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George Benjamin au centre du festival [aspects] de Caen

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Caen. Auditorium Jean-Pierre Dautel. 19-III-2024. George Benjamin (né en 1960) : A Mind of Winter pour soprano et orchestre ; Duet pour piano et orchestre . Henry Purcell (1659-1695) : Three Consorts (transcription pour orchestre de chambre de George Benjamin). Oliver Knussen (1952-2018) : Symphonie n°2 pour soprano et orchestre de chambre, opus 7. Jenny Daviet, soprano ; Florent Boffard, piano. Orchestre de Caen, direction : Nicolas Simon

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Après Graciane Finzi, reçue en 2023, le compositeur, pianiste et chef d'orchestre britannique , une des figures majeures du monde musical contemporain, est l'invité de la 42ᵉ édition du festival caennais [aspects], une manifestation au cœur du Conservatoire de région mêlant concerts, opéras filmés, rencontres et temps pédagogiques. 

Trois œuvres d'orchestre de sont au programme du concert d'ouverture ainsi que celle du compatriote et ami (1952-2018) dont la musique résonnera à plusieurs reprise durant la semaine.

Après les mots d'accueil d'Aurélien Daumas-Richardson, directeur du conservatoire et maître d'œuvre de ce festival qui affiche notamment son premier opéra Into the little hill, ses Shadowlines pour piano ainsi que des master classes par le compositeur, c'est la musique d'Henry Purcell qui est entendue, orchestrée par Benjamin qui voue un amour inconditionnel à cet autre compatriote du premier baroque. Et c'est pour mieux faire connaître sa musique, nous dit-il dans sa présentation, qu'il l'orchestre en 2021. Three Consorts réunit trois Fantaisies pour violes (1680) de Purcell et convoque un orchestre par deux augmenté de quelques percussions. La manière est subtile et les couleurs fort bien distribuées pour servir la polyphonie et détailler toutes les facettes de cette musique aussi sensible que festive ; les dissonances hardies de la deuxième sont confiées aux cordes soyeuses tandis que la cloche coréenne tinte dans la troisième, écrite par Purcell sur une seule note.

Benjamin a 21 ans et étudie au King's College de Cambridge lorsqu'il compose A Mind of Winter (Un esprit d'hiver), pour orchestre et voix, commande de l'Aldeburgh festival (fondé par Benjamin Britten) et du Scottish Chamber Orchestra. L'œuvre à l'affiche est d'une seule coulée comme le poème de Walace Stevens (1879-1955), The Snow Man (une seule phrase de quinze lignes sans ponctuation !) qui sous-tend l'écriture. Il est question de givre, de vent glacé, de feuilles mortes et d'une figure étrange qui hante le paysage : autant de sollicitations de timbres et de textures (cordes en glissando sur le chevalier, sons filtrés, « blancheurs des harmoniques », appels de la petite trompette bouchée, acidité des piccolos) pour évoquer les éléments et la singularité du décor avec un raffinement et une inventivité qui font merveille. La ligne de chant de la soprano épouse chacun des mots du poète, ajoutant au mystère et à l'étrangeté des sonorités. Le timbre est joli, le vibrato délicat et la voix bien projetée. L'œuvre est un bijou restitué avec beaucoup de sensibilité par les interprètes sous la direction attentive de .

L'opus 7 (1971), Symphonie n°2, du compositeur et chef d'orchestre est composé à l'âge de 18 ans ! Symphonie avec voix, elle fait revenir sur scène qui chante des poèmes de Trakl et de Sylvia Plath dont la traduction nous est donnée sur l'écran de fond de scène. L'orchestration d'emblée captive par le choix des couleurs et le traitement des pupitres instaurant une tension dramatique ; la voix ne fait que de courtes apparitions au début de l'œuvre avant de déployer son chant, ligne souvent escarpée, accusant les reliefs de dynamiques et d'amplitude qu'assume avec beaucoup d'élégance et de vaillance la voix ductile de la soprano. On aurait aimé lire les poèmes en amont pour pénétrer plus avant tous les ressorts expressifs de l'écriture.

n'aime pas les concertos et encore moins les cadences dont la virtuosité digitale l'ennuie. Duet (2008), commande du festival de Lucerne pour le Cleveland Orchestra et Pierre Laurent Aimard, qui referme le concert, convoque bien un soliste et l'orchestre, comme dans un concerto, mais ce sont des rapports autres qui s'instaurent entre les deux partenaires, conférant à l'œuvre un profil inouï. Benjamin a d'ailleurs supprimé tous les violons, dont le voisinage sonore avec le piano l'insupporte. L'oreille est fine et exigeante, qui définit précisément ses options : ainsi le piano (impressionnant ) et l'orchestre sonnent-ils alternativement, l'un imitant l'autre (et réciproquement) jusqu'à ce qu'ils se rencontrent au mitan de l'œuvre. C'est le pianiste qui débute, éprouvant les capacités de son instrument dans une dimension qui intègre l'espace, les registres et la résonance ; les réponses de l'orchestre sont, littéralement, à la hauteur des propositions du soliste, mettant à l'œuvre les ressources de la percussion et l'intervention de timbres solistes. La joute sonore est fascinante et l'invention à l'œuvre comme cette fanfare somptueuse des cuivres graves. La rencontre des deux factions est musclée, engageant in fine, la virtuosité du pianiste et la dextérité du chef pour « organiser le chaos ».

Fort bien menée par et ses musiciens, cette soirée d'ouverture haute en couleurs esquisse un premier portrait de Sir Benjamin, esprit frondeur et orchestrateur hors norme.

Crédit photographique : © Åsa Westerlund

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Caen. Auditorium Jean-Pierre Dautel. 19-III-2024. George Benjamin (né en 1960) : A Mind of Winter pour soprano et orchestre ; Duet pour piano et orchestre . Henry Purcell (1659-1695) : Three Consorts (transcription pour orchestre de chambre de George Benjamin). Oliver Knussen (1952-2018) : Symphonie n°2 pour soprano et orchestre de chambre, opus 7. Jenny Daviet, soprano ; Florent Boffard, piano. Orchestre de Caen, direction : Nicolas Simon

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