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À la Philharmonie, Michael Wendeberg dirige le Boulez Ensemble

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Paris. Philharmonie-Grande salle Pierre Boulez. Biennale Boulez 3-V-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sérénade n°10 en sib majeur « Gran Partita » K361 / 370a pour 13 instruments ; Pierre Boulez (1925-2016) : Sur incises, pour trois pianos, trois harpes, trois percussions-claviers. Boulez Ensemble, direction : Michael Wendeberg

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C'est , chef d'orchestre et actuel professeur de piano à la Barenboim-Said Akademie de Berlin, qui remplace dans ce dernier concert de la Biennale où s'inscrivent deux œuvres visionnaires mettant en perspective les figures de Boulez et de Mozart.

avait un attachement tout particulier pour la Sérénade n°10, dite « Gran Partita », de Mozart qu'il dirigeait, l'œuvre étant au répertoire de l'EIC ! Il l'a même gravée chez Decca, au côté du Concerto de chambre d'Alban Berg qui compte également treize instruments, comme la sérénade.

 

Visionnaire, l'œuvre l'est à plus d'un titre. C'est la première fois que Mozart réunit douze instruments à vent (dont quatre cors et deux cors de basset) auxquels il ajoute une contrebasse. Les musiciens du jouent debout, répartis en demi cercle autour de l'instrument à cordes qui fait face au chef. Œuvre de divertissement, voire de plein air, très prisée dans la seconde moitié du XVIIIᵉ siècle, cette Sérénade n°10 en sept mouvements est l'occasion pour Mozart d'affiner son écriture pour les vents, d'associer les timbres de manière raffinée, de soigner les lignes et contre-lignes, offrant une riche palette sonore aussi virtuose qu'expressive, notamment dans le superbe thème et variations qui précède le final. L'œuvre dure 55 minutes, presque le double d'une symphonie, avec ses deux menuets dotés de deux trios, comme le fera Schumann au siècle suivant. On ne boude pas son plaisir à l'écoute de ces musiciens, solistes hors norme mais aussi excellents chambristes, vérifiant sans cesse leur accord (la justesse est exemplaire !) et soucieux d'équilibre dans une partition qui fait la part belle au premier hautbois comme à la première clarinette, tenue à l'époque par l'ami Anton Stadler. Les bassons sont truculents, dont on admire la souplesse (physique autant que musicale) du jeu, les interventions des cors d'une précision absolue. Mozart accorde évidemment à la contrebasse, un rien concurrencée par ses collègues, quelques apartés solistes fort bien défendus. Le courant passe avec – ancien Soliste de l'EIC – dont la direction précise, pointilleuse même, confère une belle vitalité à la partition.

Sur Incises (1996-1998), la dernière partition d'envergure de Boulez, est donnée en seconde partie de concert dans l'espace de la Grande salle où, de mémoire, elle n'avait jamais encore résonné. Le compositeur la présente comme étant un commentaire sur Incises, une partition de piano de 1994, révisée en 2001, destinée à un concours. Sur Incises en explore et développe certains éléments d'écriture sans jamais la citer. Son dispositif instrumental est inédit, situé entre la Sonate pour deux pianos et percussions de Bartok et les quatre pianos et quatre percussions des Noces de Stravinsky : en résumé, trois groupes de trois instrumentistes conduits chacun par un piano meneur, accompagné d'une harpe et d'une percussion-clavier. Car le compositeur a dans l'idée d'opérer une transformation des sonorités de piano, sans l'électronique de Répons mais avec l'action directe des cordes pincées et des résonances percussives. Aux côtés des vibraphones et marimba sont choisis à cet effet les steel-drums (tambour d'acier des Caraïbes) jamais encore utilisés par Boulez, qui font vriller la résonance du son (elles sont particulièrement offensives ce soir !) et les cloches-tubes qui viennent hybrider les sons des pianos.

Sur le plateau de la philharmonie, les couvercles des pianos sont aux trois-quarts fermés quand Boulez les faisait au contraire enlever pour jouir de la plénitude de la résonance. C'est une autre conception du son qu'ont en tête et les musiciens du , visant davantage la fusion des timbres dans une intention plus chambriste : moins de précision dans le jeu des pianistes, moins de fulgurance également dans les accélérations (les percussions-claviers sont parfois dominantes) mais des éclairages singuliers et d'une grande beauté que l'on peut apprécier durant ces plages de temps suspendu (« temps lisse ») qui ménagent quelque répit aux musiciens souvent embarqués dans un flux sonore d'une virtuosité sidérante. L'instant rituel de la coda qui rappelle la fin des Noces de Stravinsky est un peu estompé sous le geste du chef mais les déflagrations sonores des dernières minutes et l'opulence des résonances n'ont rien perdu de leur magnificence.

Crédit photographique : © Barenboim-Said Akademie

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Paris. Philharmonie-Grande salle Pierre Boulez. Biennale Boulez 3-V-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sérénade n°10 en sib majeur « Gran Partita » K361 / 370a pour 13 instruments ; Pierre Boulez (1925-2016) : Sur incises, pour trois pianos, trois harpes, trois percussions-claviers. Boulez Ensemble, direction : Michael Wendeberg

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