécution du finale dans la version de Samale-Mazzuca-Philips et Cohrs, la plus jouée bien qu'elle ne dissimule pas certaines « coutures » dues à l'inachèvement de ce mouvement qui donne à l'œuvre une tout autre dimension. Ce n'est pas le moindre mérite de cet ensemble que de dessiner ainsi la trajectoire complète de la création symphonique de Bruckner, de la 1° de Linz en 1865 aux ultima verba viennois de 1896. Même s'il manque la symphonie d'étude et la « 0 », l'ensemble s'impose par une réunion d'exécutions exceptionnelles. À l'applaudimètre de l'orchestre, Ozawa et Thielemann l'emportent mais comment n'être pas bouleversé par les vétérans Haitink et Blomstedt et le regretté Jansons ? Accompagné d'un livret passionnant (malheureusement pas traduit en français), l'ensemble s'avère essentiel dans la discographie brucknérienne moderne.

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