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James Feddeck révèle la Symphonie en fa mineur de Georg Schumann

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Georg Schumann (1866-1952) : Symphonie en fa mineur op. 42 ; Ouverture pour un drame op. 45 ; Ouverture Lebensfreude op. 54. Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, direction : James Feddeck. 1 CD CPO. Enregistré en la salle 1 de la R.B.B. (Berlin), en juin 2016. Textes de présentation en allemand et anglais. Durée : 78:51

 
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georg schumannCPO frappe de nouveau un grand coup avec la révélation (le mot n'est pas trop fort) de la Symphonie en fa mineur du compositeur post-romantique saxon par le talentueux James Feddek, qui signe ici son premier enregistrement.

Cet album, quatrième d'une série que le label d'Osnabrück consacre à ce maître oublié, est généreusement complété par deux ouvertures symphoniques dignes d'intérêt. Le tout est proposé dans des conditions de captation et d'interprétation idéales.

(1866-1952), en dehors de ses origines saxonnes, n'a aucun point commun et aucun lien de parenté avec son illustre devancier homonyme Robert. Né à Koenigstein au sein d'une famille de musiciens chevronnés (outre ses père et grand-père, trois de ses frères firent également d'honorables carrières), il doit l'essentiel de sa formation au conservatoire de Leipzig, lors d'études placées sous la houlette de son mentor Reinecke. Dès ses vingt ans, il compose coup sur coup deux symphonies, l'une en la majeur, comme épreuve terminale de son cursus à Leipzig (a priori toujours inédite à ce jour), et une autre en si mineur, primée à Berlin parmi des dizaines d'autres envois, et déjà enregistrée par CPO dans le cadre de cette série. Néanmoins, il attendit près de vingt ans avant de revenir au genre, avec l'œuvre qui nous intéresse aujourd'hui. Fêté au sein de différentes institutions officielles (Sing-Akademie de Berlin, Académie prussienne des Arts), et sans doute nostalgique d'un passé musical définitivement perdu, il délaissa peu à peu la composition après la fin de la Grande Guerre.

À vrai dire, cette symphonie en fa mineur (1905) ne doit plus rien à Reinecke ; toujours très ancrée dans le système tonal, mais avec d'énormes tensions harmoniques et une certaine grandiloquence dans sa volonté de puissance, directement héritées du chromatisme wagnérien, elle est sans doute plus une œuvre de synthèse mature qu'un chemin prospectif vers d'aventureux horizons musicaux. On peut songer par moment à ce qu'un Elgar égaré en territoire germanique aurait pu produire ; l'Adagio con moto avec sa solennité presque processionnelle et son choral de cuivres fait songer à Bruckner, mais un Bruckner tombé ici-bas, et affolé par la perte de toute innocence religieuse. Par ailleurs, la perspective presque programmatique, avec ces motifs cycliques très incisifs (par exemple les sauts d'octaves initiaux ou le thème liminaire sans cesse métamorphosé au fil de l'œuvre) évoque aussi les premières grandes œuvres symphoniques de Richard Strauss, il est vrai largement antérieures (dont la méconnue Symphonie op. 12, elle aussi en fa mineur !). L'énergie ravageuse et la science de l'architecture doublée d'un réel souffle épique emportent l'adhésion de tout auditeur sensible à cette esthétique germanique très fin-de-siècle.

L'Ouverture pour un drame (1906) rejoint la lignée des œuvres tragiques destinée au concert sans référence littéraire ou théâtrale précise, conçues outre-Rhin à la même époque, depuis l'Ouverture tragique de Brahms jusqu'au Prologue symphonique pour une tragédie de Reger avec, ici, en guise de clin d'œil appuyé à Wagner, un second groupe thématique très tristanesque. L'ouverture Lebensfreude (1911) est sans doute plus convenue, comme si la perspective d'une certaine joie de l'existence brisait les ailes de l'inspiration à un tempérament délibérément plus sombre, mais peut-être y a-t-il livré l'équivalent berlinois du Cockaigne elgarien?

Pour défendre un tel programme, et de telles œuvres jadis créées par Felix Weingartner ou Arthur Nikisch, CPO a mis les bouchées doubles, bénéficiant comme souvent du large réseau d'excellents orchestres de radio allemands. Ici, le prestigieux (actuelle appellation du RIAS-Orchester d'autrefois, façonné après guerre par Ferenc Fricsay) apporte une réelle et opulente magnificence instrumentale à ces pages. Il est admirablement conduit par le très prometteur chef américain , un des lauréats du Solti Conducting Award aux U.S.A., ancien assistant de Franz Welser-Möst à Cleveland, et déjà très remarqué pour ses interprétations brucknériennes à la tête de divers orchestres prestigieux. Pour son tout premier disque, il apporte sa vision interprétative aux œuvres de Georg Schumann, remarquable tant par la conduite architecturale et dramatique que par un sens aigu de l'étagement des plans sonores et du dosage des effets. On notera aussi le soin apporté à la réalisation des nombreuses transitions plus chambristes d'esprit, laissant à chaque pupitre le loisir de s'exprimer idéalement, en total contraste avec les tutti les plus massifs.

Bref, ce très grand disque de musique symphonique post-romantique allemande révèle, outre des partitions superbes et méconnues, le nom d'un chef d'orchestre incontestablement à suivre.

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Georg Schumann (1866-1952) : Symphonie en fa mineur op. 42 ; Ouverture pour un drame op. 45 ; Ouverture Lebensfreude op. 54. Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, direction : James Feddeck. 1 CD CPO. Enregistré en la salle 1 de la R.B.B. (Berlin), en juin 2016. Textes de présentation en allemand et anglais. Durée : 78:51

 
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