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Judith par Katie Mitchell, thriller ou film catastrophe ?

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Munich. Nationaltheater. 16-II-2020. Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour orchestre ; Le Château de Barbe-Bleue, opéra en un acte sur un livret de Béla Balázs. Mise en scène : Katie Mitchell ; décor : Alex Eales ; costumes : Sussie Juhlin-Wallén ; réalisation du film : Grant Gee. Avec John Lundgren (Barbe-Bleue) et Nina Stemme (Judith). Orchestre national de Bavière ; direction : Oksana Lyniv

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Bartók en musique de fond souffre de la direction emphatique d'.

Judith_2020_KHP_c_W_Hoesl__96_Judith, un thriller lyrique. Telle est l'affiche du spectacle que propose l'Opéra de Bavière en ce mois de février : c'est Le château de Barbe-Bleue, précédé du Concerto pour orchestre, qui se cache derrière ce titre qui entend visiblement mettre en avant la dimension féministe du propos. Des victimes, un bourreau, une enquêtrice fatiguée, voilà bien l'intrigue d'un thriller ; mais voilà, il manque ici un ingrédient essentiel du thriller : la tension. Pendant le Concerto pour orchestre, les agissements de Barbe-Bleue () pisté par l'enquêtrice Anna () dans une grande ville déshumanisée sont montrés par la voie d'un film, et le problème commence là : tous les clichés du cinéma d'art et d'essai sont là, mais pas la rigueur d'un cinéaste. Le maniérisme de ce qu'on voit est d'autant plus pénible que les points de contact avec la musique sont très limités : le même film ne fonctionnerait pas plus mal sur Stravinsky, Ligeti ou Messiaen.

L'écran disparaît ensuite, le rideau s'ouvre, et l'opéra commence, privé de son prologue parlé – c'est toujours une erreur. Anna s'est laissée capturer par Barbe-Bleue, qui la rebaptise Judith et l'affuble d'une perruque blonde, mais elle ne se laisse pas droguer par lui : tout l'opéra décrit leur confrontation, jusqu'à ce qu'elle pointe un revolver sur lui et délivre ses trois captives. Les deux personnages face à face avancent progressivement de pièce en pièce : le décor se déplace pour révéler à chaque fois une nouvelle pièce, censément en adéquation avec ce que décrit le livret. Le procédé est répétitif, le décor multiple et sans doute fort coûteux ne crée pas plus d'atmosphère que de progression réelle. décrit son travail comme une relecture féministe de l'opéra ; on voit difficilement comment il serait possible aujourd'hui de le monter autrement qu'avec un regard féministe, et plus encore en quoi cette perspective féministe est visible dans le spectacle. La modernité de est toute entière là : une forme de kitsch contemporain sur papier glacé, qui produit de belles photos mais fort peu de théâtre.

Ce qui rend la soirée particulièrement interminable malgré sa courte durée (1 h 35 pour des places allant jusqu'à 163 €) est qu'elle ne livre guère de satisfactions musicales pour une œuvre que le concert nous permet d'entendre si souvent par les plus grands interprètes. et n'y sont pas pour grand-chose : face au volume sonore produit par l'orchestre et face à une cheffe qui ne semble jamais penser à eux, ils sont réduits à forcer presque constamment, la première incapable d'articuler le texte dans ces conditions. , aujourd'hui directrice musicale du théâtre de Graz, a été pendant quatre ans l'assistante de Kirill Petrenko à Munich, et ce spectacle est la première nouvelle production qu'elle dirige au Nationaltheater : qu'en a-t-elle retenu ? Rarement on aura ressenti dans cette salle une pareille discordance entre les qualités éminentes de l'orchestre et une direction aussi pesante et superficielle. Son seul mérite, si on peut dire, ce serait d'être aussi prosaïque que le thriller raté proposé par la scène.

Crédit photographique © Wilfried Hösl

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