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Don Quichotte ouvre la saison de l’Opéra de Lausanne

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Lausanne. Opéra. 5-X-2025. Jules Massenet (1842-1912) : Don Quichotte. Comédie héroïque en cinq actes sur un livret de Henri Cain, d’après la pièce de Jacques Le Lorrain (1856-1904) Le Chevalier de la longue figure, elle-même inspirée de l’œuvre de Cervantes. Mise en scène : Bruno Ravella. Décors : Leslie Travers. Costumes : Gabrielle Dalton. Lumières : Ben Pickersgill. Assistant mise en scène : Romeo Gasparini. Chorégraphie : Rebecca Howell. Avec Stéphanie d’Oustrac, Dulcinée ; Nicolas Courjal, Don Quichotte ; Marc Barrard, Sancho ; Andrea Cuelva Molnar, Pedro ; Herlinde Van de Straete, Garcias ; Maxence Billiemaz, Rodriguez ; Jean Miannay, Juan ; Giulio Foresto, Chef des bandits ; Nicolas Charoud, 1er bandit ; Gabriel Colin, 2ème bandit ; Romain Favre, 3ème bandit; Pierre-Yves Têtu, 1er laquais; Mohamed Haidar, 2ème laquais. Chœur du l’Opéra de Lausanne (chef de chœur : Alessandro Zuppardo). Orchestre de Chambre de Lausanne, direction Laurent Campellone.

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Avec ce Don Quichotte de Jules Massenet qui fait salle archi-comble, l'ouverture de la nouvelle saison de l'Opéra de Lausanne confirme le bon goût de Claude Cortese, son nouveau directeur, dans sa démarche de présenter des œuvres jamais jouées à Lausanne.

Hormis Manon et Werther, les opéras de Jules Massenet n'ont guère eu la cote en Suisse Romande. A Genève, avec sa maison d'opéra en activité depuis 1879, il faut remonter en mars 1968 pour y voir un Don Quichotte de Massenet qui, entre parenthèse, affichait un certain José van Dam en Sancho aux côtés de la basse italienne Nicola Rossi-Lemeni dans le rôle-titre ! C'est donc avec un plaisir mêlé de nostalgie qu'on assiste à cette production lausannoise.

Dans sa note d'intention, le metteur en scène s'appuie principalement sur deux phrases du livret pour construire son propos. Celle qu'émet Dulcinée en parlant de Don Quichotte : « Oui, peut-être est-il fou…mais c'est un fou sublime. » et les mots de Sancho à l'égard de son maître : « Enfin…il est heureux…respectons son délire. » Dès lors, Ravella place son Don Quichotte dans un monde de rêve éveillé, que son héros partage entre poésie amoureuse et démence visionnaire. Le metteur en scène répond-il à ses envies ? En partie mais avec une belle intelligence de moyens. A noter d'abord que l'équipe l'accompagnant dans sa démarche scénique s'avère de premier ordre. Comme la chorégraphe Rebecca Howells qui, dès le lever de rideau, organise en un ballet stéréotypé « à la Laurent Pelly » admirablement enlevé d'une petite foule joyeuse vêtue de frac, haut-de-forme et gants blancs, comme sortie d'une soirée chez Maxim's, qui envahit le plateau appelant la fantasque Dulcinée à devenir la reine de la fête. Avec ses éclairages, le britannique créée des ambiances saisissantes à l'exemple de cette image, l'une des plus émouvante de tout le spectacle, avec Don Quichotte prisonnier des brigands, debout, les poignets entravés, les bras en croix tel un Christ, déclamant son « Je suis le chevalier errant qui redresse les torts… ». Les costumes de sont plaisants et bien dessinés en particulier celui de Dulcinée aguichant sans vulgarité. On sera un peu plus réservé sur le décor () qui, s'il apporte souvent la poésie, peine à convaincre dans la fin du premier acte, avec ces bouts de phrases découpés descendants des cintres et dans l'Acte 2 qui voit Don Quichotte se battre contre des moulins. Là, peut-être que des ombres menaçantes auraient suffit à créer l'ambiance des angoisses et des délires du héros plutôt que ces énormes mains se balançant depuis les coulisses et les cintres.

Quant à la distribution, elle s'avère à la hauteur des attentes. Pas facile de reprendre le flambeau que Fiodor Chaliapine a laissé dans l'imaginaire en dépit du fait que personne aujourd'hui ne peut prétendre à avoir entendu ce monstre sacré dans ce rôle. Et si on ne parle que du rôle-titre, il reste important de noter que cet opéra ne se borne pas à ce rôle, aussi important soit-il mais qu'il est tributaire de la complicité avec Sancho, le compagnon, la conscience de Don Quichotte. A ce jeu, l'Opéra de Lausanne a eu le fin nez d'engager un binôme de chanteurs qui, en mars de l'an dernier, se mesuraient avec succès dans cette même oeuvre sur la scène de l'Opéra municipal de Marseille.

Si avec (Don Quichotte) on note une amplitude parfois dérangeante du vibrato, il faut lui reconnaître une remarquable aptitude au dosage de son instrument pour ne jamais l'amener aux risques de la fausse note. Il chante «vrai» même si parfois la phrase manque du souffle, de l'ampleur, de l'ouverture qui suscite l'émotion et que requiert le personnage, amoureux fou de rêve, de Dulcinée. Totalement engagé dans son personnage, gesticulant, sautant, se jetant à terre, se relevant, se battant en brandissant une canne en guise d'épée, il ne peut logiquement soigner son chant dans ces moments d'intensité théâtrale. Là, la voix, la ligne de chant lui échappe au profit du théâtre. Ce n'est donc qu'immobile (ou presque) qu'il donne le meilleur de son art du chant comme dans son agonie. C'est dans ces derniers instants de l'opéra que l'émotion touche à son comble. Artisan de ces instants privilégiés, Massenet bien sûr, qui, en mélodiste accompli, offre un interlude de violoncelle d'une grande profondeur et d'une mélancolie débordante qui ne peut qu'amener à une mort de Don Quichotte des plus émouvantes.

C'est alors qu'on découvre pleinement la magnifique interprétation de (Sancho). Jouant jusqu'ici la discrétion devant Don Quichotte, la relative timidité vocale qui le caractérisait s'avère au contraire être d'une exceptionnelle et intelligente sensibilité artistique. Don Quichotte est le maître, Sancho n'est que la conscience, le serviteur, le laquais. Ce ne sera qu'au dernier instants de vie de Don Quichotte qu'il se révèlera dans toute sa compassion. A ce jeu, est magnifique d'humanité.

Grâce à son expérience de la scène, Stéphanie d'Oustrac (Dulcinée) a toutes les qualités pour incarner avec brio la jeune femme pour qui sa liberté n'est pas à partager. Vocalement, elle use de son instrument avec l'intelligence nécessaire pour éviter les pires écueils. Certes, la ligne de chant n'est pas toujours idéale mais la truculence de son personnage l'autorise à certains écarts vocaux acceptables. Dans les rôles secondaires, on aime l'autorité vocale du ténor (Juan).

Le Chœur de l'Opéra de Lausanne, très bien préparé par , est joyeusement efficace. Dans la fosse, l' brille de mille feux sous la baguette d'un bien inspiré.

Crédit photographique : © Carole Parodi

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Lausanne. Opéra. 5-X-2025. Jules Massenet (1842-1912) : Don Quichotte. Comédie héroïque en cinq actes sur un livret de Henri Cain, d’après la pièce de Jacques Le Lorrain (1856-1904) Le Chevalier de la longue figure, elle-même inspirée de l’œuvre de Cervantes. Mise en scène : Bruno Ravella. Décors : Leslie Travers. Costumes : Gabrielle Dalton. Lumières : Ben Pickersgill. Assistant mise en scène : Romeo Gasparini. Chorégraphie : Rebecca Howell. Avec Stéphanie d’Oustrac, Dulcinée ; Nicolas Courjal, Don Quichotte ; Marc Barrard, Sancho ; Andrea Cuelva Molnar, Pedro ; Herlinde Van de Straete, Garcias ; Maxence Billiemaz, Rodriguez ; Jean Miannay, Juan ; Giulio Foresto, Chef des bandits ; Nicolas Charoud, 1er bandit ; Gabriel Colin, 2ème bandit ; Romain Favre, 3ème bandit; Pierre-Yves Têtu, 1er laquais; Mohamed Haidar, 2ème laquais. Chœur du l’Opéra de Lausanne (chef de chœur : Alessandro Zuppardo). Orchestre de Chambre de Lausanne, direction Laurent Campellone.

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1 commentaire sur “Don Quichotte ouvre la saison de l’Opéra de Lausanne”

  • Emeric dit :

    c’est une blague ????? Pourquoi ne pas avoir le courage de dire ce que tout le monde pense. Le SPECTACLE est beau, le plateau est moyen. Stéphanie D’Oustrac absolument calamiteuse. Suffira-t-il désormais de porter des bas résilles et d’être « pétulante » pour être une bonne chanteuse ?
    Ce qu’elle livre là, est CALAMITEUX. Qui l’a embauchée, par snobisme, élitisme, suivisme, au détriment du son, de la ligne de chant, de la puissance, de l’opéra qui sait chanter haut et juste, avec ferveur ?
    L’opéra devient du théâtre et peu importe qu’il soit mal chanté, c’est terriblement triste.
    On se demande pourquoi les chanteurs français sont si rares à travailler honorablement à l’international. Sans doute que le « bon goût » français est l’explication. Dans ce choix de rareté et d’étalage de culture, je ne vois moi qu’une volonté de se démarquer en oubliant le fondamental : la musique et la voix, c’est triste de donner à entendre une chanteuse pareille à un public qui ne s’y connaît guère. C’est triste de lire ici-même la critique du rôle-titre de Tannhaüser de Genève qui chanterait trop fort (!!!!!!!!!!!!) et juste quelques timides réserves vis à vis de cette prestation sidérante de médiocrité de Stéphanie D’ésastre.
    Ayez le courage de faire votre métier sans vous préoccuper de copinage et de léchage ! L’avenir de l’opéra est en jeu. Marre de l’école française et de son soit-disant bon goût. Marre de voir nos beaux théâtres suisses subir cette épidémie française.
    Je veux continuer à aller à Lausanne, Genève et Zurich pour y écouter de grandes et rares voix, pas pour découvrir des prestations de précieuses ridicules qui privilégient la mise en scène à la musique, l’actrice à la chanteuse.
    C’est injuste et malhonnête.

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