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Castorf : sans Faust à Stuttgart

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Stuttgart. Opernhaus. 30-X-2016. Charles Gounod (1818-1893) : Faust, opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré. Mise en scène : Frank Castorf ; décors : Aleksandar Denić ; costumes : Adriana Braga Peretzki ; lumières : Lothar Baumgarte ; régie vidéo : Martin Andersson. Avec : Atalla Ayan (Faust) ; Adam Palka (Méphistophélès) ; Gezim Myshketa (Valentin) ; Michael Nagl (Wagner) ; Mandy Fredrich (Marguerite) ; Josy Santos (Siébel) ; Iris Vermillion (Marthe) ; Tobias Dusche et Daniel Keller (cameramen). Staatsopernchor Stuttgart : direction : Johannes Knecht. Staatsorchester Stuttgart : direction : Marc Soustrot.

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Dynamiteur en chef, politise Faust : critique du capitalisme, du consumérisme et du colonialisme, sa partition scénique ultra virtuose servie par une belle distribution oublie cependant parfois les fondamentaux de Gounod.

Récemment récompensé du titre d'Opéra de l'année – décerné par la revue Opernwelt –, Stuttgart ouvrait véritablement sa saison avec une première Première attendue. Directeur de la Volksbühne, qui avait mis le landernau wagnérien en émoi avec sa Tétralogie iconoclaste à Bayreuth, s'attaquait au Faust de Gounod, installant l'action dans un Paris en miniature imaginé par son complice Aleksandar Denić qui a conçu un éblouissant décor tournant avec café très typé et typique, tour de Notre-Dame, chambre de bonne version La Bohème, cabine téléphonique PTT ou encore station de métro.

Se plaçant sous le signe de l'ironique Démocratie de Rimbaud – qu'il ajoute au livret – le metteur en scène métamorphose cet extrait des Illuminations (brocardant le colonialisme et l'écrasement de la Commune) en matériau scénique. Ce qui l'intéresse est de montrer comment, au fil des âges, la République – française en l'occurrence – proclame cyniquement des valeurs héritées de 1789 pour les piétiner allégrement dans les faits. De la Commune aux campements de fortune des migrants, voilà l'Histoire passée à la moulinette : un régiment de légionnaires balance Gloire immortelle de nos aïeux en direct des djebels, des têtes de fellaghas fraîchement coupées à la main, un homme badigeonne « L'Algérie est française » sur la faïence du métro Stalingrad (on appréciera le rapprochement), des affiches à demi arrachées de la Légion des Volontaires Français contre le bolchévisme ornent les murs…

À cette charge contre le colonialisme, s'ajoute une critique au vitriol de la consommation (avec un très beau jeu graphique sur le logo de Coca-Cola) et du capitalisme – les trois “c” castorfiens – on comprend que le metteur en scène déplore la dépolitisation de l'homme contemporain devenu unidimensionnel. Message classique assené ici avec une extrême virtuosité, même si le propos se dilue dans une action multifocale sur-référencée – à trop embrasser on risque de mal étreindre – qui en viendrait à faire oublier l'histoire d'amour tragique de Gounod qui réinterprétait déjà la fable métaphysique de Goethe. Péché véniel pour le public qui fait un triomphe à cette vision… ce qui ne semble guère ravir un Castorf bougon qui s'éclipse rapidement lors des saluts. Espérait-il secrètement susciter la controverse ?

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Reste que la mise en scène est millimétrée avec vidéos en direct projetées sur grand écran où les visages des chanteurs (extraordinaires acteurs dirigés par un metteur en scène venu du théâtre avec une précision chirurgicale) apparaissent en gros plan.

À tout seigneur – des ténèbres – tout honneur : est un Méphistophélès de haute volée, yeux grimaçants, tatoué de partout, master-vodou inquiétant, diction élégante et timbre éclatant qui impose une présence à la scène impressionnante, formant un beau couple avec , Faust impeccable aux couleurs chatoyantes. Pour sa part, incarne une Marguerite qui effeuille les vastes possibilités de sa voix  avec une belle délicatesse… Autre coup de cœur, la Marthe d' à la maîtrise technique affirmée, même si la prononciation du français de la mezzo allemande ne nous a pas toujours convaincus, un reproche qui pourrait englober presque toute la distribution. Mais n'est-on pas trop exigeant devant une troupe internationale sans aucun chanteur français ?

La french touch, on la trouve à la baguette : avec l'expérimenté , le est en de bonnes mains, tant le chef français semble se couler dans les différents climats de l'œuvre avec aisance, précision et inspiration.

Crédit photographique : © Thomas Aurin

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Stuttgart. Opernhaus. 30-X-2016. Charles Gounod (1818-1893) : Faust, opéra en cinq actes sur un livret de Jules Barbier et Michel Carré. Mise en scène : Frank Castorf ; décors : Aleksandar Denić ; costumes : Adriana Braga Peretzki ; lumières : Lothar Baumgarte ; régie vidéo : Martin Andersson. Avec : Atalla Ayan (Faust) ; Adam Palka (Méphistophélès) ; Gezim Myshketa (Valentin) ; Michael Nagl (Wagner) ; Mandy Fredrich (Marguerite) ; Josy Santos (Siébel) ; Iris Vermillion (Marthe) ; Tobias Dusche et Daniel Keller (cameramen). Staatsopernchor Stuttgart : direction : Johannes Knecht. Staatsorchester Stuttgart : direction : Marc Soustrot.

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