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A Liège, un Barbier de Séville de Rossini…di qualita !

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Liège. Opéra Royal de Wallonie-Liège. 22-X-2023. Gioachino Rossini (1792-1868) : Il Barbier di Siviglia, opéra en deux actes sur un livret de Cesare Sterbini, d’après la comédie éponyme de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Mise en scène : Vincent Dujardin. Décors et costumes : Leila Fteita. Lumières : Bruno Ciulli. Avec : Vittorio Prato : Figaro; Ruzil Gatin ; il Conte d’Almaviva; Aya Wakizono : Rosina; Pablo Ruiz : Don Bartolo; Mirco Palazzi : Don Basilio; Eleonoara Boaretto : Berta ; Ivan Thirion : Fiorello; Marc Tissons : un ufficiale. Choeurs préparés par Denis Segond et orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège,, direction musicale : Giampaolo Bisanti

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L'Opéra Royal de Wallonie-Liège propose un impayable Barbiere di Siviglia : alliant à la direction aiguisée de , nouveau directeur musical du lieu, une distribution vocale sans faille, et la mise en scène classique désopilante de .

On le sait : pour son  livret Cesare Sterbini a fait abstraction de la satire politico-sociale de la pièce de Beaumarchais pour davantage tendre vers la comédie vaudevillesque, où se mêlent quiproquos, travestissements, déclarations d'amour péremptoires, ou chassés croisés impétueux. Mais c'est aussi une galerie de portraits caustiques et de comportements humains parfois peu reluisants – ou la cruauté le dispute à l'arrivisme, à la lâcheté ou à la bassesse. Le cygne de Pesaro, au-delà des ensembles virtuoses étourdissants de brillance pétillante dont il est coutumier, livre ici – outre une ouverture célébrissime – une partition dont la qualité et l'efficacité dramatique vont bien au-delà des airs de bravoure les plus fameux, passés pour beaucoup dans l'inconscient musical collectif.

Le metteur en scène , provenant plutôt du théâtre parlé, ne s'y est pas trompé et gère avec une efficience remarquable cette « étourdissante entreprise » comme il la désigne lui-même. La direction d'acteurs est précise, incisive, pensée dans ses moindres détails – gestes, intentions, mimiques – exaltée aussi par le savoir-faire d'acteurs-chanteurs aguerris, donnant lieu à une émulation individuelle conférant à l'ensemble une spontanéité et une énergie bien rafraichissantes par ces temps moroses.

Certes le metteur en scène s'autorise « quelques prises de tangentes bien assumées » (sic). L'action est translatée dans la Séville des années 50 : un Figaro conquérant, au look évocateur, lunettes fumées, et cheveux gominés – façon George Michael période Wham ! – et un rien macho, fait irruption au guidon d'une rutilante Vespa, là où la soldatesque, au final des deux actes, arbore des uniformes militaires franquistes mi-menaçants, mi- grotesques. joue donc, sans prétention aucune, la carte d'un tourbillon véloce, juvénile et ravageur et rallie à plus d'une reprise, par cet humour décapant sans une once de trivialité, les rires bon-enfant d'un public conquis par une mise en situation irrésistiblement drolatique, voire carrément désopilante (au fil de la vraie-fausse leçon de musique du second acte, entre autres exemples..).

En totale cohérence, la décoratrice – par ailleurs conceptrice des beaux et sobres costumes, caractérisant bien chacun des personnages, tant par leur coupe que leur allure « flashy »- a imaginé une architecture de base très structurée avec cette place aux perspectives fuyantes barrées par la verticalité des immeubles : une place anonyme, de conception typique des années d'après-guerre. Mais ce n'est là que la matrice d'un univers plus intime, se dépliant au fil des tableaux, telle une maison de poupées (du hall d'entrée au boudoir privé en passant par le central salon de musique du second acte…). Un décor dépaqueté au fil de l'action, point d'équilibre entre mondes intérieur et extérieur, entre rêve et réalité, entre sincérité et roublardise. Y répondent les fantasques et poétiques éclairages de , traçant par leur subtilité la courbe solaire d'une folle journée avant la lettre, depuis  l'aurore jusqu'à la nuit profonde.

La distribution se révèle très homogène et convaincante. est un familier du rôle-titre, il convainc totalement en Figaro, par son allure plébéienne, son idéal timbre vif-argent, sa faconde époustouflante, sa virtuosité délurée dès son « Largo al Factotum » liminaire. En outre, son indéniable présence physique ajoute un chic fou à sa prestation.
Le Comte Almaviva est incarné par le ténor russe , dont on peut regretter sans doute un aigu un peu nasal et acide, mais d'une très belle tenue vocale et d'un style éprouvé au fil du très périlleux et triomphal « Cesssa di piu resistere » ponctuant quasiment l'ouvrage.


C'est la mezzo-soprano japonaise qui incarne une Rosina délurée et libertaire. Si le timbre est d'une remarquable homogénéité, on peut juste regretter une projection un rien plus limitée dans le médium grave, donnant l'impression d'une soudaine rupture dynamique lors du passage vers les registres aigus de son « Una voce poco fa ». Mais quelle magnifique voix doublée d'un authentique personnalité dramatique !
est un Don Bartolo irréprochable, solide et nuancé sur le plan musical. Il imprime scéniquement au personnage tout le grotesque de son veule arrivisme, suscitant l'hilarité générale du public. Le Don Basilio du très fin est un peu de la même eau, vocalement très juste mais peut-être un rien humainement plus effacé au sein d'une équipée aussi extravertie. Il faut aussi saluer comme il se doit la Berta d', très drôle au fil de ses premières apparitions muettes mais impeccable styliste d'allure quasi mozartienne dans son bref mais splendide « Il vecchiotto cerca moglie » à l'acte II. , seul élément belge de la distribution, n'est pas en reste et assume avec brio le court rôle de Fiorello.

Il convient de saluer, outre les chœurs – aux intervertions très ponctuelles – très bien préparés, comme souvent, par , un impérial , nouveau directeur musical du lieu, désigné par l'intendant Stefano Pace. Sa baguette se veut rigoureuse et précise. Sa lecture de la partition relève autant d'une lecture incisive et perspicace que d'une magnifique continuité dramatique. Il assure autant l'équilibre parfait mais toujours délicat dans ce répertoire, entre fosse et plateau, que l'encadrement minutieux des solistes. Il est très bien suivi par un orchestre volontaire, à la petite harmonie très en verve, et somme toute, assez irréprochable, si l'on omet – au fil de la seule très populaire ouverture l'audible manque de cohérence des cordes aiguës. Une mince réserve qui n'oblitère en rien notre réel plaisir face à cette classique mais brillante réussite, tant musicale que visuelle et théâtrale.

Crédits photographiques © ORW-Liège/J.Berger

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Liège. Opéra Royal de Wallonie-Liège. 22-X-2023. Gioachino Rossini (1792-1868) : Il Barbier di Siviglia, opéra en deux actes sur un livret de Cesare Sterbini, d’après la comédie éponyme de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Mise en scène : Vincent Dujardin. Décors et costumes : Leila Fteita. Lumières : Bruno Ciulli. Avec : Vittorio Prato : Figaro; Ruzil Gatin ; il Conte d’Almaviva; Aya Wakizono : Rosina; Pablo Ruiz : Don Bartolo; Mirco Palazzi : Don Basilio; Eleonoara Boaretto : Berta ; Ivan Thirion : Fiorello; Marc Tissons : un ufficiale. Choeurs préparés par Denis Segond et orchestre de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège,, direction musicale : Giampaolo Bisanti

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