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Vézelay. Cité de la Voix. 19-V-2023. 19h. Conférence illustrée : 60 années de Beatles. Avec Philippe Gonin.
21h. Grange de la Cité de la Voix. Arapop. Avec Philippe Gonin, guitare acoustique, voix ; Atef Younsi, oud ; Abdessalem Marzougi, percussions.

Vézelay. Grange de la Cité de la Voix. 20-V-2023. 16h. Beatles, l’éclatante jeunesse. Avec : Ma p’tite chanson (Agathe Peyrat, chant, ukulele ; Pierre Cussac, accordéon, kimbala)

21h. Grande salle de La Cité de la Voix. Beatles baroque. Avec : Les Paladins (Magali Léger et Amandine Bontemps, soprani ; Jean-François Lombard, ténor ; Arthur Cambreling, viole de gambe) Jérôme Corréas, clavecin, orgue et direction

Vézelay. Grande salle de la Cité de la Voix. 21-V-2023. Chanter les Beatles (restitution de stage). Avec : Magali Lange, cheffe de chœur ; Aude Moralès-Robin, piano.

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Les Beatles n'étaient jamais allés à Vézelay. C'est chose faite grâce à l'invitation faite aux Fab Four par François Delagoutte, directeur de la Cité de la Voix.


Let it sing !
C'est l'intitulé d'une simplissime évidence choisi pour qualifier les trois journées au cours desquelles le pèlerin de passage aura pu entendre surgir des pierres du lieu des sons aussi inhabituels que familiers. Ceux composés par quatre « garçons dans le vent », en leur temps « plus connus que le Christ », dont la carrière, bien qu'abrégée au terme d'une petite décennie (1962-1969), s'est poursuivie sans eux. 2023 leur propose l'infiltration (Così fan tutte à Toulon) et la métamorphose (Vézelay).

Tout commence un vendredi dans l'intimité de la Grange de la Cité de la Voix. La Beatlemania vézelienne est introduite par la conférence éclairante d'un beatlemaniaque éclairé. , homme aux multiples casquettes, est compositeur (A Floyd Chamber Concerto), musicologue, auteur (dont The Beatles 1969, De l'autre côté de la rue). Armé d'un talent de conteur très partageur, il narre la carrière d'un groupe qui, au bon endroit comme au bon moment, passa d'insoucieuse machine à danser des yéyés à étendard planétaire d'une époque qui vit la fin de la guerre au Vietnam et préparait la chute du communisme. évoque la manne expérimentale permise au groupe par la sophistication montante des studios, ose le déboulonnage de statues : Sgt Pepper's Lonely Hearts Club Band meilleur album du monde ? La réponse à la question est le chant du cygne du groupe, avant implosion : Abbey Road, dont Gonin détaille quasi-amoureusement le processus.

Dans la foulée, démontre qu'il est également guitariste, chanteur et arrangeur, au fil d'un concert d'Arapop, le groupe qu'il a fondé en 2022 autour de l'oud d'. Même s'il confesse au passage avoir découvert que les notes de Lennon s'accommodent mieux que celle de McCartney de l'horizontalité de la musique orientale, force est de constater que Les Beatles arabisés, ça fonctionne aussi bien que le Gainsbourg d'Arabesque promené dans les années 2000 par Jane Birkin et le violoniste algérien (et bisontin) Djamel Benyelles, après la mort du grand Serge. La Basilique Sainte-Marie-Madeleine n'étant pas encore ouverte à la pop musique, Philippe Gonin se console en parant l'intimité de la Grange d'une réverbération de cathédrale sur Because. Avec Paint it black, il adresse un clin d'œil sans rancune aux Rolling Stones, rivaux de jadis qui, eux, dit-il : « chantent toujours ». Une pleine heure sous emprise de la guitare 12 cordes de Philippe Gonin, des percussions (derbouka, riq et cajon) d', mais surtout du jeu (conséquentes articulations improvisées entre les différents morceaux) d' à l'oud, cette ensorcelante déclinaison arabe de nos théorbes et autres luths baroques.

Le samedi, Ma P'tite Chanson, tandem à peine plus ancien (2021), réunit la soprano (et ukuléliste) et l'accordéoniste Pierre Cussat. Ceux qui les auront découverts à Vézelay pour la première de leur nouveau programme perpétueront à n'en pas douter le souvenir d'un extraordinaire moment musical. Que faut-il louer le plus chez l'accordéon symphonique du compositeur-arrangeur, chez le soprano kaléidoscopique de l'ex-chanteuse d'Aedes et de Pygmalion ? Après l'accroche opératique de quelques mots posés en italien sur la grille d'accords de When I'm 64, met sous le boisseau sa voix de chanteuse lyrique afin de parer de la grâce idoine les affects des tubes élus, captivant même de sa voix parlée pour introduire Eleanor Rigby et The Fool on the Hill. L'homme-orchestre (et siffleur à l'occasion) qui lui sert d'écrin dote chacune des célèbres compositions, revisitées avec un talent d'orfèvre, d'une dramaturgie propre. A-t-on entendu un accordéon aussi expérimenteur, aussi inventif, aussi intelligent ? The Fool on the Hill est probablement le morceau le plus mémorable, dont la rythmique, introduite « à blanc » par l'ukulele, impose son obstination façon passacaille, jusqu'à ce que tombe le masque de la rythmique la plus redoutable qui soit : celle du Boléro de Ravel ! L'accordéon entre alors en majesté pour décrire puissamment le « monde tournant en rond » évoqué par les mots de Lennon et McCartney. Ce sommet symphoniste n'entachera nullement la modestie de l'accordéon qui cédera plus loin sa place au kalimba sur un Hey Jude d'un dépouillement étreignant. Enfin, après Here today, chanson de Paul pour la mort de John, le concert boucle la boucle avec le retour à l'opéra : et offrent de Je crois entendre encore des Pêcheurs de perles, une interprétation suffocante d'émotion. Une heure inoubliable, que l'on pourra retrouver à la fin de l'été lors des Rencontres musicales de Vézelay.

L'on pourra également ré-entendre, au cours d'une programmation qui fera la part belle à la musique anglaise, le mariage Beatles/Purcell ordonnancé par Jérôme Corréas. Tout sauf un attelage à hue et à dia, bien des mélomanes ayant longuement pressenti, ainsi que l'explique le chef des Paladins, que Purcell, avec ses grounds, ses chaconnes, ses passacailles, puisse être considéré comme un des aïeuls majeurs de la musique pop. De là à conclure qu'à l'inverse, la pop est baroque (du Rain and Tears des Aphrodite's Childs au Because des Beatles, le clavecin a eu les faveurs des yéyés), il n'y a qu'un pas. Les Beatles héritiers de l'Orpheus Britannicus ? Vous avez une heure ! Clavecin, viole de gambe, positif, et trois solistes lyriques se joignent à Jérôme Corréas pour questionner l'audacieux postulat, lancé en fanfare par l'équipe au complet (irrésistible Now is the night away de The Fairy Queen), relancé par (adorable Michelle), par (parfait de chic anglais sur Strike the viol puis Music for a while). La démonstration n'atteint cependant pas pleinement son but. Pourquoi n'avoir pas choisi, à l'instar du bref Ground en Fa mineur ZT 682 (ressuscité par le Meurtre dans un jardin anglais de Peter Greenaway), le Remember me de Didon et Enée, The Plaint de The Fairy Queen, l'Air du Froid de King Arthur (révélé lui aussi par le cinéma dans le Molière d'Ariane Mnouchkine avant d'être transmué en tube planétaire par Klaus Nomi), ou toute autre pièce emblématique d'un catalogue au long duquel l'omniprésente basse obstinée est clairement celle des chansons pop ? Passé ce regret on se console avec la beauté de l'interprétation musicale, avec la voix lumineuse de , avec un Penny Lane trompetté au sens propre par Jérôme Corréas, avec le plaisir intense d'entendre les tubes des radios de nos adolescences et leurs harmonies vocales sophistiquées (Because), métamorphosés par des voix lyriques, et même, extraordinaire moment, avec une viole de gambe (vibrant Arthur ) se prenant pour une guitare électrique sur While my guitar gently weeps.

Le dimanche voit l'aboutissement de Chanter les Beatles, atelier proposé aux quatre coins de la région Bourgogne-Franche-Comté. Les chanteurs amateurs, qui ont eu le loisir de travailler en amont sur des fichiers envoyés dès le mois de mars, se sont retrouvés par sessions de douze heures pour interpréter à plusieurs voix, sous la direction solaire de , quelques titres d'un catalogue riche de plus de 200 opus. À Vézelay, intendance oblige, pour l'ultime atelier n'a pu bénéficier que de huit heures pour mettre au point, avec la complicité enveloppante et souriante d', un medley savamment agencé (emballant All you need is love inaugural), encadré du dansant Love me do et de l'immarcescible Let it be. Un moment roboratif et plein d'espoir quant à ce qu'en si peu de temps, une petite trentaine d'êtres humains au diapason sont capables de bâtir dans une Bourgogne-Franche-Comté où, dans les années 70 (certains des choristes de s'en souviennent peut-être), on vit éclore un nouveau groupe : Les Bœufs attelés. Cette potache appellation désignait « quatre garçons francs-comtois dans le vent » inconsolés de la séparation de John, Paul, George et Ringo. Costumés en concert (parfois symphonique, avec le Philharmonique de Besançon) comme sur la pochette de Sgt Pepper's, les Boeufs attelés, contrairement à Arapop, Ma p'tite chanson et Les Paladins, reproduisaient les Beatles à l'identique, même A Day in the Life, assurément le plus génial morceau du groupe. Le mimétisme était troublant. Le pianiste-chanteur, de la voix à l'allure, petites lunettes cerclées sur le nez, semblait la réincarnation de John Lennon. Il s'appelait Eric Péria. Disparu en janvier 2023, il a beaucoup fait pour les Beatles. Comme à Vézelay aujourd'hui, la Cité de la Voix.

Crédits photographiques : © Louis Quéant, Cité de la Voix

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