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Médée et Jason à Montpellier : une fantaisie baroque réjouissante

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Montpellier. Opéra-Comédie. 19-VII-2023. Médée et Jason. Musiques de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Joseph-François Salomon (1649-1732), Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Jean Féry Rebel (1666-1747), Jean-Philippe Rameau (1683-1764), André Cardinal Destouches (1672-1749), Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772), Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), Marin Marais (1656-1728), Antoine Dauvergne (1713-1797), André Campra (1660-1744) … Lucile Richardot, Flannan Obé, Ingrid Perruche, Matthieu Lécroart, Eugénie Lefebvre, Pierre Lebon. Ensemble Les Surprises. Louis-Noël Bestion de Camboulas, clavecin et directon. Pierre Lebon, mise en scène, scénographie et costumes

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Entre théâtre et spectacle musical, l' transforme le mythe sanglant de Médée en une joyeuse parodie au festival Radio-France Occitanie Montpellier.

La parodie d'opéra était pratique courante à l'époque baroque: tout ouvrage lyrique à succès offrait prétexte à des spectacles de rue ou de foire, où des troupes de théâtre ambulant raillaient les grands mythes des tragédies. « Les parodies d'opéra des XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles préfigurent ce qui deviendra plus tard l'opérette », nous apprend , le directeur artistique de cette production. Le défi est ici de faire rire avec l'histoire la plus tragique et la plus sanglante de la mythologie : celle de Médée et de Jason. Petit rappel historique : après la conquête de la Toison d'or par Jason aidé par les pouvoirs surnaturels de son amoureuse Médée, le couple se réfugie à Corinthe à la cour du roi Créon qui fomente le projet de marier Jason à sa fille Créuse. Bien sûr, Médée la magicienne va déchaîner sa fureur jalouse contre tous, enchaînant les assassinats jusqu'au double infanticide de ses propres enfants. Ici, Jason est un héros faible et ridicule, Créon un vieillard cacochyme et Médée une harpie aux accents faubouriens. Ce spectacle tragi-comique, qui mêle extraits d'opéra, airs populaires et texte du théâtre de tréteaux, nous invite à la rencontre du sublime et du comique.

Au centre de la scène, une construction de planches branlantes évoque le mythique bateau des Argonautes, gréé de voiles maculées de sang qui donnent le ton du drame. Côté cour, les neuf musiciens de l' déguisés en marins font partie du spectacle, et n'hésitent pas à joindre leurs voix à celles du chœur tout en jouant leurs instruments. Pour sa fresque musicale, , qui dirige du clavecin, a convoqué et le méconnu Joseph-François Salomon, tous deux compositeurs d'un opéra consacré à Médée, mais aussi Lully, Rameau, Rebel, Campra et beaucoup d'autres compositeurs du début du XVIIIᵉ siècle, avec des emprunts inattendus allant jusqu'au Sacre du printemps ! La compilation fait alterner airs d'opéra et vaudevilles, et laisse place à une part très importante de textes parlés, comme dans l'opérette. Sans oublier les danses (les danseurs se font aussi chanteurs par moments), indissociables de l'opéra français. Le tout dans un enchaînement impeccable et une énergie qui ne retombe jamais.


Jason, en héros ridicule et volage, est incarné par le comédien-chanteur , venu du théâtre, qui passe avec aisance du parlé au chant. Puis arrive Créon, sur un air de tango : c'est le baryton , irrésistible de drôlerie, qui domine la distribution de ses talents comiques. La soprano Ingrid Perruche campe une Créuse très touchante. Eugénie Lefebvre est impayable dans le double rôle comique des confidentes Cléone et Nérine ; elle nous offre un bel air de déploration à la mort de Jason (« Mes yeux, fermez-vous à jamais« ). Et sur une musique d'orage (tirée des Eléments de J.F. Rebel) apparaît Médée en costume de toréador pour son premier grand air, le célèbre « Noires filles du Styx » de l'opéra de Charpentier. Plus sorcière que jamais, la Médée de passe de la déclamation d'un texte de Corneille à des scènes de harengère avec la présence scénique qu'on lui connait. Mais celle qui nous a tellement fait vibrer dans son programme des « Magiciennes baroques » mériterait d'être un jour sur scène la Médée de Charpentier « pour de vrai ». La mort de Jason est suivie d'un beau chœur de déploration avec toute la troupe, avant que le ton de la comédie ne reprenne le dessus pour un final rythmé par des danses parodiques. La mise en scène et la scénographie sont dûes à , qui tient aussi avec maestria le rôle parlé et chanté d'Arcas. Un mélange des genres très réussi pour un pastiche plein de fraîcheur en forme de comédie musicale avant l'heure.

Crédits photographiques : © Christian Glaenzer – Marc Ginot

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Montpellier. Opéra-Comédie. 19-VII-2023. Médée et Jason. Musiques de Marc-Antoine Charpentier (1643-1704), Joseph-François Salomon (1649-1732), Jean-Baptiste Lully (1632-1687), Jean Féry Rebel (1666-1747), Jean-Philippe Rameau (1683-1764), André Cardinal Destouches (1672-1749), Jean-Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772), Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), Marin Marais (1656-1728), Antoine Dauvergne (1713-1797), André Campra (1660-1744) … Lucile Richardot, Flannan Obé, Ingrid Perruche, Matthieu Lécroart, Eugénie Lefebvre, Pierre Lebon. Ensemble Les Surprises. Louis-Noël Bestion de Camboulas, clavecin et directon. Pierre Lebon, mise en scène, scénographie et costumes

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