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Récital de Yoav Levanon à la Fondation Vuitton

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Paris. Fondation Louis Vuitton. 16-XII-2023. Clara Schumann (1819-1896) : Variations sur un thème de Robert Schumann op. 20 ; Robert Schumann (1810-1856) : Études symphoniques op. 13 ; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Études-tableaux op. 39. Yoav Levanon, piano

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Il y avait donné un premier récital il y a précisément deux ans, alors âgé de dix-sept ans. Le pianiste est revenu à la Fondation Louis Vuitton avec un programme consacré au couple Schumann, puis à Rachmaninov. 

Nous l'avions découvert à l'église de Verbier en 2019. À seulement quatorze ans, il figurait parmi les plus jeunes pianistes jamais présentés par le festival suisse. Nous l'avions mis de côté comme on laisse à la cave un vin de garde de la dernière vendange, sans savoir précisément comment il évoluera en gagnant des années. Des moyens techniques considérables, certes, mais un manque de maturité évident : le jeune garçon à l'époque se grisait de vitesse et surtout d'un son constamment forte, sans céder aux nuances ni à l'expressivité.

Quatre ans ont passé. Le voici jeune homme, les cheveux un peu moins longs, mais toujours aussi soigneusement coiffés et laqués au point que même la célérité déployée dans Mazeppa et dans la Rhapsodie hongroise n°2 jouées en bis ne parviendront pas à en déplacer une seule mèche. Sa silhouette élancée et ce brushing dégageant son grand front et ses tempes le font d'ailleurs, de profil, étrangement ressembler à Franz Liszt. Il arrive d'un pas d'une lenteur étudiée, s'installe devant le piano et là, reste longuement immobile dans le silence de la salle, comme s'il allait passer une épreuve de concours, avant d'approcher ses longues mains du clavier. Ce sera ainsi à chaque commencement d'œuvre, y compris pour les bis qui n'en demandaient pas tant.

Le programme croise à bon escient dans sa première partie les Variations sur un thème de de , et les Études Symphoniques de , elles aussi des variations. Le pianiste énonce le thème puisé dans les Bunte Blätter avec gravité et recueillement, puis délie d'assez jolie manière les premières variations, sous le toucher délicatement impalpable de sa main droite. Mais hélas celui-ci s'avère rapidement inconsistant. Manquant d'ancrage, les doigts n'allant pas chercher les timbres au fond du clavier, il arrive même au jeu de lâcher. Et lorsque la main gauche s'empare d'octaves (variation IV), c'est à contrario pour les jouer trop fort, trop épaisses, attaquées verticalement. Dommage !

On ne compte pas les accrocs au début des Études Symphoniques qui finiront cependant (un peu) mieux qu'elles ne commencent. Leur densité caractéristique, celle que contiennent en particulier les plus brèves des Études, échappe au pianiste qui pose, dès l'énonciation du thème joué avec affectation. Le tout apparaît morcelé, sans tension, sans cet élan narratif qui doit les unifier. Sans l'intensité de la passion qui doit les animer. Le jeu est lourd et frontal dans les épisodes forte, la ligne se perd, se défait dans les études lentes se voulant méditatives. Comme elle se noiera dans le milieu de Mazeppa. Il n'y a rien de romantique dans ce jeu tout au contraire statique, voire amidonné dans la dernière variation quoique cette fois maitrisée dans sa virtuosité. Dynamiques mal senties, agogique absente, le musicien perd le fil, passe à côté de la dualité schumanienne qui fait coexister dans cette œuvre la joie et la tragédie, et passe à la trappe la couleur orchestrale de sa polyphonie. Nous vient alors à l'esprit qu'il faut peut-être du vécu pour interpréter telle œuvre. 

On trouve davantage d'intérêt aux neuf Études-tableaux de qui forment la seconde partie du concert. Le pianiste rend justice au compositeur en donnant à la plupart de ces pièces une atmosphère, mais surtout leur clarté polyphonique sous une pédale dosée. Les plans sonores de la sixième sont par exemple parfaitement différenciés. Sa technique digitale confère une grande fluidité aux études n°1, 3 et 5, celle-ci jouée dans une vertigineuse exaltation. Mais cette facilité assez exceptionnelle a aussi son revers : pris encore dans sa propre contemplation, le pianiste oublie souvent les couleurs de leurs pages, leurs éclairages propres, et ce sont davantage études que tableaux qu'il nous donne à entendre. 

Après l'Étude d'exécution transcendante Mazeppa de Liszt, son premier bis, et une pièce d'un romantisme sirupeux, interprétées dans un goût discutable, il fera attendre le public, immobile encore de longues secondes devant son clavier, avant de se jeter dans la Rhapsodie Hongroise n° 2 de Liszt, aux effets de cymbalum très réussis. 

Crédit photographique © Nir Slakman

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Paris. Fondation Louis Vuitton. 16-XII-2023. Clara Schumann (1819-1896) : Variations sur un thème de Robert Schumann op. 20 ; Robert Schumann (1810-1856) : Études symphoniques op. 13 ; Sergueï Rachmaninov (1873-1943) : Études-tableaux op. 39. Yoav Levanon, piano

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