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Martha Argerich et Alexandre Kantorow en concerto à Évian

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Évian. La Grange au Lac.
3-VII-2023. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano n°1 en ut majeur op. 15. Symphonie n°7 en la majeur op. 92. Martha Argerich, piano. Gustav Mahler Jugendorchester, direction : Daniel Harding.
4-VII-2023. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Concerto pour piano n° 2 en sol mineur op. 16. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n° 5 en mi mineur op. 64. Alexandre Kantorow, piano. Orchestra dell´Accademia Nazionale di Santa Cecilia, direction : Tugan Sokhiev

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En deux soirs dans la magnifique Grange au Lac d'Évian, dont on fête cette année les 30 ans, jouent en concerto puis , la première le n°1 de Beethoven en compagnie de , le second le n°2 de Prokofiev sous la direction de .

Nouvellement sous la direction de Renaud Capuçon, les Rencontres Musicales d'Évian offrent cette année un programme particulièrement attractif, dans une Grange au Lac à l'acoustique améliorée pour les orchestres. La salle qui fête ses 30 ans sera bientôt dévolue quasi exclusivement à ces grands effectifs, accolée à partir de fin 2025 à une nouvelle venue, plus petite et dévolue à la musique de chambre, dénommée La Source Vive.

Le dimanche soir, crée l'évènement et si elle laisse évidemment l'orchestre introduire le Concerto pour piano n°1 de Beethoven, elle en prend rapidement l'ascendant. Très habituée à l'œuvre, dont elle a encore enregistré il y a quelques années une version avec Seiji Ozawa, la pianiste s'y montre toujours aussi leste, d'une subtilité de propos de tous les instants, la main droite particulièrement agile pour faire ressortir toutes les splendeurs de l'Allegro con brio, tandis que du se remarque immédiatement la grande qualité des jeunes musiciens. accompagne d'une battue très claire, un temps avant la note, pour emmener les cordes puis laisser s'épanouir les bois, dont se démarque la première flutiste. Au Largo, le piano l'emporte encore, sans tomber dans un pathos que le chef tente de toute façon d'éviter, bien qu'il use d'un son moins aéré qu'il y a quelques années. Dans l'attitude, semble particulièrement détendue et n'hésite pas à se retourner pour regarder l'orchestre lorsqu'elle ne joue pas, instantanément reconcentrée dès qu'elle repose les mains sur le clavier. Déjà entendu plus profond, le mouvement lent n'en reste pas moins d'une superbe beauté, finement accompagné par un orchestre toujours attentif. Au Rondo, la dynamique reprend et libère le doigté d'une pianiste parfois presque désinvolte, notamment dans les accords de la main gauche. Parfaitement dans son élément et aussitôt suivie par le chef quand elle se permet quelques rubati, elle peut éclairer la partition dans ses moments les plus enjoués, jusqu'à une fin de mouvement où elle cherche tout particulièrement à jouer sur l'effet de carillon recherché dans le clavier par Beethoven, juste avant la coda. En bis, elle enchaîne deux de ses classiques : la Kinderszenen n°1 de Schumann et la Gavotte de la Suite Anglaise n°3 de Bach.


Le lendemain, l'Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia – à partir de 2024 sous la direction de Daniel Harding – débute par une approche relativement sombre pour s'enfoncer dans la partition du Concerto pour piano n° 2 de Prokofiev. En demandant aux musiciens de jouer fort, met parfois en difficulté ses vents, notamment la flûte solo, pourtant belle pour développer le premier thème de l'Andantino. Parfaitement dans son élément, fait état de sa maîtrise pour s'accorder par un toucher puissant et condensé. Jamais pris en défaut, il fait exploser une cadence interprétée si intensément que plusieurs violonistes derrière lui mettent la main à l'oreille. Le retour du tutti offre la même force, calmée en fin de mouvement puis vite répercutée par le court Scherzo. Dans un déferlement de notes magistral, le pianiste déploie encore sa fougue et sa vigueur, toujours accompagné par le geste vif de Sokhiev.

L'Intermezzo montre que l'orchestre en présence n'est pas russe, mais bien italien, d'un poids et de grincements trop mesurés. Tout comme le piano qui n'est ici pas encore assez ironique et préfère l'épanchement dans les parties plus flegmatiques. Très énergique, le finale libère définitivement l'incroyable célérité de Kantorow, agile sur toutes les parties du clavier, mais encore peut-être trop mesuré pour décupler l'un des thèmes les plus géniaux du compositeur en milieu de mouvement. En bis, il offre d'abord la Cancion y Danza n°6 de Mompou, puis revient pour Litanei de Schubert dans la transcription de Liszt, plus douce que contrastée.


Placés en première partie lors des deux soirées, les concertos laissent après l'entracte des moments purement symphoniques, qui permettent de profiter autant des chefs que des instrumentistes. Le 3 juillet, reste avec Beethoven. Par rapport à il y a une décennie et malgré un orchestre aux éléments encore peu matures, il expose une sonorité plus dense sur les cordes, dont il a renforcé les contrebasses à six, au risque de mettre en défaut les deux cors juste derrière et les deux trompettes de l'autre côté. Très dynamique dès le Poco sostenuto Vivace, la symphonie met particulièrement en avant la qualité des musiciens du , l'une des meilleures formations de jeunes au monde. L'Allegretto manque cependant beaucoup d'émotion et peine à maintenir l'attention, qui revient avec le très dynamique Scherzo, bien emporté par les cordes, malgré des scories dans les cuivres. Très vif lui aussi, l'Allegro con brio emmène avec lui le public, sans toutefois passionner outre mesure par sa lecture trop linéaire.

Le lendemain, dans la Symphonie n°5 de Tchaïkovski, sans doute encore parce que demande de jouer fort, de nombreuses erreurs apparaissent chez les musiciens. L'Andante taillé dans la masse montre que le chef cherche toujours une lecture de l'instant plutôt que globale. Il n'en ressort pas beaucoup plus qu'un son corpulent, où les cordes en nombre prennent le plus de place. À l'Andante Cantabile, le cor part bien, puis se trompe au milieu de son solo et n'est plus juste ensuite, tandis qu'on regrette qu'à la Valse, le chef n'utilise pas la typicité latine de son ensemble pour un rendu plus fluide. Le Finale, suivi de deux bis (Salut d'Amourd'Elgar et un extrait de Casse-Noisette), recherche toujours la compacité, sans pour autant paraître vraiment russe, ni démontrer autre chose qu'une grande vigueur de la part du chef exalté.

Durant ces deux soirs, la magie provenaient bien des pianistes !

Crédits photographiques : © Matthieu Joffres

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3-VII-2023. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concerto pour piano n°1 en ut majeur op. 15. Symphonie n°7 en la majeur op. 92. Martha Argerich, piano. Gustav Mahler Jugendorchester, direction : Daniel Harding.
4-VII-2023. Sergueï Prokofiev (1891-1953) : Concerto pour piano n° 2 en sol mineur op. 16. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n° 5 en mi mineur op. 64. Alexandre Kantorow, piano. Orchestra dell´Accademia Nazionale di Santa Cecilia, direction : Tugan Sokhiev

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