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Medea de Cherubini ouvre la saison de Naples avec Sondra Radvanovsky

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Naples. Teatro di San Carlo. 6-XII-2025. Luigi Cherubini (1760-1842) : Medea, tragédie en 3 actes sur un livret de François-Benoît Hoffman ; version italienne de Carlo Zangarini. Mise en scène : Mario Martone. Décors : Carmine Guarino. Costumes : Daniela Ciancio. Lumières : Pasquale Mari. Vidéos : Alessandro Papa. Chorégraphie : Daniela Schiavone. Avec : Sondra Radvanovsky, Medea ; Francesco Demuro, Giasone ; Giorgi Manoshvili, Creonte ; Désirée Giove, Glauce ; Anita Rachvelishvili, Neris ; Giacomo Mercaldo, Un Capitaine de la garde du Roi ; Maria Knihnytska, Anastasiia Sagaidak, Servantes de Glauce. Coro del Teatro di San Carlo (Chef de Chœur : Fabrizio Cassi). Orchestra del Teatro di San Carlo, direction musicale : Riccardo Frizza

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Pour ouvrir la saison 2025/26 du San Carlo à Naples, Medea de Cherubini voit apparaître pour la première fois en Europe dans le rôle-titre , bien entourée par , Désirée Glove et surtout la Neris d', dans une mise en scène de inspirée du Melancholia de Lars von Trier.

C'est l'ouverture de la saison au San Carlo, sont de mise robes de gala pour les femmes, smoking ou costumes pour les hommes, avec cravate ou nœud papillon noirs obligatoires, qui donnent à cette soirée napolitaine un ravissant style d'époque. Cette année, c'est Medea qui ouvre le bal, dans la version italienne apocryphe de Carlo Zangarini, traduite pour La Scala en 1909, presque 70 ans après la mort de .

Créé en 1797 au Théâtre Feydeau à Paris, l'opéra est popularisé en Allemagne alors que le compositeur est déjà mort depuis 15 ans, puis réapparaît cinquante ans plus tard en Italie. Il y sera à nouveau relancé au milieu du XXe siècle, cette fois par Maria Callas, dont on connaît les célèbres enregistrements avec Leonard Berstein puis Tullio Serafin. Depuis, l'œuvre revient à l'occasion avec de grandes sopranos, les dernières en date étant Sonya Yoncheva dans la version originale en français en 2018 à Berlin, puis Marina Rebeka en 2023.

En 2022, prend le rôle au Met, en italien dans une mise en scène de David McVicar ensuite donnée à Toronto (2024), puis reprise il y a deux mois à Chicago sous la direction d'Enrique Mazzola, avec Matthew Polenzani en Giasone. Pour la première fois dans le rôle en Europe, la soprano y découvre par la même occasion une seconde mise en scène, dans laquelle elle parvient tout autant à caractériser à merveille la magicienne. Dès son apparition, fugace en fond de scène, transparaît déjà son appropriation du personnage, qui éclate dès qu'elle ouvre la bouche en fin d'acte I pour Dei tuoi figli la madre. Puissante par la voix, elle surpasse tout le reste du plateau, sauf Néris dans le duo de l'acte II, qui rassure largement sur le compte de la mezzo , de retour en grande forme dans ce rôle de servante auquel elle donne une grande présence.  Au 3e acte, Radvanovsky installe avec Dei tuoi figli la madre une folie que l'E che? Io son Medea! final cherche plus à rapprocher d'une Lady Macbeth que d'une Lucia. Transcendante dans cette dernière scène, elle passionne par les modulations de la voix, d'une impressionnante agilité dans tous les registres et particulièrement magnifique dans l'aigu.

Nous avons dit Rachvelishvili en forme au duo du début de l'acte II ; elle l'est encore dans le sublime air Solo un pianto, en plus soutenu par un excellent basson solo. Pour Giasone, Francesco Meli a fait faux bond et c'est , présent pour chanter une semaine plus tard dans l'opéra d'Ennio Morricone Partenope avec Jessica Pratt et Maria Agresta, qui prend sa place les trois premiers soirs. Comme toujours chez le ténor, le timbre n'est pas des plus beaux, mais le style est bien là et la prestation convainc, de même que celle de , dont le soprano léger manque encore un peu de projection, mais qui offre une belle sensibilité à la première aria de l'opéra, O Amore, vieni a me ! Le Creonte de en impose par ses graves et sa prestance scénique, quand réussit à se faire remarquer dans le petit rôle de Capitaine de la garde. Maria Knihnytska et Anastasiia Sagaidak complètent bien la distribution, séparé du Coro del Teatro di San Carlo, qui parvient à faire vivre toutes ses scènes, surtout lorsqu'il doit chanter en plein milieu du parterre, ici guidé par le chef de chœur intégré parmi eux.

À l'Ouverture de l'opéra, on note comme nous l'avions déjà remarqué il y a quelques années les nettes améliorations de l'orchestre, bien supérieur qu'une décennie plus tôt. Si les sonorités sont parfois encore un peu aigres ou légères, tout est en place, certains soli (dont le basson précité) sont superbes, et l'Introduzione de l'Acte III devient sous la direction échauffée de l'un des meilleurs moments de la soirée.

Pour imager la tragédie, propose une mise en scène sage, loin de l'impact de la Médée de Warlikowski, l'un des plus grands spectacles jamais vus. À Naples, le metteur en scène italien ne cherche pas à provoquer, mais prend appui sur le film Melancholia de Lars von Trier. Par cette proposition, il met la focale sur Glauce, qui se met dans le rôle de Kirsten Dunst dès le début de l'opéra, soit celui de la mariée qui sent venir un mauvais présage. Le décor reprend le Château suédois de Tjolöholm et ses jardins, avant que la mer ne s'impose par les vidéos projetées sur une grande toile de fond. Comme dans le film, mais ici avec notre lune plutôt qu'une planète, l'astre trône et grossit, voire se dédouble à mesure qu'avance le drame, aussi beau que la lune périgéenne observée en vrai dans un ciel sans nuage l'avant-veille à Naples.

Passée cette idée, Martone reste sur une proposition et une dramaturgie classiques qui, à en croire les applaudissements fournis aux saluts, plait au public napolitain, en se servant aussi beaucoup de l'avant-scène et du parterre, où les chanteurs et le chœur se retrouvent souvent. Lors d'un de ses airs, y implique avec force les spectateurs, en les prenant à parti pour tenter de leur faire partager ses tourments. Comme dans le film et dans le drame grec, la mort s'impose à la fin, où la dernière image reprend le cataclysme des astres, et où de gigantesques vagues engloutissent tous les protagonistes.

Crédits photographiques : © Teatro di San Carlo di Napoli

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Naples. Teatro di San Carlo. 6-XII-2025. Luigi Cherubini (1760-1842) : Medea, tragédie en 3 actes sur un livret de François-Benoît Hoffman ; version italienne de Carlo Zangarini. Mise en scène : Mario Martone. Décors : Carmine Guarino. Costumes : Daniela Ciancio. Lumières : Pasquale Mari. Vidéos : Alessandro Papa. Chorégraphie : Daniela Schiavone. Avec : Sondra Radvanovsky, Medea ; Francesco Demuro, Giasone ; Giorgi Manoshvili, Creonte ; Désirée Giove, Glauce ; Anita Rachvelishvili, Neris ; Giacomo Mercaldo, Un Capitaine de la garde du Roi ; Maria Knihnytska, Anastasiia Sagaidak, Servantes de Glauce. Coro del Teatro di San Carlo (Chef de Chœur : Fabrizio Cassi). Orchestra del Teatro di San Carlo, direction musicale : Riccardo Frizza

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