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Lambert Wilson et Konstantin Krimmel à Strasbourg pour une soirée romantique et gothique

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Strasbourg. Opéra National du Rhin. 29-I-2022. Carl Loewe (1796-1869) : Tom der Reimer, Herr Oluf, Erlkönig, Odins Meeresritt. Franz Schubert (1797-1828) : Der Zwerg, Totensgräbers Heimweh. Robert Schumann (1810-1856) : Belsatzar, L’enfant de la lande, Die beiden Grenadieren. Franz Liszt (1811-1886) : Le triste moine, Lenore. Konstantin Krimmel, baryton ; Ammiel Bushakevitz, piano ; Lambert Wilson, récitant

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L'engouement du mouvement romantique allemand pour un Moyen Âge fantasmé, idéalisé et exalté a laissé des traces toujours visibles à Strasbourg, et c'est une excellente idée d'avoir voulu creuser cette partie du répertoire des lieder dans cette ville-symbole. 

Trois catégories d'interventions vocales et musicales rythment la soirée dans une alternance bien mesurée. Des Lieder, certes, dans le genre bien typé de la ballade, avec des pièces de Loewe, Schumann, et Schubert, que l'on peut trouver presque toutes dans l'excellent disque Saga de chroniqué dans nos pages. Deuxième catégorie : des lectures courtes mais variées faites par . Une de Goethe sur le sens de la ballade, une de Gérard de Nerval sur le romantisme allemand (dont il était sans doute un des meilleurs traducteurs) et une de Madame de Staël sur l'esthétique allemande telle qu'elle pouvait la percevoir en 1810. La troisième catégorie consiste en des « mélodrames », un de Schumann et deux de Liszt, c'est-à-dire des narrations parlées – assumées par – avec un accompagnement de piano, genre qui est plutôt rare dans nos salles de concert. Les textes allemands sont déclamés en français, pour faciliter une compréhension immédiate par le public. L'ensemble forme un tout très cohérent, sans pédagogisme, sans rupture de tension ni d'intérêt, et réussit à ramener ce « gothique noir » à ses racines existentielles qui vibrent encore en nous, tout en valorisant la poésie puissante de ces fresques musicales fantastiques.

est, à 28 ans, un baryton absolument charmant. Son beau timbre boisé et sombre se conjugue avec une réelle agilité, surtout dans le médium et le registre aigu, ce qui lui permet de développer des phrasés admirables et d'un goût parfait, façon Kavalier-baryton viennois. L'apparition de la Reine des Elfes dans Tom der Reimer, avec le soutien scintillant du piano d', est un moment de magie pure. Son pouvoir de coloration du timbre est réel, et il en fait un usage discret et efficace dans l'excellent Erlkönig de Loewe. Son élocution est excellente, et il porte les mots dans tout l'éclat de leur sens. Mais il peut aussi prendre du volume et de la noirceur, portant ainsi le Belsatzar et Die beiden Grenadieren à une dimension épique et tragique réellement impressionnante.

Il parait inutile de préciser que sait lire des textes avec simplicité et esprit. Mais déclamer un mélodrame traduit avec un piano aux trousses n'est pas forcément chose facile : il faut s'accommoder de ce compagnon-là pour créer les climats, les miroitements de l'âme et la progression du drame et laisser à chacun sa part du travail. Le moins qu'on puisse dire est que Lambert Wilson et se sont bien écoutés et bien entendus, et que leur interprétation produit un effet dramatique ébouriffant à chacune des trois ballades en mélodrame. Exercice difficile, risqué, mais très réussi.

Triomphe, donc pour nos trois artistes. Mais après tant de morceaux dramatiques à donner le frisson, quel bis donner ? Tristesse de Fauré, chanté en alternant les strophes et par Krimmel et par Wilson, achève la démonstration de leurs talents. use encore une fois de sa sensibilité raffinée, alors que nous fait presque oublier qu'il est allemand, et Lambert Wilson qu'il est avant tout un acteur.

Crédit photographique : © Marlene Ulrich, Anthony Fabian, Kirsten Nijhof / ONR

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Strasbourg. Opéra National du Rhin. 29-I-2022. Carl Loewe (1796-1869) : Tom der Reimer, Herr Oluf, Erlkönig, Odins Meeresritt. Franz Schubert (1797-1828) : Der Zwerg, Totensgräbers Heimweh. Robert Schumann (1810-1856) : Belsatzar, L’enfant de la lande, Die beiden Grenadieren. Franz Liszt (1811-1886) : Le triste moine, Lenore. Konstantin Krimmel, baryton ; Ammiel Bushakevitz, piano ; Lambert Wilson, récitant

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