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Triple Walkyrie à l’Opéra de Stuttgart

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Stuttgart. Opernhaus. 29-IV-2022. Richard Wagner (1813-1883) : Die Walküre, opéra en trois actes. Mise en scène, décor, costumes, lumières : Hotel Modern (acte I) ; Mise en scène, décor, lumières : Urs Schönebaum ; costumes : Yashi (acte II) ; mise en scène, décor, costumes : Ulla von Brandenburg. Avec : Michael König (Siegmund) ; Simone Schneider (Sieglinde) ; Goran Jurić (Hunding) ; Okka von der Damerau (Brünnhilde) ; Brian Mulligan (Wotan) ; Annika Schlicht (Fricka) ; Esther Dierkes, Clare Tunney, Leia Lensing, Stine Marie Fischer, Catriona Smith, Linsey Coppens, Anna Werle, Maria Theresa Ullrich (Walkyries). Staatsorchester Stuttgart ; direction : Cornelius Meister

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Trois metteurs en scène pour un spectacle qui mérite une palme d'originalité à défaut de réussir pleinement son pari.

Le Ring précédent de l'Opéra de Stuttgart confiait les quatre opéras à des équipes chaque fois différentes ; cette fois, le pari de la diffraction va plus loin encore, puisque chacun des actes de La Walkyrie a son propre metteur en scène, le seul point commun étant que celui-ci prend en charge tous les aspects de son art, y compris les aspects visuels. Pour l'acte I, c'est le collectif néerlandais qui est à l'œuvre. En bord de scène, des décors miniatures ; au centre, l'esquisse du tronc de l'arbre autour duquel est bâtie la maison de Hunding ; en fond de scène, un écran projette les images filmées dans ces décors. Au début de rideau, un sympathique rat parcourt des ruines, façon Allemagne année zéro, un cadre très adéquat pour décrire le monde dévasté dans lequel se débattent les personnages – qui arrivent chacun avec une tête de rat qu'ils déposent rapidement. Cette mise en contexte est bienvenue ; elle ne parvient cependant pas à prendre en charge tout le contenu de cet acte, et l'écran fait souvent oublier les protagonistes, réduits à une direction d'acteurs moins forte que les images filmées. Peut-être certains des germes interprétatifs présentés ici auraient-ils pu germer dans une mise en scène complète, mais la suite est en terrain stérile.

L'acte II, comme d'ailleurs l'acte III, partage avec le précédent cette banalité de la direction d'acteurs. Hélas, il ne la compense pas. , fréquent collaborateur de Robert Wilson ou de La Fura dels Baus, propose un travail qu'on croirait tout droit sorti des années 1980, versant sombre, comme s'il s'agissait de sortir de l'abstraction à la Wieland Wagner sans y parvenir vraiment. Certains y ont vu une distance parodique, mais on peine à y voir le moindre humour ; les seuls détails pertinents sont les moments de réminiscence où les Wälsungen revivent leur enfance et ses traumatismes : cela ne suffit pas pour un acte dont l'enjeu est tout autre.

Le contraste avec l'acte suivant ne pourrait donc être plus grand. La plasticienne travaille avec des couleurs vives en larges zones qui peuvent faire penser aux papiers découpés de Matisse. Le décor est donc constitué de bandes ondoyantes de couleurs vives, les costumes au contraire de bandes verticales et rectilignes. L'effort de théâtre pour la scène des Walkyries est louable : elles nous paraissent ainsi beaucoup plus proches, beaucoup plus humaines, beaucoup plus individualisées aussi (et l'octuor réuni par l'Opéra de Stuttgart est remarquable de ce point de vue, avec de vraies personnalités).

La distribution est hélas grevée par le Wotan désastreux de , peu à l'aise avec l'allemand, au timbre étriqué, aux efforts de caractérisation inexistants, et qui plus est d'une insigne maladresse scénique. C'est désolant pour la scène avec Fricka, l'admirable : avec une telle composition scénique, une telle présence vocale, un tel travail du texte et des nuances, plus personne ne pourra mettre cette scène au nombre des tunnels d'ennui que certains trouvent dans le Ring. La Sieglinde de est au même niveau ; certes, on aimerait peut-être une voix un peu plus juvénile (ce n'est pas une question d'âge, mais de couleur et d'élan), mais son sens de la rhétorique wagnérienne, mots et notes, suscitent une émotion croissante – ses interventions du deuxième acte sont les sommets musicaux de la soirée.

n'est pas tout à fait sur les mêmes sommets, mais son Siegmund est solide et nuancé, c'est déjà beaucoup. , pour ses débuts en Brünnhilde, se montre à la hauteur de la partition, jamais couverte par l'orchestre, jamais fatiguée, avec un timbre liquide et lumineux. Ce qui manque encore, si on est vraiment très exigeant ? Une incarnation.

La direction de fonctionne un peu comme la mise en scène, acte par acte. L'acte I vaut surtout par les couleurs orchestrales franches et contrastées, mais la lenteur constante de la direction est au détriment du drame, si bien qu'on finit malgré le chant par s'ennuyer assez nettement. L'acte II est le plus réussi, parce qu'il prend la peine d'individualiser beaucoup plus nettement les différents moments qui le constituent, et l'orchestre devient alors l'écrin idéal d'un moment aussi fort que le rêve de Sieglinde. L'acte III, hélas, est l'inverse exact du I : Meister y met une nervosité constante qui n'est pas au service de l'émotion – il y a suffisamment d'angoisse et de décibels dans la partition pour qu'il ne soit pas nécessaire d'en rajouter. Dans l'ensemble cependant, cette Walkyrie vaut bien mieux, du point de vue musical, qu'un Or du Rhin apathique ; du point de vue scénique, l'originalité est encore plus grande ici que dans le prologue mis en scène par Stefan Kimmig, mais la réussite est nettement moins grande. La suite, de ce point de vue, est au moins en terrain connu : le Siegfried de ce Ring composite est celui-là même que Jossi Wieler avait signé il y a deux décennies pour le précédent Ring stuttgartois.

Crédit photographique : © Martin Sigmund

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