Concerts, La Scène

Soirée multiphonique au 104 de la Maison ronde

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Paris. Maison de la Radio et de la musique. Studio 104. 21-V-2023 RM Multiphonies. Luciano Berio (né en 1925) : Chants parallèles pour sons fixés ; Anne Castex (née en 1993) : Fil – Automate IV pour sons fixés ; Diego Losa (né en 1962) : Plasma ou les fantômes d’Iwo Jima, pour sons fixés ; Vincent Laubeuf (né en 1974) : Les montagnes mystiques (Gravir #2), pour sons fixés ; Kajsa Lindgren (née en 1990) : All Things Ordinary, pour sons fixés. Acousmonium de INA grm ; projection par les compositeurs et Jules Négrier (Berio)

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L'orchestre de haut-parleurs (acousmonium) a investi l'espace du 104 de la Maison ronde pour ce dernier concert de la saison Multiphonies. Quatre pièces électroacoustiques, créations mondiales et commandes de l'INA grm, côtoient une œuvre de référence, celle de , Chants parallèles pour bande seule qui débute la soirée.

Réalisée dans les studios du GRM en 1974, Chants parallèles est une commande (stratégique ?) du Groupe de Recherches Musicales à celui qui allait être appelé, la même année, par Pierre Boulez pour diriger la section électroacoustique de l'Ircam. La pièce en quatre pistes d'une vingtaine de minutes, diffusée par Jules Négrier, perpétue l'oscillation douce et poétique d'une trame sonore flottante soumise à des logiciels de transformation amenant couleurs et distorsions. Au centre de la bande, des figures plus animées s'inscrivent au premier plan dans une joute sonore étrange et musclée : la manière est ciselée, inventive et quasi théâtrale.

À la console, la jeune et prometteuse interprète Fil – Automate IV, une pièce intimiste qui entre-ouvre l'espace sonore ; elle donne à entendre une matière hérissée de verre brisé (rappelant les Bocalises de Denis Dufour), contrée par des nappes de sons lisses et plus sombres. La séquence évolue par fondu-enchaîné vers d'autres milieux acoustiques, celui des horloges et autres tic-tac déréglés, terminant cette courte pièce bien ficelée dans une micro-polyphonie de sonneries lumineuses.

« Dans l'île d'Iwo Jima de l'archipel Ogasawara au sud de Tokyo, des mouvements sismiques d'origine volcanique ont fait remonter à la surface vingt-quatre navires coulés lors de la seconde guerre mondiale », lit-on dans la notice d'œuvre de . De quoi enflammer l'imagination du compositeur franco-argentin qui tient ainsi la trame narrative de sa pièce Plasma ou les fantômes d'Iwo Jima articulée en plusieurs séquences. Le matériau très économe tisse une toile sonore fragile animée de voix japonaises indistinctes, comme immergées. Des bruits et autres vibrations menaçantes investissent progressivement l'espace jusqu'à le saturer, l'épilogue ramenant les ondes mystérieuses du début.

Si All Things Ordinary, la pièce de la compositrice suédoise ne nous convainc pas pleinement, exploitant très peu les dimensions de l'espace, Les montagnes mystiques (Gravir #2) de , en seconde partie de concert, retiennent toute notre attention.

L'œuvre est le deuxième volet d'un cycle initié en 2022 (L'appel de la montagne, Gravir #1) faisant appel à des expériences vécues et des prises de sons in situ : « une histoire d'ascension », nous dit le compositeur s'agissant de Gravir #1, l'approche de trois lieux sacrés au Japon (Monts Iwato et Miwa, sanctuaire Sugajinja) pour Gravir #2. Ainsi le compositeur nous communique-t-il sa passion pour le Japon, un pays dont le contexte semble s'accorder à son rythme intérieur. Il est le seul compositeur de la soirée à profiter pleinement de la richesse de l'acousmonium à la faveur d'une projection multicanale très immersive et la qualité d'une interprétation qui rend compte des couleurs et d'une certaine matérialité du son (bris de bois sec, pas du marcheur, fraicheur des fontaines, etc.). Des coups réguliers entendus en lever de rideau et une trame fluctuante longuement entretenue amorcent le voyage avant que les bruits de nature (chant d'oiseau et autre field recording) modifient l'espace et la temporalité. Laubeuf aime entretenir ces allers-retours entre le monde extérieur et l'espace intérieur du rituel, avec ses sonneries, ses bribes de chants sacrés, dans l'épure de la matière et le temps étiré. Les textures délicates, le montage soigné et l'aura poétique magnifient cette expérience sensorielle teintée de mysticisme.

Crédits photographiques : © INA grm

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