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Georg Nigl et le clavicorde, expérience intime et nocturne au festival de Salzbourg

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Salzbourg. Edmundsburg. 3-VIII-2023. Airs de Henry Purcell, Giulio Caccini, Claudio Monteverdi ; Domenico Scarlatti (1685-1757) : sonates K 3, 10, 11 ; poèmes de Forough Farrokhzad (1935-1967). Georg Nigl, baryton ; Alexander Gergelyfi, clavicordes ; Ulrich Noethen, récitation

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Accompagné par , le grand interprète-créateur conçoit une grande soirée d'émotions musicales en territoire baroque.


Le festival de Salzbourg est souvent vu comme le conservatoire des rites du concert classique et de l'opéra : c'est souvent vrai, pour les premières d'opéra ou les concerts hebdomadaires du Philharmonique de Vienne, mais il n'est pas seulement cela. Non seulement les canicules successives ont fini par avoir raison du costume-cravate obligatoire pour les hommes, mais il y a aussi des séries de concerts moins guindés, moins mondains, moins chers, où il se rapproche de beaucoup plus près de l'idéal artistique élevé qui était celui des fondateurs. C'est particulièrement vrai cette année avec la vaste et belle rétrospective Ligeti, et plus encore avec la série de concerts que le baryton a conçue autour d'une alliance rare en concert, celle de la voix et du clavicorde. Pour cette première soirée, le programme annoncé initialement, « De Bach à Mozart », n'est pas même abordé, puisque Nigl chante exclusivement des airs du XVIIᵉ siècle, complétés seulement par trois sonates de Scarlatti – ce n'est pas bien grave, car la soirée est passionnante.

Ce n'est pas dans une des salles habituelles du festival que le concert a lieu, mais dans un bâtiment de la fin du XVIIᵉ siècle situé juste au-dessus de la Haus für Mozart, dans une petite salle qui accueille soixante auditeurs pour chaque concert, à 22 h – le son étouffé du clavicorde ne permet guère d'en accueillir plus, en trois rangées autour des musiciens. Outre l'intérêt pour l'instrument que s'est découvert Nigl, c'est le rapport entre la diction parlée et sa traduction musicale qui justifie la construction du programme – la discrétion de l'instrument qui l'accompagne oblige le chanteur à réfréner ses moyens naturels et son habitude des grandes salles pour se concentrer sur la profération des mots, et l'effort que cela lui demande est visible ; virtuose de la polyvalence, il chante les mots des poètes baroques avec autant de présence que ceux de Nietzsche mis en musique pour lui par Pascal Dusapin. Le mot parlé et le mot chanté alternent pendant la soirée : l'acteur Ulrich Noethen lit des textes de Forough Farrokhzad, poétesse et cinéaste iranienne des années 50-60, et contrairement à la plupart des récitants il parvient à donner leur vrai poids au mot, sans craindre les silences qui leur permettent de résonner en nous.

Le jeune clavicordiste joue trois instruments au cours de la soirée : deux clavicordes d'inspiration allemande, l'un d'après un modèle de 1763, l'autre plus intime encore inspirés d'instruments des environs de 1700, entre lesquels il alterne pendant le programme officiel, notamment pour les étonnants Scarlatti qu'on aurait cru impossibles avec ces instruments qui changent entièrement notre écoute de ces partitions bien connues ; puis, pour le bis, il ouvre un instrument minuscule qui attendait sagement sur un appui de fenêtre, et qu'il joue dos au public. Avec même pas quatre octaves et le paysage peint montrant le vaste monastère d'Admont, l'instrument est sans doute le plus ancien clavicorde conservé d'Autriche : Gergelyfi l'a déjà utilisé au disque ; en concert, la sensation d'intimité qu'il crée est plus nette encore que par l'intermédiaire vite grossissant des micros. Pour chanter Fairest Isle de Purcell, Nigl passe en voix de tête, en un moment où le temps semble suspendu. Cette soirée réussit, fait rare, à créer une véritable communauté entre musiciens et public, mais aussi entre les spectateurs, renforçant l'émotion musicale et poétique.

Crédits photographiques : © SF/Marco Borrelli

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