Avec Arte Flamenco, l’Andalousie conquiert Mont-de-Marsan

Pour sa 36^e édition, le Festival Arte Flamenco de Mont-de-Marsan continue de faire découvrir au plus grand nombre la fine fleur du genre. De nombreux spectacles de danse présentés pour la première fois en France, mais aussi du chant et de la musique, animent plusieurs points stratégiques de la ville aux trois rivières.

En ce début juillet, sous un soleil de plomb, les robes à volants et les éventails sont de sortie pour le traditionnel festival de flamenco Arte Flamenco, qui draine des aficionados de tout le pays et au-delà. L'Espagne, et plus particulièrement l'Andalousie est particulièrement représentée bien sûr parmi la vingtaine de groupes invités à danser et à chanter, dans un style allant du plus traditionnel au plus contemporain.

Parmi eux, le dernier spectacle de Jesús Carmona, Baile de Bestias, est présenté pour la première fois en France. Récompensé par deux prix Max en 2022 comme meilleur spectacle de danse et meilleure chorégraphie, Baile de Bestias, plonge le spectateur dans un univers très sombre, torturé même. Après une très (voire trop) longue mise en place, Jesús Carmona, à fleur de peau, livre une prestation d'une intensité incroyable, avec la complicité du musicien/chanteur/rappeur Manu Masaedo. Le danse puissante et incarnée de Carmona emmène le public dans un voyage émotionnel fort, dans une mise en scène que l'on pourra cependant juger inutilement complexe. En effet, il nous semble que la performance livrée par Jesús Carmona est suffisamment forte pour ne pas en rajouter autant côté scénographie. Son flamenco inventif, très contemporain le place déjà sur la carte des artistes parmi les plus intéressants à suivre.

En deuxième partie de soirée, la flamenca Helena Cueto offre une prestation gratuite et de grande qualité sur la scène du village, en compagnie d'une chanteuse et de deux musiciennes. Le quatuor féminin Fl4menca mêle compositions originales et flamenco traditionnel de très bon niveau.

Enfin, pour clôturer cette soirée de canicule, le théâtre Molière accueillait le cantaor vedette Israel Fernández et le guitariste virtuose Antonio el Reljero. Por Amor Al Cante, présenté pour la première fois en France, est un voyage au cœur de l'âge d'or du flamenco du début du XXe siècle. Mais c'est aussi, comme le veut la tradition andalouse, une communion avec le public, partie prenante du spectacle, qui n'hésite pas à manifester son enthousiasme et son appréciation après chaque moment de bravoure musicale ou vocalise particulièrement impressionnante du chanteur.

Le lendemain, c'est la compagnie Eva Yerbabuena qui a les honneurs de la grande salle du Pôle. La danseuse-chorégraphe, figure majeure du baile flamenco présente pour la première fois en France Yerbagüena (Oscuro Brilante), créé en septembre 2024 et récemment récompensé par le prestigieux Olivier Award à Londres.

D'abord toute de noir vêtue, comme ses cinq chanteurs, le percussionniste et son compagnon, le compositeur et guitariste Paco Jarana, Eva Yerbabuena étonne par sa vivacité, son intensité, parfois dramatique, parfois joyeuse mais toujours juste et précise. Pour chacune de ses apparitions la danseuse revient vêtue d'une nouvelle robe, de plus en plus spectaculaire. Bien plus qu'un accessoire, la robe flamenca semble être le prolongement de celle qui la porte, tout comme son châle dont elle se sert en fin de spectacle. Si Eva Yerbabuena est sans conteste la star du spectacle, chaque artiste, comme il est de coutume dans la discipline, a l'occasion de briller. Les chanteurs entrent tour à tour dans la lumière pour un solo, un chant à plusieurs voix ou une série de zapateado (frappements rythmiques avec les pieds), les musiciens ont aussi l'occasion de déployer leur virtuosité, à la guitare ou au cajón (caisse en bois servant de percussion). Chacun s'exprime avec toute sa singularité, sous le regard attentif et admiratif des autres, comme les membres d'une grande famille recomposée. À l'instar d'Eva Yerbabuena, tous semblent déverser leur cœur et leur âme dans ce flamenco créé pour faire passer émotions et sentiments à un public plus qu'enthousiaste. Eva Yerbabuena allie harmonieusement classiques de la geste flamenca et modernité dans un répertoire revisité.

En fin de soirée, au théâtre Molière, l'élégante chanteuse gitane Marina Heredia, issue d'une grande lignée d'artistes flamenco de Grenade, livre une prestation élégante et impressionnante. Sa voix puissante, qui sait aussi se faire douce, excelle aussi bien dans les palos que dans les tangos de Graná ou les fandangos de l'Albaicin, l'ancien quartier arabe où elle est née. Seule ou accompagnées de ses deux choristes, Marina Heredia impressionne par sa maitrise et la versatilité de sa voix chaude à la tessiture unique.

Crédits photographiques : © Festival Arte Flamenco