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À Gstaad, Tosca et Scarpia en séduction avec Yoncheva et Schrott

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Gstaad. Grande Tente. 25-VIII-2023. Giacomo Puccini (1858-1924) : Tosca, opéra en trois actes sur un livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica d’après la pièce de Victorien Sardou (version de concert mise en espace). Avec Sonya Yoncheva, Floria Tosca ; Riccardo Massi, Mario Cavaradossi ; Erwin Schrott, Scarpia ; David Oštrek, Cesare Angelotti ; Matteo Peirone, Il sagrestano ; Álvaro Zambrano, Spoletta ; Gerardo Garciacano, Sciarrone, Il carceriere ; Kim Wettenschwiler, la pâtre. Chœur du Théâtre de Berne (chef de chœur : Zsolt Czetner). Gstaad Festival Orchestra, direction : Domingo Indoyan

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Le Gstaad Menuhin Festival proposait une production de la Tosca de intelligemment mise en espace doublée d'une distribution de haut vol où brillent la soprano et le baryton .

Les opéras en version de concert sont-ils l'avenir de l'opéra ? Une question certes quelque peu provocatrice mais qui peut trouver sa justification dans la réponse qu'en donne le Gstaad Menuhin Festival (comme le Verbier Festival) qui, depuis des années offre à son auditoire des versions mises en espace d'opéras. Ainsi le public, comme le critique, ne se trouve pas confronté à ce que pourrait vouloir exprimer cette œuvre au travers d'interprétations scéniques que les maisons d'opéra s'ingénient à nous offrir à longueur de saison. Dans le contexte de la version de concert, l'opéra est considéré comme une œuvre en soi. Indiscutable, tant du point de vue musical que de celui de son contenu littéraire. Ainsi, avec une personne (encore trop discrète pour avoir son nom dans la distribution) qui se charge d'une mise en espace des protagonistes, on touche à l'essence même de l'œuvre. Moyennant quelques discrets accessoires, avec des costumes simples occultant le rigoriste frac de récital, plus un peu de pénombre, une solide projection de surtitres, il ne faut rien de plus pour servir le compositeur et son opéra. Peut-être est-ce là la raison du succès de ces représentations ainsi que le confirme l'affiche «complet» de cette soirée.

Certes la Tosca de a de quoi attirer le public. Qui plus est, la venue de l'actuelle prima donna ne pouvait que donner envie de voir et d'entendre une soprano qui, en dépit de sa résidence en Suisse, ne se produit plus que sur des scènes d'opéra prestigieuses hors de notre pays.

Mais ne boudons pas notre plaisir du moment d'exception qui nous est offert avec cet opéra phare dans l'œuvre puccinienne. Si on comprend l'esprit immensément romantique qui règne chez la Mimi de La Bohème, comment ne pas tomber amoureux du personnage de Tosca, femme de théâtre (la pièce éponyme de Victorien Sardou avait été créée par Sarah Bernhardt) que l'amour exclusif et le refus de se donner par abus de pouvoir pousse au crime ? Un tel personnage ne peut être joué (à plus forte raison chanté) que par une interprète habitée. Et c'est cela que nous a offert en Tosca. Certes, on aurait pu attendre qu'elle soit encore plus théâtrale, mais dans le contexte d'une salle de concert à l'acoustique peu réverbérante, difficile de faire mieux. Sonya Yoncheva, en grande dame, ne s'est pas ménagée, offrant le meilleur d'elle-même, tout juste si on remarque, une légère tendance à l'accentuation du vibrato. D'ailleurs son «Vissi d'arte» (qu'elle dut chanter plus en force que l'aurait voulu cette prière) s'avère un beau moment d'émotion. A l'autre bout de la scène, son bourreau Scarpia écoute religieusement, immobile, visiblement ému par son superbe legato.

A ses côtés, le ténor (Mario Cavaradossi) est fidèle à lui-même. Ayant chanté ce rôle sur toutes les grandes scènes du monde, on retrouve le ténor tel que nous l'avions laissé à Verbier en juillet 2011. Vocalement impeccable, ayant toutes les notes du rôle, mais malheureusement restant engoncé dans son théâtre, il n'a rien du chevalier conquérant quand bien même son Vittoria, vittoria ! jaillit sans une once d'hésitation. Reste que la voix est belle, chaleureuse et bien conduite. Son Lucevan le stelle remporte la palme des applaudissements du public.

Quant à (Scarpia), il épouse parfaitement ce rôle. Certes plus enjôleur donjuanesque dans la séduction de Tosca qu'homme de pouvoir abusant de son statut, il joue de son sarcasme avec un talent immense et spectaculaire. S'il n'a pas la puissance vocale d'un Tito Gobbi ou d'un Ettore Bastianini, il en a la noirceur et le ton. Après un Te Deum ravageur, où on l'entend pousser un suraigu déchirant et dominant tout l'orchestre et le Choeur du Théâtre de Berne (excellent), sa prestation tout au long du deuxième acte est remarquable. Acteur accompli, il possède une rare intelligence du texte avec une capacité de colorer sa voix soit qu'il ordonne à ses sbires à mezza voce, soit qu'il déclame.

Parmi les rôles de comprimai, on retrouve avec bonheur la basse (Il sagristano) dont nous avions apprécié l'entregent et l'aisance lors de représentations de à Verbier.

Autre acteur important, sinon le plus important, dans Tosca de Puccini : l'orchestre. Et bien sûr, à sa tête, le chef. Si sur le plan vocal, la satisfaction peut-être comblée, on ne peut objectivement en dire autant du , voir de son chef . Quand bien même le chef reste bien à l'écoute des chanteurs, il n'imprime pas la noirceur du drame ambiant. Sa baguette complaisante peut parfois accompagner parfaitement les voix mais, l'œuvre demande de la puissance, de l'énergie, plus que du volume sonore ou de la précipitation. Or, à force de se préoccuper du confort des chanteurs, aurait tendance à passer à côté du propos du compositeur.

Reste que, si l'on n'a pas rejoint les sommets de l'émotion, cette prestation reste d'un niveau vocal de premier ordre et il aura manqué peu de chose pour que le souvenir de cette Tosca reste mémorable.

Crédit photographique : Gstaad Menuhin Festival © Raphaël Faux

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