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Trifonov, Nézet-Seguin et le Philadelphia Orchestra à Paris : Rachmaninov, sinon rien !

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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 30-X-2023. Serge Rachmaninov (1873-1943) : Vocalise op.34, arrangement pour orchestre (1915) ; Rhapsodie sur un thème de Paganini op. 43 (1934) ; Symphonie n° 1 en ré mineur op. 13 (1897). Daniil Trifonov, piano. The Philadelphia Orchestra, direction : Yannick Nézet-Seguin

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Pour sa tournée européenne, le , membre du célèbre « Big Five » américain, conduit par son directeur musical Yannick Nézet-Seguin, choisit de fêter le 150e anniversaire de la naissance de avec un programme qui lui est totalement dévolu, comprenant Vocalise, la Symphonie n° 1 et les Variations sur un thème de Paganini avec le pianiste en soliste.

Près de quarante ans séparent la Symphonie n° 1 (1897), composée en Russie, sombre, dramatique, farouche, d'inspiration tchaïkovskienne, marquée du sceau de la fatalité et quasiment prémonitoire quand on sait le désastre que représenta sa création sous la baguette de Glazounov, de la Rhapsodie sur un thème de Paganini, véritable cinquième concerto pour piano et orchestre (1934) composée en Suisse et créée à Baltimore qui reçut, a contrario, un accueil triomphal par l'alliage savant d'un thème classique, d'une orchestration pétillante et d'acrobaties pianistiques périlleuses ; deux œuvres parcourues par le thème inquiétant du Dies Irae.  

On sait aussi les liens indéfectibles qui unissent le et le compositeur russe qui y créa nombre de ses œuvres comme la Symphonie n° 3 (1936), les Danses symphoniques (1941) ou encore le Concerto pour piano n° 4 (1927) le plus souvent sous la direction de l'immense . Quand on ajoute à cela que Yannick Nézet-Seguin et le pianiste ont ensemble réalisé, avec ce même orchestre, une intégrale du corpus symphonique et des concertos pour piano de Rachmaninov pour le label DG, on comprend immédiatement l'attente pour ce concert qui débute par la fameuse Vocalise, dernière des 14 Romances op. 34, réorchestrée en 1915 par le compositeur à partir de la version originelle pour piano de 1912. Une œuvre célébrissime qui permet d'emblée d'apprécier la beauté, le legato et la sonorité ample, ronde et chaude des cordes de la phalange américaine, rehaussée de jolis contrechants de vents.

D'un tout autre climat la Rhapsodie sur un thème de Paganini, ensemble de 24 variations à partir du Caprice n° 24 du compositeur italien voit l'entrée sur scène du pianiste pour une remarquable interprétation, haute en couleur, virtuose et en parfaite adéquation avec l'orchestre superbement conduit par Nézet-Seguin. On est séduit dès l'Allegro (variations n° 1 à 10) par la variété du jeu, nerveux, virtuose, parfaitement nuancé, tantôt fluide, tantôt chaotique et percussif martelant le thème du Dies Irae, soutenu par un dialogue serré avec l'orchestre (harpe, cor et petite harmonie) dans une orchestration pétulante laissant poindre une pointe de dramatisme et des accents jazzy. L'Andante (variations n° 11 à 18), annoncé par le hautbois, développe ensuite une belle cantilène, très pure, émouvante et éminemment romantique, imprégnée d'un intense sentiment d'attente entretenu par les cordes graves, le violon solo et les cuivres bien contenus, avant que le Finale ne renoue avec une dynamique puissante toute de virtuosité virevoltante, conclu une fois encore par le thème du Dies Irae clamé de concert par le soliste et l'orchestre.

Avec la Symphonie n° 1, réputée noire et dramatique, Yannick Nézet-Seguin surprend par sa lecture originale, hédoniste, étonnamment lyrique, qui laisse brillamment chanter le . Après une introduction puissante portée par les cordes graves et un crescendo fortement cuivré, le premier mouvement se construit dans une alternance, plus inquiète que dramatique, d'épisodes lyriques (cordes et petite harmonie) et de sections plus fougueuses (cuivres et timbales) sur un phrasé tendu, parfaitement équilibré, clair et nuancé, conduit par une direction très lisible et engagée. Le Scherzo suivant maintient la tension dans une attente qui va croissante où se distinguent tout particulièrement un solo de violon aux accents quelque peu sataniques. Le Larghetto, entamé par les altos et la clarinette développe une complainte, là encore, plus méditative que dramatique (hautbois) jusqu'à ce que l'embellie ne se dissipe sous les assauts répétés et menaçants des cordes graves et des cuivres avant un Allegro final qui impressionne par la violence de ses fanfares de cuivres, par la précision de ses puissantes attaques de cordes, par ses percussions rugissantes, comme par ses sections lyriques presque joyeuses, se mêlant avec bonheur dans une péroraison laissant sourdre les influences de Tchaïkovski.

Un Prélude arrangé pour orchestre par conclut ce magnifique concert qui confirme la qualité superlative de la phalange américaine et de son chef reconduit à sa tête cette année pour un contrat courant jusqu'en 2030… Ah ! Les beaux jours…

Crédit photographique : © Jacques Northon

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