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Lightfoot et León au Ballet de Bavière, histoires en noir et blanc

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Munich. Nationaltheater. 3-VII-2023. Silent Screen (musique : Philip Glass) ; Schmetterling (musique : Max Richter, The Magnetic Fields). Chorégraphie, décors : Paul Lightfoot, Sol León ; costumes : Joke Visser, Hermien Hollander (sur une idée des chorégraphes pour Silent Screen). Avec : Silent Screen : Eline Larrory, Severin Brunhuber, Andrea Marino ; Bianca Teixeira, Matteo Dilaghi ; Osiel Gouneo, Ariel Merkuri, António Casalinho, Madison Young ; Vladislav Kozlov, Séverine Ferrolier
Schmetterling : Laurretta Summerscales, Robin Strona ; Rafael Vedra, Florian Ulrich Sollfrank ; Shale Wagman, Elvina Ibraimova, Kristina Lind, Sergio Navarro, António Casalinho, Phoebe Schembri, Vladislav Kozlov, Severin Brunhuber

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Deux pièces viennent illustrer les qualités et les limites de l'œuvre abondante des deux chorégraphes.

Quand on aime la danse, il vaut mieux parfois ne pas être mélomane. et ont choisi pour les deux pièces de la soirée les platitudes sentimentales de Philip Glass, puis un mélange improbable entre Max Richter et des chansonnettes du groupe The Magnetic Fields, un peu vieillottes et surtout répétitives. La soirée est issue de la programmation conçue par Igor Zelensky avant son renvoi dans le contexte de la guerre russe contre l'Ukraine : il faut espérer que Laurent Hilaire, qui souligne volontiers à quel point la musique est importante pour lui, saura nous épargner telle épreuve à l'avenir.

Les deux pièces ont beaucoup en commun en dehors de ces choix musicaux regrettables : il y a d'abord un sens de la narration, non pas comme construction d'un récit continu, mais des éléments narratifs plus ou moins explicites qui encadrent des moments où la narration est moins présente : c'est notamment le cas dans la seconde pièce, Schmetterling, qui se perd franchement dans la simple illustration de la musique, par exemple quand un danseur se met à chanter une des chansons en play back : il n'y a plus alors de narration, ni de personnages, ni d'émotion, même si la danse reste assez spectaculaire pour entraîner une standing ovation à la fin du spectacle.

L'autre élément commun est une esthétique en noir et blanc, avec des lumières travaillées, souvent pour donner une intensité particulière aux danseurs semblant comme émerger du noir ; c'est agréable à regarder, mais un peu trop esthétisant, voire maniériste. On voit là le souvenir de l'influence fondamentale des deux chorégraphes, anciens danseurs du Netherlands Dans Theater, mais les ballets en noir et blanc de Jiří Kylián gardent une part de mystère et de poésie plus délicate que cette surexposition d'intentions.

La première pièce s'ouvre par un paysage marin projeté sur un triple écran, avec trois personnages d'abord immobiles le dos au public : quand ils s'animent, on constate que d'eux d'entre eux sont de chair et d'os, le troisième s'éloigne de nous sur l'écran. Le couple qui occupe seul la scène pendant un quart d'heure semble uni par les épreuves ; elle semble (re)vivre un traumatisme, lui l'accompagne avec empathie, prenant toute sa part de cette douleur. Ils se touchent peu, mais leur danse a une qualité d'intimité rare – cette scène d'ouverture est, disons-le déjà, le sommet de la soirée. Eline Larrory et Severin Brunhuber y développent une danse pleine d'émotions plurielles. L'héritage Kylián est bien là, mais il est ici réapproprié sans servilité, ce qui ne sera pas toujours le cas plus tard. Le paysage marin est remplacé par une forêt, et on voit une petite fille en rouge qui s'approche : la relation n'est pas explicitée, on comprend simplement que c'est essentiel pour le personnage féminin. La suite de la pièce enchaîne des scènes pas plus explicites ; la petite fille en rouge s'incarne sous les traits de Madison Young, en compagnie de trois garçons, puis une femme (Séverine Ferrolier, longtemps soliste de la troupe et désormais maîtresse de ballet) sort de la fosse dans une grande robe qui enveloppe tout le plateau. La nécessité de ces enchaînements nous échappe un peu ; on peut y voir les étapes de la vie de la femme du début, mais on n'y apprend rien de plus pour expliquer son traumatisme. La pièce se referme par les mêmes paysages qu'au début : cela donne une cohérence à défaut de dessiner un parcours très clair.


Dans la seconde pièce, la narrativité est bien différente. Avant même le début de la pièce, on en découvre le personnage principal, une vieille femme franchement perdue, mais pleine d'entrain. Elle trouve une forme de soutien chez un personnage masculin, dansé avec une puissance minérale par Robin Strona, mais celui-ci a aussi ses propres combats intérieurs à mener. , l'étoile omniprésente du Ballet de Bavière depuis l'ère Zelensky, est cette vieille femme, et elle est à la fois drôle et touchante. La fantaisie souriante de son jeu la rapproche des spectateurs et évite tout misérabilisme. La pièce ne nous donne pas beaucoup plus d'éléments sur l'identité et l'histoire de cette femme ; dès qu'elle n'est plus sur scène, on tend à oublier ce point de départ, et au fil des chansons les numéros s'enchaînent sans beaucoup de cohérence, et sans qu'une émotion particulière ne se dégage. La soirée donne une bonne impression des qualités de la troupe et de ses danseurs sur toute l'étendue de la hiérarchie, mais il faut espérer que des défis chorégraphiques un peu plus stimulants leur seront proposés les saisons suivantes.

Crédits photographiques : Silent Screen © Wilfried Hösl ; Schmetterling © Nicholas McKay

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Munich. Nationaltheater. 3-VII-2023. Silent Screen (musique : Philip Glass) ; Schmetterling (musique : Max Richter, The Magnetic Fields). Chorégraphie, décors : Paul Lightfoot, Sol León ; costumes : Joke Visser, Hermien Hollander (sur une idée des chorégraphes pour Silent Screen). Avec : Silent Screen : Eline Larrory, Severin Brunhuber, Andrea Marino ; Bianca Teixeira, Matteo Dilaghi ; Osiel Gouneo, Ariel Merkuri, António Casalinho, Madison Young ; Vladislav Kozlov, Séverine Ferrolier
Schmetterling : Laurretta Summerscales, Robin Strona ; Rafael Vedra, Florian Ulrich Sollfrank ; Shale Wagman, Elvina Ibraimova, Kristina Lind, Sergio Navarro, António Casalinho, Phoebe Schembri, Vladislav Kozlov, Severin Brunhuber

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