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Brenda Rae reprend Lucia di Lammermoor dans la production Șerban à Bastille

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Nice. Opéra Nice Côte d’Azur. 19-II-2023. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Lucia di Lammermoor, opera seria en 3 actes, sur un livret en italien de Salvadore Cammarano, d’après le roman The Bride of Lammermoor de Walter Scott. Mise en scène : Andrei Șerban. Décors & Costumes : William Dudley. Lumières : Guido Levi. Avec : Brenda Rae, Lucia ; Mattia Olivieri, Lord Enrico Ashton ; Javier Camarena, Edgardo ; Thomas Bettinger, Arturo ; Adam Palka, Raimondo ; Julie Pasturaud, Alisa ; Éric Huchet, Normanno. Chœurs de l’Opéra national de Paris (Chefs des Chœurs : Ching-Lien Wu). Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction musicale : Aziz Shokhakimov

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Montée après 28 ans de loyaux services, la mise en scène d' pour Lucia di Lammermoor retrouve l'Opéra Bastille avec une distribution une fois de plus intégralement renouvelée, cette fois sous la direction énergique d'.


Vue régulièrement depuis sa création en 1995, la production d' pour Lucia di Lammermoor de offre toujours du grand spectacle avec ses nombreux acrobates et ses multiples éléments de plateau, mais elle a perdu toute la force du message traité à sa création : celui d'une folie féminine observée d'en haut par les hommes, dans un asile qui évoque les prémices de la psychiatrie et les études sur l'hystérie de Charcot. Plus problématique, les décors de William Dudley seraient à présent relativement dangereux, puisqu'ils justifieraient la coupure de la magnifique scène introductive de l'Acte III, dans la tour de Wolf's Crag.

Aussi importante dramaturgiquement que musicalement dans l'opéra, cette scène supprimée empêche encore définitivement de créer un lien entre les deux ennemis du soir. Car si la distribution de ces nouvelles représentations est intégralement renouvelée par rapport à celle de la dernière reprise de 2016 (avec Pretty Yende dans le rôle-titre), elle s'apparente plus à un assemblage de noms plus ou moins célèbres qu'à une vision globale pour raviver le spectacle. Ainsi et alors que Tours vient de combiner les talents pour remettre à l'honneur la version française, et Nice d'adapter son cast autour d'une vraie soprano dramatique colorature – comme l'était June Anderson à la Première de la production de Bastille -, l'Opéra de Paris accole des styles divers avec plus ou moins de réussite.

Pour commencer, revient en portant correctement le rôle de Normanno, habitué à une mise en scène dans laquelle il était déjà en 2013 (avec Ciofi), là où Julie Pastouraud entre bien dans les habits de la compagne Alisa. Moins vaillant, a du mal à projeter sa voix et à faire vivre son personnage d'Arturo, tandis qu' se montre au contraire un Raimondo beaucoup trop visible, étonnamment toujours dans la tentation de prouver qu'il possède en plus du registre grave – lié à sa tessiture de basse – un médium capable de s'élever assez haut. Dans cette démonstrativité, au moins s'accorde-t-il à l'Enrico Ashton de , baryton très prometteur à l'italien parfaitement prononcé et au timbre superbe, mais au style lui aussi trop expansif. Intéressant à son apparition et pour son premier air, il se montre nettement moins pertinent au dernier acte.


Peu adapté au chant tout aussi généreux mais timbré très différemment du ténor, le baryton perd à ne pas pouvoir jouer le duel de l'acte III, laissant bien plus de visibilité à l'Edgardo de . Encore très agile, le chanteur monte facilement à la dernière octave et projette plutôt bien dans la grande salle parisienne, même si sa façon de vocaliser semble mieux convenir à Rossini qu'au bel canto de Donizetti. Quant à l'idée de réussir à créer un duo amoureux crédible, cela aurait pu à la limite s'entendre avec des lyriques légers comme Pretty Yende ou Nadine Sierra, mais fonctionne bien peu face à . Lucia depuis plusieurs années, la soprano colorature est comme Diana Damrau avant elle une excellente Zerbinetta passée à l'italien. Et si cela lui convient mieux, la magnifique couleur du timbre et sa souplesse avec les notes contre ne cachent pas des vocalise toujours trop légères, en plus d'un style de chant trop lissé pour ce type de rôle. Plutôt convaincante dans Quanto rapito in estasi, elle manque de ferveur comme de projection pour réussir à donner de la force à la scène de la folie, dont on doute de ce qu'à pu entendre le public présent au second balcon.

Alors il reste à louer bien plutôt que le chœur, en décalage dans presque toutes ses scènes (comme souvent lorsqu'il est préparé par Ching-Lien Wu), la dynamique créée par le chef, au moins pour les deux actes avant l'entracte. Très énergique, a pu déplaire à certain, en cela qu'il ne cherche pas un style italien pour sa première direction d'un opera seria, le jeune chef étant plus habitué à diriger Verdi et Puccini à l'Oper am Rhein. Mais au moins joue-t-il avec l'âme et l'esprit, d'une direction véritablement dramatique, faite pour porter les émotions sans se brimer dans d'intéressants rubatos à certains duos, en plus de s'adapter à certaines difficultés du cast par un jeu plus lent, notamment au sextuor.

Crédits photographiques : © Emilie Brouchon / Opéra de Paris

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Nice. Opéra Nice Côte d’Azur. 19-II-2023. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Lucia di Lammermoor, opera seria en 3 actes, sur un livret en italien de Salvadore Cammarano, d’après le roman The Bride of Lammermoor de Walter Scott. Mise en scène : Andrei Șerban. Décors & Costumes : William Dudley. Lumières : Guido Levi. Avec : Brenda Rae, Lucia ; Mattia Olivieri, Lord Enrico Ashton ; Javier Camarena, Edgardo ; Thomas Bettinger, Arturo ; Adam Palka, Raimondo ; Julie Pasturaud, Alisa ; Éric Huchet, Normanno. Chœurs de l’Opéra national de Paris (Chefs des Chœurs : Ching-Lien Wu). Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction musicale : Aziz Shokhakimov

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