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Trois Vitellia pour Titus à Luxembourg

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Luxembourg. Grand Auditorium de la Philharmonie. 30-XI-2022. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : La Clemenza di Tito, opera seria en deux actes sur un livret de Pietro Metastasio adapté par Caterino Mazzolà (version concert). Avec : John Osborn (ténor), Tito ; Mélissa Petit (soprano), Servilia et Vitellia ; Cecilia Bartoli (mezzo-soprano), Sesto et Vitellia ; Lea Desandre (mezzo-soprano), Annio et Vitellia ; Péter Kálmán (basse), Publio. Il Canto di Orfeo (chef de chœur : Jacopo Facchini). Les Musiciens du Prince-Monaco, direction : Gianluca Capuano

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Remplaçant au pied levé une souffrante, , et se sont toutes trois partagé le rôle de Vitellia. Soirée sauvée en dépit de certains déséquilibres en termes de cohésion dramatique. Vocalement et musicalement, le public était à la fête.


Que faire lorsqu'une chanteuse déclare forfait en milieu de journée, et qu'aucune remplaçante ne se trouve à proximité ? De manière à éviter l'inéluctable annulation, les trois autres chanteuses programmées pour cette production se sont fort aimablement proposé de remplacer leur collègue, en se partageant habilement et intelligemment la partition. À revient le duo du premier acte « Come ti piace imponi », à l'aria « Deh, se piacer mi vuoi » et à le sublime rondo « Non più di fiori » accompagné de sa partie de cor de basset. Le port d'une écharpe rose permet pour chacune de ses apparitions d'identifier le personnage, précaution particulièrement utile pour le finale du premier acte au cours duquel, en fonction des allées et venues des différents protagonistes, Bartoli et Desandre alternent l'une et l'autre dans les deux rôles qu'elles sont chargées d'interpréter. Si l'on ne peut bien sûr qu'être reconnaissant envers nos trois interprètes, qui ont permis de sauver la soirée, admettons que le procédé n'a pas contribué à clarifier une action déjà passablement compliquée, et que le choix de la version de concert ne faisait que rendre plus obscure encore. Le manque de vraisemblance lié à ces conditions de restitution était d'ailleurs accentué par la sortie systématique des personnages auxquels l'aria chantée sur scène était censée être adressée. Heureusement les surtitres bilingues projetés sur un grand écran, illustré de gravures dépeignant la Rome antique, permettent au public de suivre l'action. Plus gênant, aucune des trois chanteuses ne possède véritablement les moyens de Vitellia. Le soprano relativement léger de ne dispose de l'abattage vocal nécessaire pour incarner la redoutable intrigante et , pourtant mezzo-soprano, n'en a pas les graves. Pour la délicieuse , ce serait plutôt une question de tempérament, la délicatesse et la grâce naturelles de la chanteuse s'accommodant mal des machinations d'un telle manipulatrice. Il n'y avait donc pas de Vitellia ce soir sur le plateau !

Cette réserve de taille étant exprimée, tous les éléments sont réunis pour faire de ce concert un moment mémorable, y compris cette performance. Dans le noble rôle de Publio, incarnation de la rigueur romaine, fait valoir une solide voix de baryton-basse, bien placée et admirablement conduite sur toute l'étendue de la tessiture. Si Mélissa Petit n'a pas encore les moyens de Vitellia, elle est en revanche une très belle Servilia au timbre rond et fruité, capable des plus exquises nuances. , quant à lui, affiche un organe d'une rare puissance, disposant d'un timbre légèrement barytonant et d'aigus éclatants. Il peut également s'enorgueillir de réelles facilités dans la vocalise et dans le chant orné, lesquelles auront fait de l'air « Se all'impero, amici Dei » un des grands moments de la soirée. Depuis bientôt trente ans qu'elle interprète le personnage de Sesto, Cecilia Bartoli n'était pas vraiment une surprise, et l'on s'en voudrait presque de ne pas succomber à chaque instant devant cette technique éblouissante, cette vocalisation ébouriffante, ces pianissimi impalpables et cette palette de nuances qui conserve sa capacité à suspendre le temps. Devant un chant aussi subtil et aussi raffiné, qui pourrait parfois paraître à la limite de l'artificiel, on serait presque tenté de préférer la simplicité et le naturel de Lea Desandre, tout simplement craquante en Annio dont elle possède la dignité dramatique et la droiture vocale. Délicieusement timbrée, parfaitement placée dans cette tessiture ambiguë de mezzo-soprano, la voix est ronde, fraîche et agile, idéalement homogène sur toute son étendue. Quel Sesto fera-t-elle dans quelques années ! Disposant d'un effectif relativement fourni, dirigés par proposent une lecture vive et énergique de la musique de Mozart, dont les temps fort dramatiques sont particulièrement mis en avant. Toujours à l'écoute des chanteurs, avec des ralentissements parfois quelque peu exacerbés, l'orchestre sait aussi prendre son autonomie pour insuffler son dynamisme à une partition dont les accents préromantiques auront rarement été rendus de manière aussi évidente par des instruments anciens. Les soli instrumentaux (clarinette et cor de basset) sont mis en avant, leur interprète n'hésitant pas à se placer sur le devant de la scène. Signalons enfin la qualité du chœur Il Canto di Orfeo, dont les diverses interventions auront illuminé une belle soirée vocale, qui restera dans de nombreuses mémoires en dépit des quelques perturbations qui auront un peu nui à sa crédibilité dramatique.

Crédit photographique : © Philharmonie Luxembourg / Sébastien Grébille

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Luxembourg. Grand Auditorium de la Philharmonie. 30-XI-2022. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : La Clemenza di Tito, opera seria en deux actes sur un livret de Pietro Metastasio adapté par Caterino Mazzolà (version concert). Avec : John Osborn (ténor), Tito ; Mélissa Petit (soprano), Servilia et Vitellia ; Cecilia Bartoli (mezzo-soprano), Sesto et Vitellia ; Lea Desandre (mezzo-soprano), Annio et Vitellia ; Péter Kálmán (basse), Publio. Il Canto di Orfeo (chef de chœur : Jacopo Facchini). Les Musiciens du Prince-Monaco, direction : Gianluca Capuano

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