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Le Ballet de Stuttgart en grand format pour célébrer Cranko

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Stuttgart. Opernhaus. 2-XI-2023. Remember me.
Initialen R.B.M.E. Chorégraphie : John Cranko ; musique : Johannes Brahms (concerto pour piano n° 2, op. 83) ; décors et costumes : Jürgen Rose. Avec Adhonay Soares da Silva, Veronika Verterich, Mizuki Amemiya (R.); Daiana Ruiz et Mackenzie Brown, Giulia Frosi, David Moore, Ciro Ernesto Mansilla, Fabio Adorisio (B.), Anna Osadcenko, Jason Reilly (M.), Matteo Miccini, Minji Nam (E.) ; Alexander Reichenbach, piano.
Requiem. Chorégraphie : Kenneth MacMillan ; musique : Gabriel Fauré ; décor : Yolanda Sonnabend. Avec Elisa Badenes, Jason Reilly, Martí Fernández Paixà, Anna Osadcenko, Mackenzie Brown, David Moore. Kiki Sirlantzi, soprano ; Kabelo Lebyana ; figure humaine, chœur de chambre.
Staatsorchester Stuttgart ; Mikhail Agrest, direction.

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Une des dernières œuvres du chorégraphe et l'hommage de MacMillan après sa disparition : une soirée élégante et émue qui reste en deçà du grand frisson.

Célébrer son fondateur , le Ballet de Stuttgart ne s'en prive pas, on l'a encore vu avec un grand gala l'été dernier, sans parler des reprises annuelles de ses grands ballets narratifs. Cette fois, c'est autant comme chef de troupe qu'il est mis à l'honneur que comme chorégraphe : Initialen R.B.M.E. qui ouvre le programme est l'hommage de Cranko à ses danseurs, aux quatre étoiles qui fournissent les quatre initiales du titre, mais aussi à l'ensemble de la troupe – ce qui vaut aux spectateurs de cette reprise de voir au cours du programme presque toutes les étoiles de la troupe, y compris la plus récente, Mackenzie Brown, nommée il y a quelques semaines après une représentation de Roméo et Juliette.

Les chorégraphes n'ont certes plus de limites quant à leurs choix musicaux, mais le second concerto pour piano de Brahms n'est tout de même pas un choix bien commun. Pour cette œuvre qui est l'une de ses dernières créations (1972), Cranko a choisi de consacrer chacun des quatre mouvements à l'une des étoiles qu'il avait non pas seulement recruté, mais formé, conduit à révéler leur talent personnel, ce qui est après tout le rôle d'un chef de troupe. L'œuvre ainsi créée comme éloge de l'amitié créatrice est une belle illustration de l'inventivité constante de Cranko, jamais prisonnier d'un style personnel et toujours à l'affût de ce que lui apportaient ses danseurs.

Le premier mouvement a été créé pour Richard Cragun, décédé en 2012, dont Cranko admirait l'énergie radieuse. C'est qui lui succède : faute de pouvoir faire une comparaison directe, la chorégraphie témoigne des prouesses d'énergie et de vitesse dont Cragun pouvait être capable. Les pas se succèdent à une vitesse folle, sans chercher la virtuosité en force qui était alors à la mode sous l'influence du ballet soviétique. Le jeune danseur, qui a connu un début de carrière en fanfare, est à la hauteur de l'enjeu et livre un véritable feu d'artifice.

Pour le deuxième mouvement, c'est Birgit Keil qui est à l'honneur, et c'est qui l'incarne cette fois, dans une pièce où elle n'est que la figure dominante des trois couples qui se partagent la scène. Marcia Haydée est au cœur du troisième mouvement, sous les traits d', avec comme partenaire pour le pas de deux qui est au centre de ce mouvement l'une des grandes personnalités du ballet de Stuttgart d'aujourd'hui, : peut-être l'aspect narratif (de la solitude à la rencontre avec Reilly, puis à une nouvelle solitude) souligné dans le programme par la créatrice pourrait-il être plus lisible, mais le pas de deux est fluide et émouvant.

Enfin, c'est qui a la lourde tâche de succéder à Egon Madsen, qui a supervisé les répétitions de cette reprise : membre de la troupe depuis 2016, issu de l'école associée au Ballet de Stuttgart, il n'est soliste que depuis 2022, et cette incarnation en fait un grand espoir pour les années à venir, au-delà de son Mercutio plein d'esprit d'il y a quelques semaines. La légèreté et la jeunesse en sont les marques les plus fortes, et elles sont irrésistibles ; le poids en scène qui fait qu'un Friedemann Vogel ou un électrisent le public dès qu'ils posent le pied sur scène n'est peut-être pas encore là, mais ça viendra.

La pièce dans son ensemble n'a pas tout à fait la force d'autres ballets abstraits de Cranko, Brouillards ou Opus 1 sur la musique de Webern, faute d'une nécessité plus affirmée et d'une palette d'émotions plus large ; pourtant, l'invention formelle et les contrastes entre les différents mouvements suffisent largement à retenir l'attention.L'une des grandes qualités de l'œuvre est cependant qu'elle ne se contente pas de célébrer des étoiles seules au firmament, comme le fait Balanchine où tout est toujours fait pour souligner la singularité de l'élu(e). Ici au contraire l'étoile est intégrée dans un ensemble, dialogue avec ses partenaires et accepte de ne pas être toujours au centre de l'action – la manière dont les danseurs des autres mouvements font par moments des apparitions aux côtés de l'étoile du moment le montre.

La deuxième pièce au programme n'est pas de Cranko : elle est l'hommage de à son collègue et ami disparu et a été créée non pas à Londres comme initialement prévu, mais à Stuttgart même en 1976. Marcia Haydée y tenait à nouveau le rôle central, c'est ici qui lui succède dans ce rôle que MacMillan décrivait comme une sorte d'ange. Il avait choisi le Requiem de Fauré, tube inusable au répertoire de tous les chœurs anglais, sans doute plus encore qu'en France. Si on est sensible à cette partition, l'émotion de la musique est sans doute renforcée par la danse ; si on ne l'est pas, ce qui est notre cas, on peut trouver l'ensemble un peu trop joli et convenu. L'image initiale, cette masse compacte de danseurs les poings dressés vers le ciel, est une représentation forte du deuil, de la colère face à l'injustice de ce décès précoce, mais il est difficile de ne pas trouver que la suite ne parvient pas à la hauteur de cette vision puissante.

On retrouve dans la pièce une bonne partie de la distribution d'Initialen R.B.M.E. : les effectifs généreux des deux pièces mobilisent presque toute la troupe de Stuttgart, qui n'est pas comparable en nombre aux grandes troupes de Russie, de Paris ou de Londres – il ne manque pour ainsi dire que Friedemann Vogel, qui faisait partie de la première distribution de cette soirée. danse ainsi en partenariat avec , mais aussi avec : elle est parfaitement dans le ton élégiaque de la pièce, en faisant corps avec l'écriture très verticale de son rôle ; ses partenaires comme le corps de ballet ont toute la tenue et toute la concentration émue qu'inspire la pièce, sans pourtant parvenir à la faire sortir de son élégante convention.

Crédits photographiques : © Roman Novitzky / Stuttgarter Ballett

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Initialen R.B.M.E. Chorégraphie : John Cranko ; musique : Johannes Brahms (concerto pour piano n° 2, op. 83) ; décors et costumes : Jürgen Rose. Avec Adhonay Soares da Silva, Veronika Verterich, Mizuki Amemiya (R.); Daiana Ruiz et Mackenzie Brown, Giulia Frosi, David Moore, Ciro Ernesto Mansilla, Fabio Adorisio (B.), Anna Osadcenko, Jason Reilly (M.), Matteo Miccini, Minji Nam (E.) ; Alexander Reichenbach, piano.
Requiem. Chorégraphie : Kenneth MacMillan ; musique : Gabriel Fauré ; décor : Yolanda Sonnabend. Avec Elisa Badenes, Jason Reilly, Martí Fernández Paixà, Anna Osadcenko, Mackenzie Brown, David Moore. Kiki Sirlantzi, soprano ; Kabelo Lebyana ; figure humaine, chœur de chambre.
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