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À Cortot, Begehren de Beat Furrer au creux des timbres

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Paris. Salle Cortot. 3-XII-2025. Beat Furrer (né en 1954) : Begehren, pièce de théâtre musical en 10 scènes pour soprano, baryton, ensemble instrumental et ensemble vocal. Livret du compositeur en collaboration avec Christine Huber et Wolfgang Hofer sur des textes de Cesare Pavese, Günter Eich, Ovide, Hermann Broch et Virgile. Johanna Vargas, soprano, Elle ; Christoph Brunner, baryton, Lui ; ensemble vocal Cantando Admont ; Ensemble Écoute, direction : Fernando Palomeque

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Donné en création française et en version de concert à la Salle Cortot sous la direction de , Begehren, troisième œuvre lyrique de nous saisit par l'envergure sonore et poétique de sa facture.

 

La soirée de très haute tenue consacre une semaine de résidence sur la scène parisienne du compositeur suisse dont on fête les 70 ans. Figure majeure de la sphère musicale germanique, il est le fondateur, en 1985, du Klangforum Wien dont il est le chef d'orchestre.  De 1991 à 2003, il enseigne la composition à l'Universität für Musik und darstellende Kunst de Graz et fonde, dans cette même ville autrichienne, à la fin des années 1990, « impuls », une académie internationale d'ensemble et de composition pour la musique contemporaine. Avec son dernier opéra Das grosse Feuer, donné en création à Zürich en avril dernier, s'inscrivent aujourd'hui à son catalogue neuf ouvrages lyriques.

Résonance du désir

Créé à Graz en 2001, Begehren (Désir) repose sur une trame littéraire composite qui mêle le latin et l'allemand. Le compositeur en écrit le livret (en collaboration avec Christine Huber et Wolfgang Hofer) d'après des textes d'Ovide, Hermann Broch, Günter Eich, Virgile, Cesare Pavese (traduit en allemand). Tournant autour du mythe d'Orphée, sans en retracer l'histoire, et mettant en scène les deux personnages de la légende, Elle et Lui, Begehren, « théâtre musical » comme le nomme Furrer, aborde les thèmes de la quête amoureuse, de la séparation et de l'incommunicabilité. Elle (la soprano ), à jardin, chante en latin – que les surtitres ne traduisent pas ; Lui (le baryton ), à cour, s'exprime en allemand, voix parlée en quête du chant pour tenter de la retrouver.

Au centre, derrière l'orchestre (), les douze voix du de Graz semblent absorber les paroles de l'un et l'autre en en répercutant la dimension tout à la fois sémantique et sonore : sifflantes, chuintantes, bruits de bouche, scansion rythmique, l'ensemble vocal s'inscrit dans le continuum sonore de l'orchestre. Le découpage en dix scènes, où se renouvellent constamment les configurations sonores, ménagent des contrastes vertigineux entre climax de tension et vide sidéral de l'espace.

 

Dramaturgie du souffle et écriture du timbre

Comme chez Lachenmann ou encore Sciarrino, dans le sillage duquel semble s'inscrire l'écriture musicale de Begehren, les phrases, les mots sont souvent hachés, déconstruits et réduits à quelques phonèmes et à leur valeur bruitiste : mouvement circulaire et répétitif, raréfaction des figures sonores et importance du souffle, inspiration/expiration dans l'embouchure de la flûte basse. Dans son rôle parlé où la dimension sonore affleure constamment, captive notre écoute, y compris dans ce chant intérieur qu'il émet bouche fermée. Rompue à toutes les exigences vocales, séduit par la pureté de son soprano qui rejoint souvent les lignes instrumentales. Du piccolo à la flûte basse, est certainement le musicien le plus sollicité de la soirée, entre traits virtuoses et modes de jeu sophistiqués servant l'écriture du timbre de Furrer. Entretenant mouvement et fluidité au sein d'une écriture de type « fractal », le jeu instrumental est exigeant. Furrer aime explorer le seuil des registres (présence de la clarinette contrebasse) et cherche les alliages sonores raffinés lorsqu'il demande aux deux percussionnistes de faire sonner leur vibraphone à mains nues ou d'ébranler la plaque tonnerre dans un bruissement doux servi par les qualités acoustiques de Cortot. Le rôle du piano, à la fois percussif et résonnant, réclame une concentration de tous les instants, tout comme celle du chef, dont la précision du geste et l'investissement durant les 90 minutes de l'ouvrage forcent l'admiration. La performance de l', dont il faut saluer la qualité de tous les pupitres, sidère, ainsi que celle du restituant avec une rare souplesse l'écriture ciselée du compositeur.

Crédit photographique : © Manu Theobald () / ResMusica

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