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Renaud Capuçon joue Gubaïdulina avec Saraste à la Philharmonie

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Paris. Philharmonie ; Grande Salle Pierre Boulez. 26-I-2024. Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : L’Île des morts. Danses Symphoniques, op.45. Sofia Gubaïdulina (1931*) : Offertorium, concerto pour violon et orchestre. Renaud Capuçon, violon. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Jukka-Pekka Saraste.

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Cette saison devant le Philharmonique de Radio France, déploie un programme intégralement russe dans lequel les œuvres symphoniques de Rachmaninov s'effacent quelque peu face à la splendide interprétation de l'Offertorium de Sofia Gubaïdulina par .

Entendu ces dernières saisons à la Philharmonie avec l'Orchestre de Paris, Jukka-Pekka Sarate revient cette année avec le Philharmonique de Radio France. Et s'il avait les dernières fois mis à ses programmes de grandes symphonies mahlériennes, c'est à présent des œuvres russes qu'il propose. Composé à partir d'une reproduction du tableau éponyme de Böcklin vue par Rachmaninov lors d'un voyage parisien, L'Île des Morts surprend dans son introduction, où le chef finlandais donne la battue en ne regardant qu'à sa gauche, alors qu'à part la harpe, personne ne joue encore de ce côté. En effet, ce début très sombre aux contrebasses et violoncelles met en avant des instruments placés ici tout à droite par le chef, aujourd'hui l'un des seuls à garder cette nomenclature, là où la majorité sont habitués à remettre les violoncelles au milieu, en position II ou III. Difficile de comprendre le fondement de son refus à donner du poids aux cordes graves, mais il en ressort clairement que Saraste ne cherche pas avec cette interprétation à nous engouffrer dans la noirceur de la mort, pour plutôt nous faire naviguer en douceur et finesse vers l'inéluctable. Lorsque se font entendre ensuite les grandes nappes de violons, on croirait presque du Sibelius, avec une densité et un soyeux des cordes plutôt bien adapté aussi à la musique du Russe. L'interprétation du poème pèche par son manque d'effets dans les derniers instants, capables de procurer plus de gravité, mais il permet de mettre en valeur un investi en même temps que très bien préparé dans les cuivres et la petite harmonie.

Après un rapide changement de plateau, entre pour jouer le concerto pour violon de Sofia Gubaïdulina. Nommé Offertorium, l'œuvre de plus d'une trentaine de minutes sans interruption perturbe d'abord une partie du public, qui se montre quelque peu bruyant face à cet hommage à Bach où, comme Webern, la compositrice utilise la technique de Klangfarbenmelodie, consistant à distribuer chaque note de la mélodie à plusieurs instruments. Sans être véritablement divisé en mouvement, l'ouvrage possède cependant tout de même trois parties identifiables, et si la première met déjà en avant la qualité de pour approcher cette partition dédiée et créée par Gidon Kremer – dans la première comme dans toutes ses versions révisées -, on reste très convaincu après quelques minutes par la capacité du violoniste français à tenir toujours un flux continu avec une superbe souplesse. Sans exagérer son beau son, il entre ici sur son Guarneri avec une véritable quiétude, qu'il soit accompagné, en cadence ou soutenu seulement par quelques instruments, comme lors du superbe passage avec la clarinette et le hautbois. En dernière partie, le style tend vers une longue déploration, à la manière des grands mouvements de Chostakovitch et à partir de ce moment, Capuçon magnifie la partition dans un silence total de l'audience, toujours sous l'accompagnement attentif de Saraste. Encore visiblement ému aux saluts, le violoniste star parvient tout de même à offrir un bis, lui aussi inspiré par Kremer. D'à peine deux minutes, l'Étude sur Daphné de Richard Strauss clôture la première partie du concert, achevé ensuite avec les Danses Symphoniques op.45.

De retour à Rachmaninov, on retrouve cette fois un compositeur à l'aube de la mort, émigré depuis déjà plusieurs décennies aux États-Unis, où il mourra à Beverly Hills le 28 mars 1943. Offerte en 1941 au Philadelphia Orchestra et à Eugene Ormandy dont il était très proche, cette œuvre ultime présente un mélange d'influences tout en laissant immédiatement identifiable la patte de Rachmaninov, notamment celle mélancolique, exaltée par l'excellente intervention du saxophone dans la première des trois danses. Également remarquables, les cors et le cor anglais rendent grâce à leurs parties, tandis que de la vision de Saraste ressort là encore un refus du pathos comme de la facilité, pour une lecture dense et souvent intellectuelle quant à la façon d'approcher le matériau symphonique. Sans hésiter à pousser le volume sonore ou à jouer sur le côté clinquant de cette pièce pensée pour un ensemble américain rutilant, le chef finlandais tient toute l'interprétation avec une belle maîtrise, sans toutefois réussir à toucher autant qu'à la fin de l'Offertorium, qui restera le moment le plus marquant du concert.

Crédits photographique : ©ResMusica

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Paris. Philharmonie ; Grande Salle Pierre Boulez. 26-I-2024. Sergeï Rachmaninov (1873-1943) : L’Île des morts. Danses Symphoniques, op.45. Sofia Gubaïdulina (1931*) : Offertorium, concerto pour violon et orchestre. Renaud Capuçon, violon. Orchestre Philharmonique de Radio France, direction : Jukka-Pekka Saraste.

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