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Abbaye de Royaumont. Festival de Royaumont 9-IX-2023.
18h : Jardins ; Remix Factory 1993-2023 : Hervé Robbe, chorégraphe ; Shlomi Tuizer et Edmond Russo assistants chorégraphiques ; Richard Deacon, sculpteur ; Jean-François Domingues, créateur sonore ; Bl!ndman Kwartet, Éric Sleichim, LFO musique. Constance Pidoux, Alexandra Fribault, Elisa Manke, Iris Brocchini, Aure Barbier, Polonie Blanchard, Louis Macqueron, Charles Noyerie, Clément Carre, Matteo Real, interprètes.
20h : Réfectoire des moines. Théo Mérigeau (né en 1987) : Almanach d’une convergence, pour orchestre (CM). György Ligeti (1923-2006) : Concerto pour violon et orchestre. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Symphonie en ut majeur n°41 K. 551. Isabelle Faust, violon ; Orchestre Les Siècles, direction : François-Xavier Roth

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Musique et danse étaient au programme du premier week-end du Festival de Royaumont emmené par son directeur : où il est question du temps et du geste, du jeu et de la fête.

Un premier « lever du rideau » à la Bibliothèque Henry et Isabel Goüin en début d'après-midi invite le public à une rencontre avec le chorégraphe , directeur de la danse et de la création chorégraphique à Royaumont, qui revient sur la genèse de son projet. Remix Factory est en effet la version revisitée de Factory, une création de 1993 donnée à La Ferme du Buisson : non pas un spectacle, précise-t-il, mais un espace partagé avec les danseurs, les sculptures du plasticien anglais Richard Deacon et le public : une expérience immersive encore peu pratiquée à l'époque dont les enjeux constitutifs lui ont apparu intéressant de réactiver.

Décalé d'une heure en raison de la chaleur excessive de ce samedi après-midi, Remix Factory, mettant l'accent sur la fabrique et le travail en train de se faire, est donné en plein air, dans les jardins de l'Abbaye. Sur le plateau sont installées plusieurs sculptures de bois de Richard Deacon jouant sur les courbures, l'enroulement, le basculement, la spirale etc… autant de formes organiques qui appellent les corps à s'y lover. La troupe s'est rajeunie ainsi que les costumes : pantalons bleus et tee-shirts roses pour les dix filles et garçons en action. L'environnement sonore reste le même, avec la musique du compositeur belge et celle de son quatuor de saxophones Bl!ndman.

S'agissant de la chorégraphie, les mouvements individuels ou en duo ont été travaillés mais l'espace scénique est sans cesse à réinventer dans la mesure où il est partagé avec le public. On est saisi par l'énergie qui traverse les corps mais c'est le rapport du geste dansé à l'objet sculpté qui captive véritablement notre regard dans la seconde partie de cette « fabrique » réinterprétée.

Par delà les siècles…

Mérigeau, Ligeti et… Mozart sont à l'affiche du concert de l' : un programme qui peut sembler incongru sauf s'il l'on rappelle la vocation des Siècles à mettre en perspective, de façon pertinente et inattendue, plusieurs siècles de création musicale en jouant chaque répertoire sur les instruments appropriés.

La soirée débute avec la commande 2022 des Bibliothèques Royaumont passée à , lauréat de Voix Nouvelles 2022 qui nous avait enchanté l'année dernière avec sa pièce Op Op CCC Variations écrite sur un poème de Tarkos.

La dimension du temps et sa mesure préoccupent le compositeur dans cette nouvelle œuvre titrée Almanach d'une convergence. Mérigeau fait référence à un calendrier balinais qui ne se base pas sur des phénomènes naturels mais sur des principes purement abstraits et arithmétiques. Une invitation pour lui à spéculer sur des données rythmiques et leurs combinaisons pour écrire la complexité. Partant d'une figure générative qui va traverser les différents pupitres, Mérigeau traite l'orchestre par couches sonores autonomes qui se superposent et engagent une polyrythmie de plus en plus riche et colorée dont les cloches-tubes et autres percussions résonnantes signalent les phases successives. Au mitan de l'œuvre il fait intervenir en solo les trois « tridents » inclus dans l'orchestre, un instrument de son invention (trois tuyaux reliés à une embouchure) qui sonnent de manière détempérée, entre l'ocarina et l'orgue de barbarie et autorisent une alchimie de timbres inouïs avec les autres instruments. Mérigeau travaille dans la transparence avant de réamorcer l'énergie avec force répétition et accents irréguliers aux réminiscences stravinskiennes. La puissance du geste compositionnel sidère tout comme la virtuosité de l'écriture orchestrale à laquelle les musiciens des Siècles sous la direction du maestro Roth confèrent sa pleine efficacité.

Le passage est fluide, de la création de Mérigeau au Concerto pour violon de Ligeti, un des chefs d'œuvre du maître hongrois (dont on fête le centenaire) qui désirait, quant à lui, « abolir le temps, le suspendre, le confiner au moment présent ». C'est l'immense qui est sur le devant de la scène aux côtés de l'.

Dans Praeludium, l'oscillation des cordes à vide flirte avec le silence sous l'archet délicat de la violoniste dont on apprécie, dès les premières pages de la partition, le velouté du son émis dans la souplesse et en phase avec un orchestre très réactif. Après l'effervescence du premier mouvement, l'Andante con moto laisse les timbres s'épanouir autour de la mélodie du violon : celui de l'alto caressant, puis des ocarinas, sans agressivité, auquel s'enchaîne le quatuor des vents d'une grande délicatesse. La violoniste reste souveraine, traversant ces différents états sonores avec la même autorité d'archet. L'Intermezzo ; Presto fluido est remarquablement conduit, du pppp au ffffff comme l'indique Ligeti, même si le son de l'orchestre qui finit par submerger le violon solo frôle la saturation dans l'acoustique généreuse des lieux. Le début de Passaglia est sublime, procédant à l'ouverture progressive de l'espace de résonance sous la tenue imperturbable d'un violon stratosphérique. La puissance déployée par la violoniste dans l'un des mouvements les plus complexes de la partition est phénoménale. souligne l'aspect quasi théâtral du cinquième mouvement Appassionato : Agitato molto qu' magnifie par une cadence de haut vol alliant virtuosité et élégance.

La pièce de jouée en bis (dont le CD est en préparation) relève de cette même élégance et subtilité de jeu dont la violoniste nous gratifie.

Cordes en boyaux, flûte en bois, cors naturels… L' a muté durant l'entracte, abordant l'ultime symphonie de Mozart, dite « Jupiter », sur instruments d'époque.

C'est un autre équilibre des forces qui s'instaure dès les premières mesures de l'Allegro vivace, avec des archets moins acérés, des vents hauts en couleur et le son un rien robuste des deux timbales : moins de lissage au sein des pupitres et de finesse dans les dynamiques mais une belle énergie qui se déploie, canalisée par le geste du maestro alliant clarté et sobriété. Si L'Andante cantabile peine à trouver sa fluidité, le Menuet a belle allure, préfigurant les contours mélodiques du dernier mouvement dans lequel Mozart exerce un art consommé du contrepoint. L'assise rythmique est impeccable, autant que l'articulation et le déroulé sans faille de la fugue dans un Final qui referme en apothéose cette superbe soirée d'orchestre.

Crédit Photographique : © K. Nédellec / Royaumont

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