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À Beaune, le Jules César de Paul-Antoine Bénos-Djian

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Beaune. Cour des Hospices. 29-VII-2022. Georg Friedrich Haendel (1685-1759) : Jules César. Opéra en 3 actes sur un livret adapté de Giacomo Francesco Bussani par Nicola Francesco Haym. Avec : Paul-Antoine Bénos-Djian, contre-ténor (Giulio Cesare) ; Mari Eriksmoen, soprano (Cleopatra) ; Ariana Venditelli, soprano (Sextus) ; Delphine Galou, contralto (Cornelia) ; Filippo Mineccia, contre-ténor (Tolomeo) ; Riccardo Novaro, baryton (Achilla). Accademia Bizantina, direction musicale : Ottavio Dantone

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Le bel été de , entamé à Aix-en-Provence, se poursuit à Beaune. Après son Othon avec Alarcón, son Jules César avec Dantone marque déjà les mémoires.

Dans la récente production de Damiano Michieletto, le jeune français était Nireno. A Beaune, Nireno a disparu. Mais Giulio Cesare est doublement présent. A l'opposé de toutes les représentations (de La Guerre des Gaules à Mission Cléopâtre) associées au personnage, dessine le portrait d'un César quasi-adolescent, moins friand de lauriers que de sentiments. Un César humain, de toute bonté, voilà qui surprend et l'Histoire doit capituler devant le charisme et les moyens spécifiques de l'interprète, repéré dès son Rinaldo avec Claire Dancoisne. Timbre onctueux, vocalisation précise, puissance et ambitus affiché (registre grave nourri) dès Presti omai, sérénité tranquille : il n'y a qu'à s'abandonner, au fil des trois heures de musique conservées par d'un opéra de 3h40 .

Basé sur un livret vénitien déjà mis en musique par Antonio Sartorio, Giulio Cesare, succès jamais démenti de Haendel dès sa création à Londres en 1724, est presque son Couronnement de Poppée tant y abondent les manœuvres politico-amoureuses de personnages prêts à tout : César vient d'y défaire Pompée dont la tête tranchée sert de gage d'alliance Italie/Égypte au pharaon Ptolémée, et de monnaie d'échange au sbire Achille amoureux de Cornélia, veuve de Pompée, harcelée par trois hommes, dont le fils, Sextus ne pense qu'à venger son père ; quant à Cléopâtre, elle ne tranche pas, qui veut tout à la fois le trône de Ptolémée et le cœur de César !

« Plus réussi est le méchant, plus réussi sera le film », disait Hitchcock. Giulio Cesare comporte un vrai rôle de méchant. surligne avec gourmandise et fougue virile l'ambitus de Ptolémée, dardant haut les écarts dont le rôle est truffé : indiscutablement une des meilleures prestations du italien, ici à des lieues de son élégiaque Endymion de La Calisto. Son éminence grise, l'Achille de , le seconde d'un timbre bien placé (superbe Se a me non sei crudele) et toujours intelligible. , sculpturale Cornelia à la ligne vocale impérialement conduite, que d'aucuns pourront trouver trop légère pour le rôle, n'y brille pas moins et forme avec le Sesto idéalement enflammé d' (magnifique de présence dans ce difficile rôle de vengeur à l'emporte-pièce) un émouvant tandem filial. Quant à , sa Cléopâtre, bien que par trop réfugiée dans sa partition, franchit avec bonheur toutes les étapes de la trajectoire vocale que le compositeur a tracée pour la Reine d'Égypte, enjointe à évoluer d'une relative inconsistance (Non disperar, Tutto può) à une vraie profondeur (les sublimes Se pietà et Piangerò).

Trente et un ans après la version intégrale que René Jacobs donna in loco, on ne déplore pas vraiment qu' ait cru bon de se séparer des rôles purement récitatifs de Nireno et de Curio. Il aurait cependant dû veiller à les faire disparaître aussi des surtitres, lesquels ne cessent de les mentionner, Cléopâtre se retrouvant même, au début du II, à dialoguer assez longuement avec un interlocuteur aux abonnés absents ! Une légèreté dramaturgique, même pour une version de concert, également regrettable lorsque certains solistes, après avoir crânement joué leur sortie, reviennent exprimer leur reconnaissance face aux applaudissements.

Dantone a divisé quasi de moitié l'effectif du Concerto Köln de Jacobs, dont l'enregistrement de 1991 fait toujours office de référence. Dans la Cour des Hospices, l'oreille doit s'habituer progressivement au son spartiate de l'Accademia Bizantina (on en viendrait presque à regretter le traditionnel repli dans l'amplificateur de la Basilique Notre-Dame) pour pouvoir goûter l'interprétation soignée et les moments de grâce (la harpe au début du II, le basson sur Se Pietà, l'accompagnement de Piangerò) que réserve le chef italien, qui, du clavecin, dirige son ensemble placé derrière les chanteurs. Seuls la flûte et le cor seront autorisés au premier plan. Une position bien périlleuse pour ce dernier qui doit conduire en pleine lumière le dialogue ineffable du tube Va tacito avec . L'extrême empathie et la très grande musicalité du chanteur font merveille, qui parvient à faire de ce moment tout de suspense pour le maître de l'instrument le plus indomptable de toutes les formations sur instrument d'époque ( même Pygmalion à l'Opéra Comique) un des souvenirs les plus prégnants de la soirée.

Crédits photographiques : © Festival de Beaune

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