Louise en salle d’attente

Le 16 octobre 2008 par Andreas Laska

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Duisburg, Théâtre. 12-X-2008. Gustave Charpentier (1860-1956) : Louise, opéra en quatre actes sur un livret du compositeur. Mise en scène : Christof Loy ; décors : Barbara Pral ; costumes : Ursula Renzebrink ; lumières : Volker Weinhart ; chorégraphie : Thomas Wilhelm. Avec : Sylvia Hamvasi, Louise ; Sergej Khomov, Julien / le Noctambule ; Marta Márquez, la Mère ; Sami Luttinen, le Père ; Fabrice Farina, le Pape des fous / le Marchand d’habits ; Romana Noack, Irma ; Gwendolyn Killebrew, Gertrude. Düsseldorfer Mädchen- und Jungenchor (chef de chœur : Justine Warnat), Chor der Deutschen Oper am Rhein (chef de chœur : Gerhard Michalski), Duisburger Philharmoniker, direction : Jonathan Darlington.

Allemagne

Rhenanie du Nord – Westphalie
- Duisburg

C'est vraiment étrange. Alors que le programme de salle montre huit photos de la capitale française, celle-ci est presque entièrement bannie de la mise en scène de Christof Loy. En effet à Duisburg, Louise, l'opéra parisien par excellence, se déroule dans la vaste salle d'attente d'un médecin, lieu aussi laid que froid et quelconque.

En attendant le rendez-vous (ou plutôt son bonheur) Louise, accompagnée de ses parents très envahissants, commence à rêver. Elle s'invente un amant – qui prend les traits du médecin – avec lequel elle s'enfuit de la prison parentale. Ici, Paris n'est plus qu'un symbole – un endroit imaginaire sans contraintes où règne la liberté absolue – et présent seulement à travers quelques diapositives projetées pendant le célèbre air «Depuis le jour». Si le metteur en scène nous gratifie de quelques moments très denses au niveau de la direction d'acteur, le concept en soi tombe à plat. Car, contrairement à ce que Loy prétend dans le programme de salle, Louise n'est pas une œuvre surréaliste ou symboliste, proche de Pelléas et Mélisande. Au contraire, texte et musique dressent le portrait tout à fait naturaliste d'un Paris ouvrier à l'époque de la création. Il suffit, pour s'en convaincre, d'écouter le formidable début du deuxième acte (Paris s'éveille), devenue ici un défilé bien bizarre de patients et de personnel de nettoyage, en flagrante contradiction avec la musique imaginée par le compositeur.

Musicalement, en revanche, cette nouvelle production est une grande réussite pour le Deutsche Oper am Rhein, qui a pu distribuer tous les rôles, petits et grands, parmi les membres de sa troupe. Et ceux-ci ne déméritent pas. Ainsi, Marta Márquez campe une mère incisive, à la voix pas très ample mais bien projetée et à l'aise sur toute la tessiture. Dans le rôle du père (au physique d'ailleurs bien trop jeune pour être crédible), Sami Luttinen fait entendre une voix impressionnante, à mi-chemin entre Boris Christoff et Matti Salminen, qu'il tente – avec un certain succès – de plier à la souplesse requise par Charpentier. Malgré quelques problèmes de prononciation, Sergej Khomov est un Julien très convaincant, à l'émission insolente comme il faut, à l'aigu radieux, mais également capable de belles demi-teintes dans les deux grands duos d'amour. Sa Louise, en la personne de la très belle Sylvia Hamvasi, peine un peu dans certains passages graves, péché véniel pourtant largement compensé par les couleurs sensuelles de son timbre, par la luminosité de son registre aigu ainsi que par son engagement dramatique qui force le respect.

Dans la fosse, Jonathan Darlington fait scintiller les pupitres des Duisburger Philharmoniker, rendant ainsi justice aux multiples facettes de l'orchestration de Charpentier. Et, malgré le fait que les quatre actes de la pièce sont donnés sans entracte (2 heures 40 de musique quasiment ininterrompue !), la tension ne tombe pas une seule seconde. Le public à la fin se montre enthousiaste et ovationne tous les artistes.