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Le Quatuor Pražák célèbre Schubert aux Musicales des Coteaux de Gimone

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Betcave-Aguin. Salle culturelle. 9-VII-2023. La Truite du dimanche. Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Trio à cordes op. 9 N°1 en sol majeur ; Franz Schubert (1797-1828) : Quintette en la majeur D. 667 La Truite. Quatuor Pražák ; François Dumont, piano ; Frédéric Alcaraz, contrebasse.
Abbaye Sainte-Marie de Boulaur. Église abbatiale. 12 VII 2023. Le Chant du cygne. Franz Schubert (1797-1828) : Ständchen (Sérénade) D. 889 transcription pour violoncelle et piano ; Sonate « Arpeggione » D. 821 ; Lieder extraits du Chant du Cygne : Gretchen am Spinnrade D. 118 ; Nacht und Traüme D. 827 ; Du bist die Ruh D. 776 ; Seligkeit ; Quintette à deux violoncelles en ut majeur op. 163 D. 956. Quatuor Pražák ; Helen Kearns, soprano ; Marc Coppey, violoncelle ; François Dumont, piano.

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À Betcave-Aguin et à l'abbaye cistercienne de Boulaur, entouré du pianiste , de la soprano , du violoncelliste et du contrebassiste , le quatuor tchèque Pražák a célébré son amour pour Schubert.

S'il est un lieu commun de dire que les campagnes isolées sont des déserts culturels, depuis 2004, en Astarac dans le sud du Gers, Les Musicales en Coteaux de Gimone démentent avec brio cette assertion avec un festival de musique de chambre de très haute tenue, dont la réputation ne fait que croître. C'est surtout une belle histoire d'amitié entre musiciens, qui ont le plus grand plaisir à se retrouver pour faire de la musique ensemble. La petite commune de Betcave-Aguin compte moins d'une centaine d'habitants mais elle dispose toutefois d'une salle municipale dont l'acoustique a été étudiée pour la musique et cela sonne fort bien. Succédant au Quatuor Zemlinski, depuis 2021, c'est le qui a élu domicile dans les vallons gersois le temps du festival.

Une découverte beethovénienne

Pour le premier concert astucieusement nommé « La Truite du dimanche », trois membres des Pražák, dont le fondateur Josef Klusoň, tient toujours l'alto depuis 1972, ont donné le méconnu et rare Trio à cordes op. 9 N°1 en sol majeur de Beethoven, une découverte pour la plupart des auditeurs. Composé en 1797-1798 et publié à Vienne en 1799, cet opus a été créé par le célèbre violoniste Ignaz Schuppanzigh avec deux membres de son quatuor. Il s'agit d'œuvres intermédiaires avant que Beethoven ne se lance dans la composition de quatuors, mais à 28 ans, il les considérait comme ses meilleures compositions. Le trio N° 1 est le plus vigoureux de l'ensemble avec une richesse thématique dans les mouvements rapides et des constructions déjà presque symphoniques et dansantes dans le premier Allegro. L'atmosphère mélancolique de l'Adagio marque déjà une sorte de signature beethovénienne. Le Scherzo ressemble à un joyeux pépiement avec des ruptures dans la conversation, tandis que l'ouvrage se conclut par un Presto brillant et virtuose.

Une truite d'anthologie

Le Quintette D 667 « La Truite » pour l'étonnante formation d'un trio à cordes, d'un piano et d'une contrebasse, en fonction des instrumentistes présents, autour du Lied antérieur Die Forelle, développé ici en cinq variations est assurément un tube dans l'œuvre de Schubert, connu de tous ou presque. Comme souvent chez le compositeur, il a été composé en 1819 à l'occasion de vacances chez des amis musiciens à Steyr, une petite ville industrielle de haute Autriche. Instrumentiste amateur, habile au violoncelle et divers instruments à vents, le maître de forge Sylvestre Paumgartner demanda à Schubert un quintette dans le genre de certaines œuvres de Hummel, qu'il aimait spécialement. Il lui suggéra en outre d'inclure le thème du Lied déjà célèbre et apprécié à Vienne. Même si l'épisode de la truite est quelque peu dramatique du fait de sa prise par le pêcheur, il s'agit d'une musique champêtre légère, gaie et insouciante d'un jeune Schubert de 22 ans. Rompus à cette musique, les Pražák y font merveille, portés par la fluidité complice du piano de et le soutien de la contrebasse de , lui aussi habitué du festival. L'écoute entre les musiciens est perceptible, comme s'ils avaient toujours joué ensemble.

Schubertiade à Boulaur

Quelques jours plus tard, les mêmes se retrouvaient à l'abbaye cistercienne de Boulaur, pour une schubertiade de haut vol où le violoncelliste et la soprano se joignaient à la compagnie.

Après une émouvante adaptation pour piano et violoncelle du Lied Ständchen extrait du Chant du cygne, et entonnent la redoutable Sonate pour arpeggione D. 821. Cette œuvre unique, composée pour un instrument éphémère, qui ambitionnait de fusionner la guitare et le violoncelle, connut longtemps le dédain des musicologues, mais jouée au violoncelle, elle est la seule à avoir survécu à l'instrument et enchante toujours les auditeurs. Elle est beaucoup plus enregistrée que donnée en concert, car de l'avis de Marc Coppey, peu de violoncellistes osent se frotter à l'extrême difficulté de la partie instrumentale, alors que la partie pour le piano ne présente pas de difficultés majeures. Chacun des trois mouvements est empreint du génie mélodique de Schubert, ce qui assurera la popularité de l'œuvre. L'Allegro moderato présente un parfait équilibre entre les instruments, tandis que le Lied de l'Adagio réserve des surprises harmoniques, de la rêverie charmante aux nuages sombres. L‘Allegretto final déploie quant à lui une forme rondo sans interruption. Les thèmes sont choisis pour démontrer les possibilités de l'instrument nouveau, d'où la grande difficulté pour le violoncelle. Marc Coppey et François Dumont s'entendent à merveille pour donner à cette œuvre toute sa saveur et sa ferveur populaire.

Une bonne schubertiade ne peut se passer de Lieder et la soprano en a choisi cinq, extraits du Chant du cygne : Liebesbotschaft D. 957, Gretchen am Spinnrade D. 118, Nacht und Traüme D. 827, Du bist die Ruh D. 776 et Seligkeit D. 433. Avec une voix d'une belle clarté, qui n'est pas encore assez connue en France, elle donne une fine expressivité à ces moments de poésie en clair-obscur, accompagnée au piano tout en délicatesse par son mari François Dumont.

Ultime quintette des profondeurs

Marc Coppey rejoint ensuite les Pražák pour tenir le 2e violoncelle dans le Quintette à deux violoncelles op 163 D. 956. Ce sommet de toute la musique de chambre fait partie du dernier envoi de Schubert à son nouvel éditeur Heinrich Probst à Leipzig en octobre 1828, quelques semaines avant sa mort, avec les Lieder sur les poèmes de Heine repris dans le Chant du cygne et les trois dernières sonates pour piano. Il ne sera publié que vingt-cinq ans plus tard à Vienne et peinera à s'imposer. À la fois crépusculaire et lumineux, cet ouvrage posthume est insurpassable. Après l'Allegro ma non troppo dramatique d'une grande densité, le déchirant Adagio où le deuxième violoncelle et le premier violon se répondent en pizzicati, tandis que le chant principal est confié au second violon, à l'alto et au violoncelle, est un miracle de l'histoire de la musique où le temps et l'espace sont suspendus. Bourré d'énergie, le Scherzo part comme une cavalcade impétueuse où les cordes sonnent comme des cors de chasse, jusqu'à la glaçante descente aux enfers du trio central. C'est peut-être la page la plus sombre de Shubert, qui prend conscience de sa fin proche. Mais la légèreté viennoise revient dans l'Allegretto final selon un aspect populaire de rondo-sonate, qui rappelle les finales de Mozart où la vie et la danse font oublier jusqu'à un destin funeste.

Dans ce chef-d'œuvre à l'intensité absolue, les Pražák respirent à l'unisson une musique qui coule dans leurs veines. Plus qu'une interprétation, ils vivent profondément cette alternance d'ombre et de lumière au cœur du drame schubertien.

Crédit photographiques : © Alain Huc de Vaubert

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Abbaye Sainte-Marie de Boulaur. Église abbatiale. 12 VII 2023. Le Chant du cygne. Franz Schubert (1797-1828) : Ständchen (Sérénade) D. 889 transcription pour violoncelle et piano ; Sonate « Arpeggione » D. 821 ; Lieder extraits du Chant du Cygne : Gretchen am Spinnrade D. 118 ; Nacht und Traüme D. 827 ; Du bist die Ruh D. 776 ; Seligkeit ; Quintette à deux violoncelles en ut majeur op. 163 D. 956. Quatuor Pražák ; Helen Kearns, soprano ; Marc Coppey, violoncelle ; François Dumont, piano.

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