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Roméo et Juliette de Cranko à Stuttgart, fête théâtrale pour nouvelle génération

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Stuttgart. Opernhaus. 21-X-2023. Roméo et Juliette, ballet en trois actes. Chorégraphie : John Cranko ; décors et costumes : Jürgen Rose ; musique : Serge Prokofiev. Avec Rocio Aleman (Juliette), David Moore (Roméo), Matteo Miccini (Mercutio), Edoardo Sartori (Benvolio), Satchel Tanner (Pâris), Martino Semenzato (Tybalt), Sonia Santiago (comtesse Capulet), Rolando d’Alesio (comte Capulet)… Staatsorchester Stuttgart ; direction : Wolfgang Heinz.

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En une soirée, on assiste à un véritable festival de théâtre dansé qui confirme la pertinence durable du travail narratif de Cranko.

Après Carmen la veille, Roméo et Juliette de Cranko : on ne peut pas faire plus classique que ces deux soirées dans la belle salle de l'Opéra de Stuttgart. Ce Roméo, décidément, est inusable : dans un temps où beaucoup de salles luttent encore avec des remplissages déficients, le public de Stuttgart ne laisse pas une place vide et réagit avec une ovation debout dès le rideau final. La rupture du Covid a laissé intact l'amour de ce public pour son ballet, c'est rassurant. La représentation de ce soir réunit un Roméo de grande expérience, , avec des danseurs qui ont abordé leurs rôles pour la première fois il y a quelques jours, à commencer par sa Juliette, , étoile depuis 2021.

Mais l'essentiel de cette soirée ne réside pas dans le couple central. On a beau avoir vu le ballet de Cranko un nombre incalculable de fois, on reste saisi par sa capacité à animer les scènes de foule, notamment ici l'acte II entre Carnaval et morts de Mercutio et Tybalt. On connaît la tradition classique consistant à figer le corps de ballet autour de la scène pendant que les héros dansent : ici, au contraire, chaque danseur a le droit d'exister pour lui-même, et Cranko réussit à peupler la scène sans jamais donner une impression de confusion – le travail détaillé sur les nuances chromatiques des décors et costumes de Jürgen Rose lui apporte une aide précieuse. Pour cette énième reprise, même le spectateur le plus blasé ne peut que s'incliner devant le résultat stupéfiant de vie et d'énergie, que seuls un travail acharné des détails et une grande probité stylistique peuvent susciter. Les solistes de la troupe s'en donnent à cœur joie, par exemple les trois danseuses des rues, Veronika Verterich, Elisa Ghisalberti et Daiana Ruiz, vraies personnalités et non décors vivants ; la scène des clowns est proprement irrésistible. Le choix des tempi par le chef Wolfgang Heinz favorise cette vie, en ne laissant jamais la musique s'alanguir : pas de concessions au confort des danseurs, la musique avance à son rythme implacable. Les rôles de caractère, eux aussi, ne sont pas réduits à de simples silhouettes : on comprend bien que Juliette ne soit pas sensible aux avances du comte Pâris (Satchel Tanner), tout empesé à force de distinction aristocratique et pas vraiment prêt à comprendre la jeune fille ; plus impressionnante encore, l'ancienne étoile de la troupe Sonia Santiago fait de Lady Capulet un monument de froideur ; on sent par exemple bien que sa déploration sur le corps de Tybalt mort, si pleine d'emphase, est d'abord une démonstration, une forme obligée qui souligne la gravité de l'acte – son attitude est bien différente devant le corps apparemment sans vie de Juliette.

Tybalt, tant qu'il est en vie, apparaît sous les traits de moins marmoréen qu'à l'habitude : on sent qu'il est, lui aussi, un jeune homme, passionné plus qu'implacable. danse Mercutio avec une séduction certaine et beaucoup de vivacité et d'humour : c'est ce que le rôle demande, et il le fait bien. l'enthousiasme est un peu moins grand pour le couple central, et surtout pour , danseur certes solide et fiable, mais qui peine à laisser venir l'émotion – et on l'a déjà vu plus ambitieux techniquement que pour cette représentation. C'est peut-être pour cela que met du temps à nous convaincre, parce que les pas de deux manquent décidément d'ivresse ; toute la fin du rôle, sa lutte désespérée contre le mariage arrangé, parvient au contraire au sommet de l'émotion, avec une vraie capacité à faire de la danse un moyen de narration et d'incarnation. On attendra donc avec grand intérêt de la voir dans d'autres rôles pour savoir si elle est la grande étoile dont le ballet de Stuttgart a besoin après le retrait d'Alicia Amatriain.

Crédits photogrpahiques © Roman Novitzky/Stuttgarter Ballett

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Stuttgart. Opernhaus. 21-X-2023. Roméo et Juliette, ballet en trois actes. Chorégraphie : John Cranko ; décors et costumes : Jürgen Rose ; musique : Serge Prokofiev. Avec Rocio Aleman (Juliette), David Moore (Roméo), Matteo Miccini (Mercutio), Edoardo Sartori (Benvolio), Satchel Tanner (Pâris), Martino Semenzato (Tybalt), Sonia Santiago (comtesse Capulet), Rolando d’Alesio (comte Capulet)… Staatsorchester Stuttgart ; direction : Wolfgang Heinz.

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